Chronique « Metropolis T2″ : Dense, poisseux, les enquêtes s’enfoncent…
Scénario de Serge Lehman, dessin de Stéphane De Caneva, couleurs de Dimitris Martinos
Public conseillé : Adulte, adolescent,
Style : Polar fantastique
Paru chez Delcourt, le 17 septembre 2014
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L’histoire
L’inspecteur-vedette Gabriel Faune est à fond sur la double enquête : l’attentat de la place de la « Réconciliation » et la découverte macabre qui s’en est suivie. Revenant dans l’appartement d’Ernst, l’auteur de l’attentat, il analyse les indices. Avant de trouver la mort par la main de Faune, ce dernier a laissé tout ce qu’il faut pour s’auto-désigner comme unique coupable. Étonnamment il semblerait qu’il n’y ait aucun lien avec le groupuscule Pan-germaniste « Les loups noirs » auquel il appartenait.
Puis, faune descend sur la place et s’enfonce dans les sous-sols éventres par l’explosion. Au fur et à mesure qu’il descend, il a l’impression qu’il rentre dans un monde « inversé »…
En bas, l’équipe spéciale (le détective Lohman et le docteur Freud) l’attend. Les cadavres momifiés retrouvés dans la crypte sont impossibles à identifier (phalanges et dents arrachés). Seule certitude : il s’agit de trois femmes, une jeune et deux plus âgées.
Un ingénieur urbaniste (qui vérifiait la tenue de la tour en surface) leur explique que la crypte ne devrait pas exister. C’est le résultat d’une erreur d’architecture, in-détectable sur le plan. La seule façon d’y parvenir est de passer par un escalier dérobé, enroulé à l’inverse dans un autre…
Ce que j’en pense
Ce second opus de Metropolis confirme tout le bien que je pense de cette série. Serge Lehman, romancier remarqué et scénariste BD (« Masqué » avec stephane Crety, « La Brigade Chimérique » avec Gess) continue d’explorer le « Comics à la Française« .
Traitant les sujets classiques du genre (« le super-homme », les traumatismes de l’histoire, la ville-personnage), il enfonce le clou de son polar « uchronique », tout en travaillant certains thèmes, plus subtils, qui lui sont chers.
Poisseux, sombre, désenchanté, il décrit un monde « alternatif » des années 30 (sous domination allemande) terriblement oppressant et prégnant.
Multipliant les parallèles entre les enquêtes et les blessures intérieures de ses héros (l’élégant mais destructuré Faune, le sombre détective Lohman…), Serge Lehman nous enfonce la tête dans le noir et l’inconnu… D’ailleurs, le symbolisme dont il se sert régulièrement (le monde souterrain est comparable à la psyché de Métropolis), nous aspire dans une enquête aussi tortueuse que psychologique…
Dans ce second tome, le monde »uchronique’ se fluidifie à mesure que les enquêtes prennent le pas. Les icônes réelles ou de pure fiction (« Freud », « Loulou », « M le maudit », « Albert Einstein »…) sont toujours un peu décalées, mais servent aussi de références et de clins d’oeil aux lecteurs.
Enfin, Serge Lehman développe, en arrière-fond, le contexte politique : monté des nationalismes, envie de revanche, la tension monte encore d’un cran…
Le dessin
Stéphane de Caneva nous offre un dessin classique, à la fort inspiration « Comics ». Suivant la charge émotionnelle recherchée, il épure ou charge son trait. Le résultat n’est pas toujours très élégant (l’encrage est un peu chargé parfois), mais ça marche parfaitement.
Composant ses planches (au format comics) assez sobrement, il utilise principalement des « gaufriers » (système de cases régulières de même taille), tout en prenant soin à la lisibilité de l’ensemble.
Efficacité, efficacité et encore efficacité semble être son credo !
Les couleurs de Dimitris Martinos, posés en gros aplats, accompagnent bien le sujet, avec quelques ruptures volontaires marquées assez bienvenues.
Enfin, j’applaudis la couverture de Benjamin Carré (Smoke City). Superbe, comme toujours.
Pour résumer
Serge Lehman et Stéfane de Caneva nous entraînent dans une Uchronie envoutante. Dans les tréfonds de Métropolis, les enquêteurs Faune et Lohman creusent deux enquêtes qui les mèneront dieu sait où ?
Dense, poisseuse, cette série, au fort relent psychologique prend son envol, avec un second opus de plus en plus profond et accrocheur. Vivement la suite.