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Barbara capricieuse ?

Publié le 24 septembre 2014 par Jacquesmercier @JacquesMercier

La grande Barbara est une des premières vedettes que je suis allé entendre à l’Ancienne Belgique après mon entrée à la RTB. Elle fut d’une grande gentillesse. Dans le couloir, elle venait pour un direct, elle me croisa, avec ses lunettes noires, puis fit demi-tour, me salua en me demandant si j’avais aimé son concert de la veille ! Peu d’artistes aujourd’hui ont cette politesse.

Bien plus tard, j’ai la chance de pouvoir passer une journée entière sur le tournage de « Franz » le film de Jacques Brel avec Barbara. Cela se passe le long du canal de Damme. J’interviewe durant une pause Jacques Brel dans sa voiture et c’est une des rares interviews que j’ai gardée : tout y est son enfance, ses parents, son service militaire, l’amour et la mort. Il m’invite à rester sur place, à manger avec eux et, pourquoi pas, à prendre un dernier verre au bar de l’hôtel de Middelkerke où il est descendu pendant le tournage. C’est un chouette programme et je le suis, avec d’autant plus de plaisir que j’avais déjà fait mon boulot de journaliste. Je suis donc les prises successives, celles où Brel et Barbara roulent à vélo le long du canal.

Une équipe de télévision n’a pas cette chance, car elle, avec Françoise Van de Moortele, doit enregistrer l’interview filmée de Barbara pour le magazine féminin de l’époque. Mais Barbara, angoissée par le film, de mauvaise humeur peut-être, recule le rendez-vous d’heure en heure. Non pas avant le midi ; non après quatre heures, etc. Finalement quand j’arrive à l’hôtel, je vois que la télé a tout installé dans un coin du hall : spots, caméras, micros, etc. et je vais bavarder avec eux et avec Françoise, qui s’inquiète du retard pris dans le programme et du coût des heures supplémentaires. « On aurait dû rentrer ce midi déjà… ! » Soupire-t-elle. Je ne sais plus de quoi on a parlé ensuite, mais je sais que j’ai beaucoup aimé cette conversation sur la vie, le métier, les artistes.

Entretemps Brel rentre et me dit qu’il m’attend avec le réalisateur au bar. Je lui promets de le rejoindre dans quelques minutes. Peu après, tout-à-coup voilà que rentre Barbara. Elle ignore complètement l’équipe de la télé, se rend à la réception, demande sa clé et dit bien haut : « Je ne suis là pour personne ! » et elle s’engouffre dans l’ascenseur…

C’est trop pour l’équipe de télé et pour Françoise : « C’est trop fort, on avait rendez-vous, elle nous a fait attendre toute la journée ! » Et voilà que les techniciens démontent tout leur matériel et Françoise déçue s’en va.

Moi je vais rejoindre Brel et Alain Levent, son réalisateur, et on trinque à toutes sortes de choses.

C’est alors qu’entre affolé l’attaché de presse du film ! « C’est une catastrophe » dit-il « J’ignore ce qui s’est passé mais Barbara est prête dans le hall pour son interview télé et plus personne n’est là ! » Je lui explique ce que j’ai vécu.

Il me dit que c’est un abominable malentendu car si elle a dit ça au concierge c’est justement pour ne pas être dérangée pendant cette interview. Bon comment réparer ça. Il se tourne alors vers moi et dit : « Jacques, tu ne veux pas faire son interview, même bidon, pour la radio ? » S’il y a une chose que je n’ai jamais aimée c’est bien celle-là : ne pas avoir préparé une rencontre…

Mais tout le monde insiste, Brel le premier ! « Vas-y on t’attend ! »

Je cède évidemment, mais je demande vite des informations de base, comme « Est-ce que c’est vraiment la première fois qu’elle tourne dans un film ? » « Oui », confirme Brel. Je me dis que c’est une bonne accroche et que ce sera ma première question.

Me voilà avec des pieds de plomb et mon lourd enregistreur en route vers le hall. Je salue Barbara, qui fâchée sans doute, ne me sourit pas. Je sors mon micro et je lui demande : « Que pensez-vous de cette première expérience au cinéma ? »

Elle se cabre, met sa main sur l’enregistreur pour l’arrêter, et crie presque : « Monsieur ! Ne posez pas de question ridicule : ce n’est pas une expérience, mais c’est une aventure ! »

La mort dans l’âme, en me disant que les bonnes actions n’étaient pas toujours récompensées, j’ai recommencé l’interview : « Que pensez-vous de cette aventure ? »

Alors gentille ou capricieuse ? Je n’ai jamais pu trancher, mais je ne juge pas selon les apparences.

entretien1barbara



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