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Balades irlandaises

Publié le 17 septembre 2014 par Xylophon

"Ok Kelsha est loin de tout de l'autre côté des montagnes. Il faut franchir les montagnes pour s'y rendre et finalement traverser les murs." Annie Dunne de Sebastian Barry

Il n'y a sans doute pas de plus belles terres que l'Irlande pour faire tanguer l'imaginaire. Même visitée, elle vous happera, hantera et vous donnera l'envie plus que de raison d'y revenir pour y faire résonner sur ses terres humides March of the king's Laois ou Fanny power.

J'ai visité l'Irlande il y a longtemps mais j'ai toujours des images, de Dublin à Dingle, qui viennent, ici et là, ancrer des souvenirs.

http://lexilousarko.blog.fr/2008/06/17/de-l-euro-de-foot-aagrave-l-europe-polit-4329253/

Nous sommes dans les années 50, Annie Dunne et sa cousine Sarah vivent et travaillent dans une petite ferme de la région de Wicklow dans le sud reculé de l'Irlande. Un jour, Annie accueille deux des enfants de son neveu parti travailler à Londres.

Cette arrivée de ces deux petits êtres lumineux va bouleverser la vie paisible et tranquille de l’héroïne. Les enfants jouent une sorte de miroir d'un personnage corseté que s'est construit Annie Dunne pour surmonter une vie faite de déceptions. Ils agissent aussi comme un sursaut, un ingrédient de résilience pour dépasser ses doutes et sa difficultés à aimer.

"Le monde est un étrange mélange de choses, un déluge de crème qui tourne encore et encore dans la baratte sans jamais se transformer en beurre."

Sebastian Barry écrit un roman qui vit, qui fait sonner l'Irlande, jusque dans le crépitement de la tourbe qui brûle dans la cheminée.

Il raconte cette Irlande partagée entre les figures mythiques d'une révolution inachevée et ce monde nouveau incarné par les enfants, promesse d'un avenir incertain.

Annie Dunne a quelque chose de l’héroïne de la leçon de piano.
http://lexilousarko.blog.fr/2012/06/17/le-lecon-de-piano-de-jane-campion-13889781/

Elle est ce personnage qui n’abdique pas et qui apprendra au contact de ces petits neveux à être plus tolérante et plus aimable.

L'intrigue de ce roman n'a rien d’originale, mais le style à la fois lyrique et descriptif croisant la petite histoire d'Annie et la grande Histoire de De Valera et de Mickaël Collins ne cessent de se répondre pour construire le récit fort et émouvant d'une Irlande combattante.

"Une cabane d'une pièce abandonnée, son occupant parti pour l'Amérique, le cimetière ou l'Angleterre, disparaît de son coin de terre comme une simple tache qui sèche et tombe en poussière. Ces gens-là jouaient du violon et s'amusaient, jouaient au boules le soir en grandes assemblées. Chaque groupe de cabanes était atteint par l'ardent désir de la compagnie de ses voisins. Jack allait passer quelques soirées chez Joe, puis Joe chez Jack et on dansait à n'en plus pouvoir".

Il est aussi question de combat dans Jimmy's Hall de Ken Loach. Nous sommes encore en Irlande mais cette fois-ci dans les années 30. Jimmy a été exilé en Amérique pour activisme politique et revient sur ses terres pour s'occuper de la ferme familiale.

A peine rentré, les jeunes du village lui demande de recréer le foyer communal. Jimmy hésite, faut-il prendre le risque de rebâtir le lieu, puis cède. Revis alors ce lien social disparu jusqu'à là happé par la chape de plomb de l'Eglise anglicane.

Il est question donc ici, de la création d'un espace public, au sens habermasien du terme mais aussi de militantisme politique. Les terres de la verte Erin vallonnée défilent sur le grand écran et Jimmy se bat parce qu’il croit aux idées qu'il défend.

Si le film peut paraître moins engagé que the navigators ou le vent se lève, il n'en est pas moins politique.

http://lexilousarko.blog.fr/2010/09/05/un-dernier-bain-a-la-presqu-ile-saint-laurent-9312608/

Ken Loach plaide pour le combat pacifiste et défend donc les opprimés contre les propriétaires, la communauté contre l'individualisme, le lien social contre l'anomie.

http://lexilousarko.blog.fr/2007/11/30/sarkozy_l_ideologue_de_la_voyoutocratie_~3377079/

Ce film fait du bien dans cette morosité ambiante et redonne les lettres de noblesse à un engagement politique, artistique et social sain sans calcul ni luttes de pouvoir.

Ken Loach, cinéaste engagé, non résigné, 78 ans, comme Annie Dunne n'abdique pas:

"Si nous osons dire la vérité sur le passé, peut-être oserons-nous dire la vérité sur le présent."

dunne


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