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Via Lusitania, étape 3, quand la journée se termine sur un air de jazz...

Publié le 04 octobre 2014 par Sylvainbazin

Une des choses que j'aime le plus dans mes déambulations sur les grands chemins historiques,  c'est les changements de paysages qui peuvent intervenir en quelques kilomètres, montrant ainsi non pas un seul échantillon des paysages d'un pays mais un vrai bon aperçu de la diversité naturelle et géographique. Ainsi, après avoir arpenter les grandes pistes de la vaste plaine du Tage hier, mes pas m'ont entraîné aujourd'hui dans les petits chemins des collines, plantées d'oliviers, de chênes lièges et d'eucalyptus.
Dès mes premiers mètres hors de la ville, je trouve donc une nature presque complètement différente de celle que j'avais parcouru la veille. Elle me rappelle davantage mon voyage d'enfant au Portugal.  J'en avais effectivement gardé le souvenir des eucalyptus et d'un pays plutôt vallonné.  Ici, c'est tout à fait ça.
Le paysage,  je l'ai souvent remarqué,  influe grandement sur les pensées. Mes premiers pas du jour, encore dans les faubourgs,  ne me mènent pas vers la sérénité.  J'ai une pensée triste,  pour mes deux amis disparus la semaine passée.  Typhoon,  mon "papa" japonais, celui grâce à qui je suis encore en train de marcher aujourd'hui,  et Basti, mon copain allemand, disparu tragiquement sur les pentes himalayennes. Ils avaient tous les deux réussi à vivre leur passion pour la montagne et l'alpinisme à fond, malgré les obstacles. Mais, surtout dans le cas de Basti,  cela fait tout de même des disparitiondisparitions bien trop précoces. J'espère qu'il pourront discuter ensemble de lHimalaya , là haut, même si ces montagnes sont parfois bien cruelles.
Vivre ses passions et tout faire pour réaliser des projets d'aventure,  modestes ou grands, c'est également ce que je tente de faire. Ce matin,  je pense aussi à la face cachée de cette vie de déambulations.  Ma situation financière pas bien confortable, l'incertitude des années à venir,  la solitude aussi.
Et puis, lorsque le paysage change et m'entraîne à travers une jolie campagne vallonnée où les villages sont fleuris et gais, mes pensées changent elles aussi. Oui j'apprécie tant d'être ici, à accomplir ce que je veux vraiment, à me sentir libre de découvrir au gré de mes pas ces beaux pays,  à mon rythme et selon mon goût. Cela vaut sans doute quelques sacrifices. Et puis,  notamment grâce à quelques généreux partenaires,  j'arrive depuis deux ans à réaliser ce projet de "grands chemins" , qui me fait tant avancer aussi.
Du coup,  je savoure ma marche avec un grand plaisir." J'aimerai être utile à vivre et à rêver..." dit une chanson. Sans avoir la prétention de l'être, mes voyages à pied ne me semblent pas nuisibles, et si je peux, modestement,  les partager un peu, c'est alors un plaisir plus grand qui me fait avancer.
Je marche d'un bon pas, à travers un paysage agréable et des petits sentiers, très bien balisés (il semble que par ici on s'amuse à baliser et rebaliser ) entre jeunes eucalyptus,  pins, murets de pierres sèches et oliviers.  C'est assez vallonné et je dois même grimper un petit col avant de terminer mon étape.
En chemin, je double quelques villages ou je rempli ma gourde car il fait encore chaud. Je prends aussi,  pour la première fois du voyage , le temps de vraiment déjeuner. 
Une rencontre dans ma marché solitaire: une belle mente . Ce bel insecte aux moeurs particulières me fait immédiatement penser à mes dernières mésaventures amoureuses,  mais aujourd'hui j'en sourie.
Tout cela m'amène donc à Minde, le gros bourg ou j'ai logiquement choisi de faire étape.
J'ai bien fait de m'arrêter dans cette auberge de Minde. D'une part, le bar abrite la "mémoire" du festival de jazz qui se tient tous les ans ici et le décor et la bande son différent donc vraiment de mes restaurants de corrida de ces derniers soirs,  d'autre part on m'y accueille de façon très simple et familiale.  Lorsque je demande si il est possible d'y dîner, on m'invite à partager la table et le repas familial.  Mes amis végétariens,  diététiques et sans gluten s'étaient déjà morts et la seule boisson proposée est le vin rouge mais le repas est bon et j'aime l'ambiance qui se dégage de l'endroit, même si à la télévision passent les jeux idiots habituels. 
Je bavarde ensuite avec Rui, un client assis à une table voisine. Il parle bien français et nous sympathisons vite.
Rui a travaillé dans différents pays d'Europe, en tant que programmateur informatique,  mais il en a eu marre de ces boulots lucratifs mais sans intérêt.
De la remise en question et du changement de vie dans l'air. Il retape une maison ici et pense aller vivre à Quito où sa copine travaille à l'alliance française. 
Il m'invite à assister à la répétition de l'orchestre local, non loin de là.  Cela me donne l'occasion de rencontrer quelques autres habitants de la petite ville. L'ambiance est bon enfant.  Les musiciens semblent un peu fatigués à cette heure tardive, il y a quelques bâillements.  Tous les âges sont représentés,  mais l'ensemble est assez jeune. Ça joue pas mal, en plus. Une jolie fille se concentre à la fois sur son saxophone et sur son téléphone portable,  d'où elle écrit des messages à chaque interlude. Impressionnant.
Peu après, nous prenons un dernier verre (d'eau pour moi!) Juste en face, chez Andrea et Simon, des amis de Rui. Ils travaillent tous les deux pour de grandes entreprises mais cultivent leur jardin biologique,  pour garder un peu d'indépendance, en quelque sorte. Je passe un moment agréable en leur compagnie.  Nous parlons de l'Europe, entre autre.
Il est ensuite temps pour moi de regagner ma chambre d'hôtel,  car une longue promenade m'attend encore demain. Je repasse devant la salle de répétition. C'est pas mal quand une journée se termine sur un air de jazz, au coeur du Portugal. 


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