Le mois de septembre s'annonce toujours riche en actualités pour le petit monde de la parfumerie. Lancements en tous genres, Salon Pitti qui se tient à Florence, Rives de la Beauté: les occasions de découvrir de nouvelles fragrances ne manquent pas. Parce qu'on ne sait parfois plus où donner du nez, petite "smell-list" de rentrée pour mieux s'y retrouver (oui début octobre, pour moi, c'est encore la rentrée).
La Trilogie des Humeurs est une série de fragrances un peu à part au sein des Liquides Imaginaires. Tout droit sortis de la théorie d'Hippocrate, ces élixirs capturent nos états d'âme pour mieux les exalter, se penchant sur notre tristesse, caressant notre mélancolie... Pour éveiller nos envies de séduction, Phantasma nous met l'eau à la bouche avec un accord original de noisette. Parée de touches vertes pour un effet naturel, celle-ci s'habille des accents foin du narcisse, sur fond boisé (santal). Une gourmandise qui sait surprendre!
Pour la rentrée, Coco Noir de Chanel se dévoile dans une version extrait. Ici le fruit se fait plus mûr et moins gourmand, laissant plus d'espace au coeur floral (rose, jasmin et géranium). Si le narcisse est toujours présent avec ses tonalités foin, cette interprétation souligne la dimension orientale de l'eau de parfum, les accents chyprés du patchouli joliment arrondis de vanille et fève tonka. Une facette très musquée s'impose également dans l'évolution. Chanel nous livre donc une vision plus noble, mystérieuse et affirmée de son Coco Noir, plus "femme" en quelque sorte.
Vapeurs alcoolisées, univers teinté de bois et de cuir... Pour peindre l'atmosphère d'un fumoir pour gentlemans, l'Architect's Club d'Arquiste use de la vanille et ses facettes liquoreuses, afin d'évoquer la rondeur chaleureuse d'un rhum. Les agrumes, les épices froides et les notes aromatiques viennent twister l'accord ambré de verdeur et de tonalités plus sèches, puisant dans l'amertume de certains cocktails. Dans la veine de l'Eau Duelle de Diptyque (que j'aime beaucoup), cette vanille s'enivre d'une dimension plus liquoreuse, sur un fond boisé fumé, pour nous transporter dans ce Club privé de l'Hôtel Claridge, en plein coeur de Londres, qui a inspiré la marque.
Avec French Kiss, Guerlain introduit un nouveau chapitre au coeur de la collection des Elixirs Charnels. Inspiré du fameux rouge à lèvres de la maison, Kiss Kiss, ce parfum emprunte à La Petite Robe Noire sa cerise, ici moins gourmande, et à Lipstick Rose de Frédéric Malle son côté cosmétique et pimpant. Oscillant entre l'espièglerie du premier, et le charme rétro des notes poudrées (très guerlain), ce French Kiss s'alanguit en fond sur un lit musqué et vanillé. Charmant dans son genre, un seul regret, que les gourmandises raffinées se fassent si rares (et de fait, coûteuses) sur les linéaires des parfumeries.
La maison de parfum Atkinsons était réputée pour ses colognes et ses produits de soin au 19e siècle à Londres. Dans la collection de cette maison fraîchement relancée, c'est l'Odd Fellow Bouquet qui m'a le plus séduite. A l'image des Ambre Narguilé, Back to Black et autres tabacs miellés, ce parfum marie les arômes de tabac amsterdammer aux épices et aux notes ambrées du labdanum, mais renouvelle le genre avec une facette poudrée (très héliotrope) qui lui donne un charme particulier. Avec sa tenue impeccable et son sillage généreux, (peut-être un peu trop: bois ambrés et notes gourmandes), cet Odd Fellow Bouquet est un parfum à compliments.
J'ai déja dit tout le bien que je pensais de La Panthère de Cartier ici, mais puisque le parfum s'est enrichi d'une concentration extrait pour la rentrée, me voici presque "obligée" d'en parler à nouveau. La construction chyprée m'a semblé plus marquée, mais c'est surtout le caractère animal qui est au coeur du propos. Le félin devient "sauvage", avec des notes musquées plus intenses, qui "feulent" dès les notes de tête. Le parfum s'adoucit dans l'évolution, petit à petit les rugissements se font miaulements. (Pour ne rien gâcher au plaisir, cet élixir s'offre un flacon sublime en guise d'écrin).
Black Orchid est de ces parfums que je ne porte pas mais que je trouve intelligents. Ses notes flatteuses en font un parfum à succès, tout en étant intéressant sur le plan olfactif avec son identité affirmée et très facettée. Tom Ford réinterprète ce parfum séducteur à travers une version moins "vénéneuse" et troublante, mais qui gagne en douceur et en rondeur: Velvet Orchid. Un aspect liquoreux s'est glissé dans la composition, tandis que la facette fruitée est, semble-t-il, moins présente. La fragrance est plus baumée, plus poudrée. Ni mieux, ni moins bien, Velvet Orchid révèle simplement un autre visage de son aîné, sans trahir son adn pour autant.
Expression ultime de la patte Ellena, Cuir d'Ange, le petit dernier des Hermessences, esquisse un cuir duveteux et caressant. Il s'agit pourtant plus d'un vrai cuir que d'un daim, mais celui-ci se pose en douceur sur la peau, avec son iris et sa violette poudrée. Ce Cuir d'Ange puise un brin d'animalité dans les notes florales du jasmin, tout en restant d'une extrême finesse, comme un voile de cuir en quelque sorte. Si l'auteur explorait déja ce thème avec Kelly Calèche, à mon nez ce serait plutôt avec l'Eau de Narcisse Bleu que la fragrance partage des traits communs. Brillant, d'une élégance rare.
Après Paradis Perdu, le Studio de création Flair signe pour la seconde fois un parfum pour Frapin, Nevermore. Créé par Anne-Sophie Belaghel, ce dernier s'inspire d'un poème éponyme d'Edgar Poe, dont l'univers sombre et torturé se traduit olfactivement par un parfum un brin dérangeant, puissant et polarisant. Une rose centifolia jaillit dès l'envolée du parfum, un peu dure, métallique, poussée par les aldéhydes. Elle se pare de notes épicées (muscade, poivre, safran) pour se faire mordante. La fragrance revêt en fond les notes boisées-ambrées de l'ambroxan, du karanal, du santal et du cèdre. Enigmatique et intrigant.
Elisabeth de Feydeau enrichit sa gamme de bougies Arty Fragrance (inspirées de l'époque faste du Château de Versailles), d'un parfum, Le Rêve de La Reine. A l'image de Marie-Antoinette qui voulait "mettre le Trianon en flacon", la créatrice et historienne a imaginé une fragrance autour de la rose de mai, légèrement verte et fruitée, (framboise), résolument poudrée (iris, violette), sur fond arrondi de fève tonka et de muscs. Classique, féminin à l'extrême, et en cohérence totale avec l'univers de la marque.
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