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La quatrième révolution

Publié le 24 septembre 2014 par Magazinenagg
Revue de livre par Gaspard Koenig via le blogue de Joanne Marcotte
La quatrième révolution Le livre à emmener en vacances, ne serait-ce que pour être sûr que personne ne vous le chipe sur la plage, c’est The Fourth Revolution, publié récemment par deux journalistes de The Economist, John Mickelthwait (rédacteur en chef) et Adrian Wooldridge. Cet essai à l’anglaise, qui mêle expériences personnelles (telle qu’une rencontre avec Milton Friedman dans un sauna californien…), interviews et culture livresque, est la réflexion la plus fine et la plus synthétique que l’on puisse lire sur les douloureuses mutations en cours dans le monde occidental.
Après l’Etat-nation du XVIIe siècle, l’Etat laisser-faire du XIXe et l’Etat-providence du XXe, nos Etats devenus obèses, insatiables et capricieux sont en crise. Voici donc venu le temps de la quatrième révolution, celle d’un Etat restreint et intelligent, concentré sur le cœur des fonctions régaliennes, favorisant l’autonomie individuelle tout en régulant les nouvelles formes de coopérations. Les ingrédients sont là, épars à travers le monde. Prenez les écoles autonomes au Royaume-Uni, la libéralisation agricole en Nouvelle-Zélande, la réforme des retraites en Suède, les « sunset clauses » (durées de péremption) attachées aux lois dans certains Etats des Etats-Unis, l’e-gouvernement au Danemark, la formation des élites en Chine, la fonction publique (réduite mais compétente et bien payée) à Singapour, et le fordisme hospitalier en Inde ; mélangez, testez, gouvernez, et vous aurez la société de demain.
Les expérimentations ne manquent pas, y compris sur le Vieux Continent, de la « big society » britannique à la « société participative » au Pays-Bas en passant par la « génération numérique » de Matteo Renzi. Mais il reste encore à trouver la philosophie d’ensemble de ces transformations, tant il est vrai que ce sont les idées qui changent le monde. Celles de Hobbes, JS Mill, Beatrice Webb ou Milton Friedman, auteurs abondamment cités ; mais aussi, dois-je ajouter par patriotisme, celles de Condorcet, Tocqueville, Bastiat et Deleuze. Pour ne rien gâcher, on trouve dans The Fourth Revolution assez d’anecdotes pour désarmer les pires collectivistes. Saviez-vous que, selon Keynes lui-même, les dépenses publiques ne devraient jamais dépasser un quart du PIB ? Que Beveridge s’inquiétait d’un système d’allocations qui finirait par décourager le travail ? Que Dickens avait imaginé, dans Little Dorrit, un « bureau de la circonlocution » incarnant les pires travers de la bureaucratie ? Que le point de bascule du mouvement de réforme suédois fut la « marche des cent mille hommes d’affaires » sur le Parlement ? Le pays qui, le premier, conceptualisera et accomplira pleinement cette quatrième révolution, deviendra le référent naturel du progrès historique. Souhaitons que, après une banqueroute et quelques émeutes, ce soit la France, exécrable pour les réformes, mais généralement assez douée pour les révolutions.


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