SAINT-ASTIER (24). Le Centre d’excellence forme des gendarmes helvètes au maintien de l’ordre en vue du prochain championnat d’Europe de football
Le 21 juin 1998, la ville de Lens bouillonnait à quelques heures du coup d’envoi de la rencontre Allemagne-Yougoslavie, comptant pour la phase qualificative de la Coupe du monde de football. Les supporteurs, parmi lesquels un millier d’allemands enivrés, étaient venus en nombre, davantage pour en découdre hors du stade que pour assister au match. Ces hooligans ont arpenté les rues et tout détruit sur leur passage. Ils en sont aussi venus aux mains avec les forces de l’ordre. L’un des gendarmes mobiles, Daniel Nivel, avait été violemment frappé et laissé pour mort.Pour éviter que ce triste fait divers ne se reproduise, toutes les rencontres de football dites « à risques » sont désormais encadrées par des forces de l’ordre en nombre suffisant.
Haute intensité. Le Centre national d’entraînement des forces de gendarmerie (CNEFG) de Saint-Astier, en Dordogne, pôle d’excellence européen dans le domaine de la formation au maintien de l’ordre public, est aujourd’hui une structure sans équivalent. Toutes les unités de police et de gendarmerie d’Europe y séjournent afin de parfaire leurs techniques d’intervention aux côtés des gendarmes français. Des forces de l’ordre polonaises, hollandaises, allemandes, espagnoles et italiennes y viendront ainsi en manœuvre dans quelques jours, dans le cadre d’échanges internationaux.
Depuis le début de l’année, c’est un fort contingent suisse qui bénéficie d’un stage de haute intensité, au même titre que les escadrons de gendarmerie mobile. « Ce stage a la vertu de conditionner tactiquement les personnels confrontés à des situations très dégradées », confie le capitaine Iskander Sassoui, référent communication au CNEFG. « Les Suisses ont été immergés dans des exercices en vue de besoins très précis et de leur volonté de perfectionnement. »
Des événements violents. Les forces de l’ordre helvètes se préparent ainsi à accueillir les milliers de supporteurs qui vont déferler à Genève, Berne, Bâle et Zurich lors du championnat d’Europe de football qui débute le 7 juin prochain.
« La coopération avec les Suisses s’est accrue depuis l’organisation du G8, en 2008 », rappelle le colonel Didier Quenelle, commandant le CNEFG. « Six détachements des cantons francophones et italophones, soit 180 personnels, sont venus chez nous. Le but est d’expliquer que la surveillance d’un stade est, à la base, un service d’ordre qui consiste à orienter et canaliser une foule, a priori pacifique car le sport est avant tout une fête. Cet aspect-là, les Suisses savent le traiter. Nous les avons préparés, comme nos escadrons de gendarmerie mobile, à affronter des événements violents. On n’a pas travaillé la technique de gestion d’une foule sur un match de foot classique, mais le face-à-face avec des gens agressifs et dangereux de type casseurs. »
Le lieutenant Daniel Schneider, officier spécialisé dans les échanges franco-suisses au Centre d’excellence de la gendarmerie nationale, a élaboré les scénarios les plus exigeants et réalistes au sein du village reconstitué avec immeubles et barricades. « Nous avons orienté nos exercices sur la gestion des grands rassemblements avec une foule hostile. »
Une réforme en cours. Les autorités helvètes se sont rendues à Saint-Astier afin de voir évoluer leurs unités à quelques semaines des trois rencontres de poule, des deux quarts de finale et de la demi-finale qui se déroulera le 25 juin à Bâle. « Chez eux, l’intensité des interventions varie selon la politique menée au sein des cantons », observe le capitaine Sassoui. « En fonction des événements, les polices ou gendarmeries cantonales se renforcent selon le principe fédéral. Une réforme du maintien de l’ordre est en cours. Elle s’inspire de la doctrine gendarmique française. »
L’Euro 2008 servira (ou non) d’exercice grandeur nature. Les effectifs sont désormais formés.
Jean-Michel Desplos