Avant de se forger une opinion, nous sommes préalablement "victime" d’influences extérieures. Sous l’influence d’une presse "critique" convaincue et convaincante, P’tit Quinquin devait être la surprise télévisée de notre rentrée 2014. Les prix, les nominations et d’autres qualificatifs préparant à un univers entre marginalité et originalité : inutile de vous dire que beaucoup de promesses étaient proposées pour être suffisamment curieuses. Réalisée en 4 épisodes d’environ 50 minutes pour chacun d’entre eux, la série télévisée finalisée par Bruno Dumont est arrivée à mi-parcours de sa diffusion. L’aperçu un peu plus qu’introductif diffusé par la chaine Arte ne nous permet pas, évidemment, d’en juger l’intégralité narrative. Pourtant, on ne se méfiera jamais assez des louanges vernissées. Si le débat est ouvert, toute comparaison lue (!) et menée avec d’éventuelles productions comme Twin Peaks; d’un spectacle incroyable de loufoquerie et d’absurde où le rire ne cesse du début à la fin … Définitivement, non, l’imaginaire mal informé s’arrêtera aux portes d’une série télévisée où la plume passionnée de la critique est ressortie peut-être trop rapidement séduite.
P’tit Quinquin (Alane Delhaye) nous mène dans un quotidien que l’on attendait "plus soigné" et plus "comblé’.
"Bienvenus chez les ch’tis, les vrais!" Ainsi était introduit P’tit Quinquin par le dossier cinéma d’Arte. Effectivement, le décor – naturel – choisi pour cette réalisation de quelques heures est celle du Nord de la France au sein de la région de Boulogne-sur-Mer. Un crime absurde mêle P’tit Quinquin et ses copains, quelques enfants du village, à vivre un Eté marqué par une actualité singulière. Une vache est retrouvée tuée et mutilée dans un bunker en devenant un contenant puisqu’un corps d’une personne de la localité y était "cachée" à l’intérieur.
Le Boulonnais nous rappellera le succès spontanée quoi qu’éphémère de Bienvenu chez les Ch’tis ! Ce film qui, quelques années auparavant, avait formé un coup de surprise gros sabots dans la fréquentation de nos salles de cinéma, réitère un essai culturel et linguistique dans P’tit Quinquin. L’appellation, la pratique courante du patois cousin de la langue Picarde est de nouveau à l’honneur dans la majorité des dialogues. Rien à reprocher de ce côté là puisque Bruno Dumont formule un principe louable en composant son casting par des acteurs novices, originaires de la région et ayant pour la plupart un premier contact avec le monde du cinéma.
L’authenticité n’excuse malheureusement pas tout. Ou du moins ne peut retenir sur ce frêle argument toute la charpente d’une réalisation. A entendre par là, il ne suffit pas d’abattre ce seul argument pour créer de la qualité et faire tourner autour de cette idée l’humour attendu; le particularisme du récit. Avec ces éléments, des thèmes délicats tournent dans une réalité à deux doigts du cliché. Le racisme y est présent comme une brute de décoffrage, à 15h, les enfants dégustent leurs frites à la traditionnelle "friterie". Sans intention probable, les faits trahissent une région si belle et qui aura encore du mal à se défaire d’idées tenues en vérités générales.
La caméra, en revanche, frôle une perfection photographique indéniable.
Dans l’ensemble de P’tit Quinquin, tout ne tend pas à la négativité. Au milieu de tout cela, du début à la fin de chaque épisode, la caméra et la direction de la photographie approchent la virtuosité. Il y a là l’une des grandes forces et la plus belle des qualités qui rend hommage au travail de réalisation des quelques 4 épisodes de P’tit Quinquin. Sauvage et saisie dans ses particularités de son paysage, la région Nord-Pas-de-Calais transparaît dans une identité visuelle fidèle. Des "plages" du nord à ses maisons rurales, de ses espaces vallonés et l’impression de grands espaces, on retrouve ici un exercice minutieux. Le souci étant de plonger peu à peu le spectacle dans un décor loin des studios. Au coeur du terroir Boulonnais, le récit tire de belles épingles de son jeu !
Beau et souhaité singulier, P’tit Quinquin peine à mettre du rythme. Dommage !
L’action aura du mal à justifier sa durée de quatre épisodes. Ce sentiment nait avant tout du rythme difficile, poussif et au fond caractérisé par un certain creux. Ce sentiment est d’autant plus regrettable qu’il est criant à mi-chemin de l’histoire qui souhaite être retranscrite. A plusieurs reprises, on se contenterait simplement de reprocher le même souci qu’aurait un bon élève dans une copie de qualité : si les propos sont bien réalisés, ont-ils de la pertinence par rapport au propos original et le thème traité ? La question et la réponse, rhétoriques, vont s’appliquer pour P’tit Quinquin. On voit où Bruno Dumont veut nous emmener mais sous le couvert de la bizarrerie, il existe de véritables creux qui n’intéresseront que très peu le spectateur lambda. Filmer les grimaces de ses acteurs, garder 2 ou 3 discussions relativement banals vont perdre l’intérêt d’un spectateur dans l’effort de suivre chaque épisode.
Le duo de policier concentre un bon nombre de clichés … Mais impressionne par l’interprétation tiqueuse de Bernard Pruvost (A droite).
A propos de P’tit Quinquin, les opinions ont contribué à constituer une mosaïque de définitions qui justifieraient le côté hors-normes de la réalisation : Polar, Thriller, Comédie, humour noir … Sur le papier, en brassant toutes ces formes, on pourrait croire que P’tit Quinquin n’en n’embrasse aucune pour mettre en relief une identité unique, rare, précieuse. Ce qui est moins aperçu, moins mis en évidence, cela restera son fonctionnement et ses références presque systématiques à un style "Nanard". Nous sommes dans un cadre bien spécifique, à l’humour fondée sur la répétition et une grosse part de son esprit aux long-métrages Français qui font la joie des rediffusions lors de nos jours fériés favoris. Lourd à digérer, il n’en reste pas moins une idée de mise en scène intéressante avec le personnage du Commandant Van der Weyden incarné par l’acteur Bernard Pruvost.
A défaut de nous surprendre entièrement, de belles idées créent un charme discret.
Ses tics physiques, son langage écorché, hésitant et patois en font un mélange assez improbable. Pour le grand public, cette interprétation de réaliser une bonne part de la promotion – et d’une probable grande répercussion sur l’audience -. Ni De Funès, ni Dany Boon ou d’autres références du cinéma Français populaire, Bernard Pruvost invente son personnage qui brasse quelques unes de ces icônes sans en adopter une seule et donner un caractère naturel et atypique.
Si la réalisation Française peine à tenir la distance avec des références Américaines jetées un peu trop vite dans le fil du panégyrique, Twin Peaks restera sans trop s’inquiéter un pilier dans le genre télévisé en dépit de ses quelques années dans le rétroviseur. Oui, il y a quelques faits imprévisibles visuels. Mais à aucun moment le suspens n’est provoqué de la même manière – et au pire il s’évapore assez rapidement – pour se noyer dans les creux et les hauts et bas du récit. La présence de Ch’tiderman reste anecdotique. L’homme cagoulé de la cérémonie religieuse un indice visuel. Mais de ces exemples, rien ne retient l’imagination et la curiosité clef qui fonde aussi un charme dans la narration "par épisode".
On ne jugera pas l’écriture définitive de P’tit Quinquin puisque tout renversement et originalité pourrait rendre l’oeuvre finale dans l’élan de surprise qu’elle voulait insuffler. En se tenant à son introduction, essentielle, une déception émerge. Bien présenté dans un format visuel soigné, P’tit Quinquin nous prouve que la beauté ne suffit pas seulement à porter l’histoire qui souhaite être partagée ou racontée. Au-delà, un vide s’installe. Il n’est malheureusement pas intentionnel pour perdre une partie de son audimat, le mettre face à des récompenses critiques que l’on attendait justifiées. L‘essai n’est pas un ratage : il reste simplement dans une moyenne haute par ses particularisme d’une part, par son manque de souffle puis de cadence d’une autre.
P’tit Quinquin est disponible sur Arte +7 en Replay et prévu en DVD/Blu-Ray pour le 07 Octobre 2014.