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Mercredi 16 septembre, le canon a tonné toute la nuit

Par Cantabile @reimsavant

Gaston Dorigny

Le canon a tonné toute la nuit. Au petit jour, à cinq heures du matin, le combat reprend. On entend la grosse artillerie qui entre en action.

Nos troupes paraissent prendre du terrain vers les hauteurs de Brimont.

A six heures ½ nous allons avec papa Noll chez Thierry.

Familles Noll & Dorigny lors d’une pause au jeu de croquet

Familles Noll & Dorigny lors d’une pause au jeu de croquet

L’artillerie fait rage, les obus passent sur nos têtes. Nous rentrons heureusement chez nous et partons chez mon père où nous arrivons à neuf heures du matin.

On est à peu près tranquille jusqu’à 10 heures mais à ce moment là on entend à nouveau le canon et cela doit durer jusqu’au soir. Quelle affreuse journée jamais encore depuis le commencement de la bataille de Reims cela n’a été aussi terrible. Des champs avoisinant le boulevard Charles Arnoult on aperçoit les batteries d’artillerie qui font rage. On est inquiet et on se demande quel sera le résultat de la journée. .. … Il a malheureusement encore été négatif.

Entre temps la ville a encore été bombardée à plusieurs reprises. On nous signale encore de nombreuses victimes. Le soir nous retournons chez nous pour coucher, mais en arrivant chez nous quel effroi et quelle vision d’horreur. Au milieu des divers incendies qui éclairent sinistrement le quartier, on entend le canon et les mitrailleuses : On perçoit également le bruit d’un aéroplane qui sillonne la nuit. Il est huit heures du soir et au milieu de ces choses effrayantes, nous décidons de retourner coucher chez mon père. Bien nous en prend car, paraît-il, la nuit a été terrible dans notre quartier. A signaler un obus tombé dans la droguerie, le fils Ritter est blessé assez grièvement. Notre maison a été écornée et les vitres sont brisées chez Mr Guerbet.

Gaston Dorigny

Paul Hess

Dans les communiqués officiels des opérations publiés par Le Courrier de la Champagne de ce jour, nous trouvons ceci, pour ce qui nous intéresse directement :

" 13 septembre - 15 heures

A notre aile gauche, l'ennemi continue son mouvement de retraite.

Il a évacué Amiens se repliant vers l'est.

Entre Soissons et Reims, les Allemands se sont retirés au nord de la Vesle. Ils n'ont pas défendu la Marne au sud-est de Reims.

Même jour, 23 heures

Aucune communication n'est arrivée ce soir, au Grand Quartier Général. Les communiqués d'hier et de cet après-midi ont montré la vigueur avec laquelle nos troupes poursuivent les Allemands en retraite. Il est naturel que dans ces conditions le Grand Quartier Général ne puisse, deux fois par jour, envoyer des détails sur les incidents de cette poursuite. Tout ce que nous savons, c'est que la marche en avant des armées alliées se continue sur tout le front et que le contact avec l'ennemi est maintenu.

A notre aile gauche, nous avons franchi l'Aisne."

puis, sous le titre, en très gros caractères : "L'ennemi bat en retraite" sur toute la ligne, nous lisons :

" 14 septembre - 14 h 30 soir- 1°.........................

2° Au centre, les Allemands avaient organisé, en arrière de Reims, une position défensive sur laquelle ils n'ont pu tenir.

14 septembre - 23 h 15 - A notre aile gauche, nous avons partout rejoint les arrières-gardes et même les gros de l'ennemi ; nos troupes sont rentrées à Amiens, abandonné par les forces allemandes. l'ennemi semble faire tête sur le front jalonné sur l'Aisne.

Au centre, il semble également vouloir résister sur les hauteurs du nord-ouest et au nord de Reims ; etc."

Ce matin, à 5 h, le canon a annoncé que les Allemands sont toujours bien près de la ville, puisque des obus sont venus encore siffler dans les environs de notre quartier. Nous pouvons en conclure que si l'ennemi, ainsi que le dit le communiqué du 14 (14 h 30), a dû abandonner la position défensive qu'il avait organisée en arrière de Reims, ce n'a pas été pour longtemps.

Nous avons dû passer une partie de la matinée dans la cave ; le bombardement étant redevenu très intense ensuite, il nous a fallu y redescendre et y rester l'après-midi tout entier.

Vers 14 h, un obus explosant sur le pavé, rue Chanzy, aux Six-Cadrans, entre le kiosque et les maisons des Loges-Coquault, cause la mort de neuf personnes, par ses éclats :

Mme Froment-Hardy, fille du succursaliste des Etablissements Economiques, place des Loges-Coquault (inscrite dans les décès, à l'état civil, le 17 septembre) ; Mlle M. Legras, 16 ans, demeurant 82, rue Gambetta (état-civil du 17 septembre) ; M. E. Breton, instituteur retraité, 72 ans, 117, rue Chanzy (état-civil du 21 septembre) ; M. Champrigaud, rue de Contrai 3 (état-civil du 21 septembre) ; Mlle Thérèse Gruy, 12 ans, domiciliée 14, rue du Jard (état-civil du 21 septembre) ; M. Font, Antoine, 3, rue Gambetta (état-civil du 22 septembre).

Enfin, mon ancien condisciple Ch. Destouches; 47 ans, domicilié rue Croix-Saint-Marc 96, qui passait, avec sa famille, au moment où l'obus vint éclater à cet endroit, a été tué ainsi que sa femme, 30 ans et son fils Pierre, 8 ans, tandis que sa fille Juliette, 12 ans, était mortellement blessée. Les décès des trois premiers sont inscrits sous les n° 2.478 à 2.480, à l'état civil, le 22 septembre et celui de la fillette, le 23 septembre (n° 2.537).

Le même obus frappait encore mortellement M. Stengel, maître-sonneur à la cathédrale, demeurant 14, rue du Jard, dont le décès est mentionné à l'état civil le 2 octobre et M. Desogere, adjudant du 132e d'infanterie en retraite, comptable aux Hospices civils, porté dans les décès, sous le n° 2.609, le 23 septembre. En outre quelques personnes avaient été atteintes plus ou moins grièvement, entre autres, Mlle Antoinette Font, dont le père avait été tué.

- Sous le titre "Choses vues", Le Courrier d'aujourd'hui mentionne le dévouement des gens du quartier Saint-Remi (vieillards, femmes et tout jeunes gens) qui, dimanche matin, faisant office de brancardiers et de brancardières de bonne volonté, sont allés spontanément à l'étonnement des officiers et des hommes du 41e, sur lesquels s'abattaient les obus, vers l'octroi de la route de Châlons et à proximité du Parc Pommery, chercher avec des charrettes à bras des soldats blessés qu'ils transportaient avec des précautions infinies, tandis que les gamins, toute la matinée, se chargeaient d'aller faire remplir les bidons de nos troupiers.

Dans le même journal, nous trouvons les avis suivants :

" Postes, télégraphes, téléphones.

Le maire a fait placarder hier, dans l'après-midi, l'avis que voici :

Mairie de Reims Avis, Les lettres mises à la poste, rue Cérès, aujourd'hui

15 septembre, avant six heures, seront expédiées ce soir."

Reims, le 15 septembre 1914.

Ce service de correspondance est limité à la journée du 15 septembre et a été effectué par des autos postes.

Jusqu'à nouvel ordre, les Postes, télégraphes et téléphones sont exclusivement réservés aux communications militaires ou gouvernementales dans la zone des opérations militaires.

Il faut donc attendre la réorganisation de ces services pour les communications privées.

Avis en sera donné en temps opportun.

Chemins de fer

Des trains étant venus de Paris sur Reims et vice-versa, le public s'est demandé si les trains de voyageurs, dans la direction de Paris seraient bientôt réorganisés.

Là aussi, l'autorité militaire s'est réservée le service exclusif des chemins de fer pour le transport des troupes et leur ravitaillement.

Il en est de même pour le C.B.R.

Nos lecteurs seront informés de la reprise du service public par l'avis officiel qui nous sera communiqué le cas échéant, et que nous publierons aussitôt.

Société française des secours aux blessés militaires Comité de Reims

La situation, jusqu'ici, ne nous avait pas permis l'organisation définitive d'un assez grand nombre de nos hôpitaux.

Aujourd'hui que les choses se modifient favorablement, nous faisons à nouveau appel aux hommes de bonne volonté pour notre service de brancardiers auxiliaires.

Se faire inscrire à notre permanence, 18, rue de Vesle."

Paul Hess dans La vie à Reims pendant la guerre de 1914-1918

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