Ernest Renan (1823-1892)
Je viens de terminer la lecture de Souvenirs d'enfance et de jeunesse (1883) d'Ernest Renan (un vrai régal) où affleure l'influence du meilleur Chateaubriand, celui des Mémoires d'outre-tombe. Dans son livre Renan explique comment il a perdu la foi. Une réflexion philosophique lui a permis de comprendre qu'il ne pouvait plus adhérer aux dogmes de l'Église catholique. Et remettre en cause un seul de ses dogmes revenait à abattre l'ensemble de l'édifice doctrinal. L'influence de Descartes, des positivistes de la IIIe République, des hommes de science comme Pasteur, a bien sûr joué son rôle dans ce détachement du catholicisme.
J'ai relevé à la fin de la préface écrite par Renan lui-même cette affirmation : « Les vrais hommes de progrès sont ceux qui ont pour point de départ un respect profond du passé », et là m'est revenu un souvenir de lycée. C'était en classe de première littéraire, en février 1973. Notre professeur de français, une vieille dame très conservatrice qui enlevait des points à votre copie si vous ne respectiez pas les consignes strictes de présentation qu'elle imposait, absente quelques semaines, avait été remplacée par un jeune professeur qui ne jurait que par les surréalistes, Antonin Artaud, et autres auteurs proches en leur temps de l'avant-garde ; il portait barbe et moustache.
Lors d'une dissertation, il nous avait donné comme sujet la phrase de Renan que je viens de citer. Beaucoup d'élèves de ma classe avaient obtenu d'excellentes notes, 16/20 en ce qui me concerne. Hélas, dès son retour notre professeur habituel, elle s'appelait mademoiselle Larnaudie, avait décidé - sans discussion possible - de ne pas tenir compte dans la moyenne trimestrielle des notes attribuées par son remplaçant. Du coup, la moyenne générale avait chuté. Je ne sais combien de temps la vieille fille a continué de sévir au lycée Jean Moulin de Béziers, mais j'espère qu'elle aura pris très vite sa retraite.
(Ernest Renan, Souvenirs d'enfance et de jeunesse, Folio Gallimard, 1983, 10 € 45)
©M. Fr.