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FOREX : des pistes de réglementation

Publié le 16 septembre 2014 par Sia Conseil

FOREX : des pistes de réglementation Le marché des changes, communément appelé Forex, reste encore aujourd’hui le marché boursier le moins régulé alors même que ce dernier est en pleine expansion, notamment auprès des particuliers.

Après une libéralisation croissante du marché dans les années 90, ce dernier s’est ouvert aux investisseurs particuliers avec la directive MiFID et la multiplication de plateformes de trading électronique sur le Forex à destination de ce type d’investisseurs. Or ces derniers sont les moins avertis des risques qu’ils encourent en y investissant leurs économies.

En cette période d’entrée en vigueur des différentes réglementations bancaires et financières (Bâle III/CRR, EMIR ‌) imaginées suite à la crise financière de 2008, les réflexions autour d’une réglementation du marché des changes sont à nouveau d’actualité.

Enjeux et pistes pour une nouvelle régulation

Seules des actions concertées des différents régulateurs nationaux, avec la coopération des institutions financières, semblent en mesure de contenir les manipulations sur le marché des changes. Ce besoin de concertation illustre indirectement les limites d’une régulation uniquement nationale. La régulation de ce marché devrait pouvoir répondre à différents enjeux liés à la stabilité et la fiabilité d’un marché qui influe sur des pans entiers de l’économie internationale.

Elle devrait premièrement permettre de réduire la volatilité du marché. En effet, en plus d’impacter directement la capacité des États à financer leur fonctionnement et organiser la vie de leurs sociétés – la plupart d’entre eux étant dépendants de ressources extérieures pour assurer leur fonctionnement – la volatilité du marché des changes est également un frein important à l’expansion des relations commerciales internationales. Elle induit des coĂťts de couverture importants pour les entreprises commerciales. De plus, les risques d’emballement (attaque spéculative contre une monnaie) sont importants et peuvent engendrer des séries de défauts de paiement ou de livraison de la part des entreprises impliquées dans l’import ou l’export de marchandises. Ces risques peuvent les contraindre à une logique court-termiste qui leur impose d’investir des ressources matérielles et humaines à leur gestion et qui les empêche de construire des visions stratégiques à long terme.

Un deuxième enjeu consiste à limiter les risques de crise systémique. En effet, la concentration des acteurs entraine des risques d’emballement et une forte augmentation de sa volatilité ; qui aurait un impact immédiat sur l’économie internationale et le niveau d’offre et de demande dans le monde et qui pourrait donc engendrer une crise d’une ampleur mondiale d’une intensité au moins aussi importante que les crises de ces dernières années.

Enfin, la protection du capital, notamment l’épargne des investisseurs particuliers, constitue un troisième enjeu pour cette régulation. Dans un marché où les effets de levier sont forts, les risques de ruine sont importants. La récente crise du baht thaĂŻlandais ou les attaques spéculatives contre la livre sterling dans les années 90 ont eu des conséquences lourdes tant pour les États que leurs populations.

Les institutions internationales ne sont pas inactives. L’IOSCO[1] a présenté début juillet 2013 des propositions sur la régulation des marchés financiers, notamment du marché des changes. Elles prévoient entres autres la création d’un comité des investisseurs particuliers et une task-force sur les régulations frontalières. Néanmoins, les transactions réalisées par des particuliers représentant 5% des échanges, ces mesures ne seront clairement pas suffisantes pour réguler réellement un marché aussi concentré et aussi profond que le Forex. Il est donc essentiel de continuer à réfléchir à d’autres pistes de régulations.

Différentes propositions ont par le passé été avancées sans jamais être implémentées. Ont ainsi été suggérées la mise en place d’un nouvel organisme de régulation monétaire international indépendant, ou encore la création d’une taxe sur les transactions de change sur le modèle de la taxe Tobin.

Un organisme indépendant de régulation monétaire international

Le FMI a été créé pour incarner l’autorité de référence de régulation monétaire, il avait initialement pour objectif de maintenir l’orthodoxie des échanges sur le marché des devises. Néanmoins, les multiples bouleversements réglementaires comme les accords de JamaĂŻque ont substantiellement modifié ce rôle et l’ont plus ou moins transformé en une banque mondiale de substitution qui prête aux pays pour les aider dans leur développement. En outre, le FMI fonctionnant sur un système de majorité et de votes pondérés, son indépendance fait débat. Les États-Unis détenaient ainsi 25% des voix lors de la création de cette entité et restent aujourd’hui le seul pays disposant d’un droit de véto.

La création d’un nouveau FMI aux pouvoirs élargis, mais surtout indépendant, pourrait être un premier pas vers une meilleure supervision et un plus grand contrôle du marché. Cette idée a été proposée en 2008 par Dominique Taddei[2] dans un texte intitulé « Régulations des changes et réforme du Fond monétaire international ». Il préconisait ainsi de fonder un nouveau FMI sous l’égide de l’ONU afin d’intégrer tous les pays du monde, soit les représentants de toutes les monnaies, aux processus décisionnels de l’institution, lui donnant ainsi une vraie légitimité. Les décisions monétaires seraient alors prises dans le cadre d’un processus politique, en coordination à l’échelle mondiale et le pouvoir décisionnel serait équilibré entre les différentes grandes régions du monde. Les critiques de cette proposition se fondent souvent sur l’extrême difficulté de mettre en place un processus collaboratif à l’échelle mondiale sur les devises tant la difficulté à mettre d’accord un grand nombre de pays dans le cadre d’accords transnationaux (climat, nucléaire, etc.) est patente.

Une taxe sur les transactions de change sur le modèle de la taxe Tobin

Une deuxième piste, également évoquée dans d’autres contextes, serait celle d’une taxe sur les transactions de change sur le modèle de la taxe Tobin. Celle-ci engendrerait certes un surcoĂťt pour les opérations de couverture mais limiterait d’une manière importante les opérations spéculatives qui représentent plus de 90% des opérations aujourd’hui[3]. On pourrait imaginer n’appliquer cette taxe que sur les opérations spéculatives (en désignant par opération spéculative une opération de couverture sans possession du sous-jacent) mais l’application opérationnelle d’une telle mesure semble difficilement réalisable.

Pareil dispositif limiterait la volatilité des cours aujourd’hui surévaluée par l’activité haute fréquence sur les marchés et les automates d’arbitrage qui passent des ordres à la milliseconde. Une volatilité plus faible entraînerait une économie de coĂťt qui compenserait a priori, à l’échelle globale, le coĂťt de cette taxe pour les échanges commerciaux. Selon J. Adda, ancien économiste à l’OFCE, l’utilisation d’un taux d’imposition faible sur ces échanges ne pénaliserait en effet pas le commerce international et les Investissements Directs à l’Étranger[4]. L’auteur précise par ailleurs que les revenus de cette taxe pourraient permettre de financer le développement de « biens publics globaux : santé, environnement et finalement même la stabilité financière internationale (qui peut être considérée comme un bien public)[5]»

Au surplus la taxe sur les transactions pourrait entraver les passages d’ordres simultanés de très petites tailles pour influer sur les cours puisque cette opération serait plus couteuse et le gain espéré trop faible. Elle limiterait les possibilités de manipulation évoquées plus haut : une faible volatilité donc une fluctuation moins importante des cours réduirait d’autant le gain et la espéré d’une telle opération donc sa rentabilité. Certaines études ont notamment montré qu’une taxe de l’ordre de 0,005% uniquement sur chaque transaction permettrait de diminuer de 15% le volume des transactions de change dans le monde[6].

Cette mesure soulève toutefois certaines difficultés. Elle ne peut en effet être efficace que via une mise en place coordonnée mondialement sous peine de voir les capitaux refluer vers des législations moins contraignantes, en particulier dans les paradis fiscaux. La coordination internationale n’est vraisemblablement pas assez forte à ce jour pour garantir la mise en place d’une telle mesure coercitive. Toutefois elle pourrait être introduite via des chambres de compensations comme la Continuous Linked Settlement Bank par laquelle transite un très grand nombre d’échanges de devises et qui pourrait donc centraliser le paiement d’une telle taxe.

Ni un organisme indépendant de régulation monétaire international ni une taxe sur les transactions de change à la Tobin n’apparaissent comme la solution définitive, ils fournissent néanmoins des pistes de réflexion. Une solution alliant ces deux pistes permettrait à la fois de réduire les opérations spéculatives à très court terme, de stabiliser le marché mais aussi d’avoir une coordination internationale suffisante avec un superviseur mondial pour développer la régulation des échanges. Si elle ne suffit pas à éradiquer tous les comportements spéculatifs déviants elle constituera le premier jalon d’une véritable régulation et d’une gouvernance financière mondiale garantes d’un système financier plus stable.

Sia Partners


[1] : International Organisation of Securities Commissions.

[2] : Ancien président de la CDC, expert auprès de la commission européenne.

[3] : Source : http://business.westernunion.ca/fr/resource-centre/fx-101/how-the-fx-market-functions/.

[4] : Source : Taxe Tobin Le retour, J. Adda,  Alternatives économiques  n°284 – Octobre 2009.

[5] : Source : ibid.

[6] : Source : ibid.


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