Cilla est une mini-série de trois épisodes qui a été diffusée en Angleterre sur les ondes d’ITV du 15 au 29 septembre. Cette fiction retrace les débuts dans le monde du spectacle de la chanteuse Cilla Black (Sheridan Smith), une sommité chez nos voisins britanniques. Originaire de Liverpool, son adolescence coïncide avec la montée en flèche du rock’n roll et c’est dans cet univers qu’elle tentera de s’imposer. Après des débuts difficiles, elle est remarquée par nulle autre que Brian Epstein (Ed Stoppard), l’imprésario d’un autre groupe peu connu à l’époque : les Beatles. Et cette jeune femme modeste n’aurait pu se rendre aussi loin sans le constant soutient de son mentor, Bobby Willis (Aneurin Barnard). Bien qu’elle soit moins connue en Amérique du Nord, Cilla Black a marqué les esprits dans son pays, si bien que la série arrive sur le petit écran un an après que l’on ait célébré ses 50 ans de carrière. Mais l’ironie ici, est que cette série d’ITV a connu un succès considérable auprès du public et de la critique, davantage pour l’actrice qui joue le rôle principal, quitte à ce que celle à qui l’on rend hommage se retrouve finalement à l’arrière-plan.
Née sous une bonne étoile
Sans être pauvre, Cilla a grandi dans une maison modeste de Liverpool sous l’égide de deux parents qui l’adorent. Vers la fin de son adolescence, elle a occupé plusieurs petits emplois (secrétaire, serveuse), mais c’est lorsqu’elle était préposée au vestiaire du Cavern qu’elle a pu rencontrer des musiciens et faire valoir ses talents de chant. Ses performances épistolaires attirent l’attention de nombreux artistes, incluant les Beatles, et c’est en tant que chanteuse invitée qu’elle se joint à des groupes comme les Mersheybeat, Rory Storm and the Hurricanes ou King Size Taylor and the Dominoes. Sa vraie chance lui pend au bout du nez lorsqu’elle apprend qu’un certain Brian Epstein est dans la salle pour évaluer son potentiel. La nervosité s’empare de la jeune fille et sa performance convainc peu de monde dans la salle, y compris l’imprésario. Ce n’est que partie remise puisque trois ans plus tard, elle a toujours ce même rêve de faire carrière dans le show-business et cette fois-ci, on lui donne une chance.
Sa prochaine audition fonctionne et Epstein la prend sous son aile. Son premier disque, Love of the loved en 1963 n’a pas le succès escompté, se contentant de la 35e position au palmarès. C’est l’année suivante avec Anyone who had a heart, puis You’re my world qu’elle séduit la Grande-Bretagne : les deux disques atteignant la première position. Quand on touche le sommet, on ne peut que redescendre? Pas pour Cilla. Bien que ses chansons n’aient plus autant de notoriété, elle maintient sa carrière à flot et la série se termine alors qu’elle est sur le point d’effectuer un virage à 180 degrés en tant qu’hôtesse de sa propre émission de variétés pour la BBC.
On peut comprendre l’intérêt du public anglais pour une telle série. Grâce à une très belle reconstitution d’époque, celle-ci nous plonge dans les débuts de ce qui s’avérera être une véritable révolution musicale et le début de cette British Invasion que l’on connaît. Mais c’est le cœur même de l’histoire, son interprète, qui nous ennuie par moments. Cilla n’a rien d’une rebelle et elle est reconnue davantage pour sa belle voix que pour avoir révolutionné le monde musical. Douce et docile, on passe rapidement l’éponge sur son audition ratée (la seule vraie adversité à laquelle elle semble confrontée) et on suit sa carrière qui se déroule… sur un long fleuve tranquille. Il est évident que tôt ou tard, elle épousera Bobby et les heurts entre ces deux compagnons de vie sont assez rares. Donc, pas de déroute financière, ni personnelle; on peut affirmer que Cilla Black a eu une belle vie… pas nécessairement télévisuelle.
Pour un public étranger qui n’est pas particulièrement attaché à la star, Cilla n’est pas la plus enlevante des séries. Ce sont plutôt les quelques scènes où apparait Epstein qui redonnent un peu de souffle aux épisodes, lui qui semble avoir eu une vie bien plus riche en rebondissements (à ce sujet, un film produit par Bruce Cohen et réalisé par Peyton Reed portant sur sa vie est attendu pour 2014).
La star
À la fin du premier épisode de Cilla, il est écrit en surtitre que les performances musicales ont été enregistrées en direct durant le tournage. Ce qui a impressionné les critiques, c’est justement l’immense talent de Sheridan Smith en tant qu’actrice, certes, mais surtout en tant que chanteuse. Sa façon de reprendre les classiques est si réussie, qu’elle éclipse sans le vouloir l’interprète à qui la série rend hommage! Comme l’écrit Gerard O’Donovan dans son article : « Sacrilegious as this may be to some, Smith’s rendition of Anyone Who Had a Heart, which closed last night’s episode on a triumphant high, was if anything more impressive than Black’s own recording, her voice darker, bluesier and better suited to contemporary tastes. » Même la vraie Cilla a déclaré avoir été subjugué par la performance de l’actrice et lui a envoyé des fleurs. Dès lors, on pourrait affirmer que le succès de la série ne repose pas tant sur l’hommage d’une chanteuse qui a laissé sa marque dans le show-business anglais, mais bien sur une actrice dont on a découvert l’immense potentiel et dont l’avenir pourrait nous surprendre. On est dans une sorte de All about Eve bien réel!
Cilla a attiré près de 7 millions de téléspectateurs lors de sa première et l’audience est restée plus ou moins stable jusqu’à la conclusion. Il s’agit du meilleur lancement d’ITV depuis Broadchurch en 2013. On apprécie que la chaîne ait consacré une série hommage à cette chanteuse peu connue d’une génération plus jeune (du moins, en dehors de la Grande-Bretagne), d’autant plus que cette femme a eu droit à une seconde carrière en tant qu’animatrice télé, ce qui lui a valu à l’époque d’être la femme la mieux payée dans l’histoire de la télévision anglaise. Si son parcours peut nous paraître un peu trop calme comparé aux coulisses hollywoodiennes, le téléspectateur y trouvera au moins son compte dans cet univers musical foisonnant et dans les performances des artistes.