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197 – A LA RECHERCHE DE l’ORIGINE DE L’UNIVERS

Publié le 10 octobre 2014 par Jeanjacques

ENTRETIEN AVEC ETIENNE KLEIN ( extraits) ( TV MONDE)

Etienne Klein : Notre façon de parler du Big Bang aujourd'hui prolonge notre façon d'en parler des années 50. A l'époque on a inventé ce mot pour décrire l'histoire de l'univers à partir d'une théorie physique, celle d'Einstein, qui s'appelle la théorie de la relativité générale. Cette théorie décrit une force qui s'appelle la gravitation. Quand vous extrapolez à partir de cette théorie pour aller dans le passé, vous observez qu'en effet, l'univers dans le passé était plus dense, plus chaud et plus petit. Et quand vous extrapolez vraiment très très loin dans le passé, vous aboutissez à ce que l'on appelle une singularité initiale.  C'est une situation dans laquelle la taille de l'univers observable est nulle, il est donc ponctuel : sa densité est infinie, sa température est infinie. On a assimilé cette singularité à l'origine de l'univers. Mon point est tout à fait simple : cette extrapolation jusqu'à la singularité était abusive. Pour une raison très simple qui est que la théorie d'Einstein ne décrit que la gravitation. Et dans l'univers il y a d'autres forces fondamentales. La force électromagnétique et deux forces nucléaires. Ces forces ne sont pas décrites dans les équations d'Einstein…
Qu'est-ce qu'il se passe si on ne prend pas en compte ces forces et que l'on extrapole vers le passé de l'univers ?
Etienne Klein : Quand vous extrapolez sans prendre en compte ces forces, vous arrivez à des calculs mathématiquement justes pour décrire cette singularité initiale, mais ils sont physiquement faux, puisqu'ils ne correspondent pas aux conditions qu'ont éprouvées les particules qui étaient dans l'univers à cette époque là.  Ces calculs basés sur la relativité générale deviennent physiquement faux à un moment, et c'est ce qu'on appelle le mur de Plank. Donc, par honnête intellectuelle, on doit dire qu'on est capable de décrire l'univers depuis le mur de Plank jusqu'à aujourd'hui, et que cette histoire a duré 13,7 milliards d'années.

Il y a plein de pistes possibles pour unifier ces forces dans un seul formalisme, mais à ce jour, quelle que soit la piste qu'on utilise pour essayer d'"escalader" le mur de Plank et aller au delà, et bien on arrive à la conclusion que la singularité initiale disparaît. C'est-à-dire que le Big Bang n'est plus l'origine explosive qui aurait créé tout ce qui existe, l'espace, le temps, la matière, l'énergie, mais il devient une sorte de transition de phase qui fait passer d'une situation antérieure à une situation postérieure qui correspondrait à notre univers. On n'a donc plus le droit de parler d'origine. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'origine, cela veut dire que l'origine est constamment déplacée, jamais saisie, et que la question de savoir si il y en a vraiment eu une, se pose.

Il n'y a pas de théorie unificatrice qui permette de décrire ce qu'il y a avant ce moment de transition de l'univers, c'est ça qui pose problème ?
Etienne Klein : Mais il y en a peut être une. La théorie des cordes par exemple, c'est peut être  la bonne, mais on n'a pas pas pu la vérifier expérimentalement. Imaginons que ce soit la théorie qui unifie les quatre interactions : c'est une théorie qui implique, qui prédit qu'il n'y a pas de température infinie dans l'univers. Autrement dit, en tout point de l'espace et en tout instant du temps, la température dans l'univers ne peut pas excéder une certaine valeur qui est finie. En disant cela, la singularité initiale dont nous parlions tout à l'heure disparaît, n'a plus de sens physique. Quand on fait de la cosmologie qui essaie de franchir le mur de Plank, on le fait avec des hypothèses très très différentes mais dans tous les cas ça ne part jamais de zéro. Parler de l'origine de l'univers c'est parler de quelque chose qui était déjà là Si c'est quelque chose qui était déjà là, c'est bien qu'on ne parle pas de l'origine de l'univers, mais d'une étape de son histoire.
Sur l'univers qui serait peut-être un univers qui se serait rétracté et serait ensuite passé dans une phase d'expansion, celle que nous observons aujourd'hui : cette théorie est-elle la plus plausible ?
Etienne Klein : Aujourd'hui, savoir ce qu'il y avait avant le Big Bang est une question de physique, plus une question métaphysique. Le Big Bang n'est plus une singularité, mais une transition. Un moment particulier, d'un univers d'avant à un univers d'après. De quoi était fait cet univers d'avant, on n'en sait pas grand chose, parce que les modèles ne sont pas capables d'extrapoler très au delà de cette transition. Mais même si on ne peut pas aborder tous les points techniques parce que c'est un peu compliqué pour le grand public, je suis un peu agacé qu'aujourd'hui on en reste à une conception du Big Bang qui date des années 50.  Les religieux continuent de dire qu'ils sont compétents pour expliquer ce qui a déclenché cette explosion, des scientifiques continuent à laisser entendre qu’ils saisiront bientôt la singularité initiale alors qu'elle a disparu dans les équations. Mon message est tout bête, et je ne crois pas qu'un astrophysicien me démentira : nous n'avons pas la preuve scientifique que l'univers a une origine, et nous n'avons pas la preuve qu'il n'y a pas d'origine. Cessons de prendre le fait que l'univers aurait eu une origine comme une vérité indiscutable.

Mais cette image d'un commencement est plus facile à appréhender, elle simplifie les choses. Les religions s'en servent aussi, c'est pratique cette origine à partir du néant, non ?

Etienne Klein : Oui, mais si c'étaient les Chinois qui avaient découvert les équations du Big Bang basées uniquement sur la théorie de la relativité générale, je suis certain qu'ils n'auraient pas dit "c'est un Big Bang correspondant à l'origine de l'univers". En Occident il y a eu cet amalgame entre un fait scientifique et un fait de culture qui a mené à une origine de l'univers, mais rien ne l'imposait en soi.

COMMENTAIRES

Toute la problématique très clairement exposée par E. Klein montre bien l’impasse où se trouve réduite la cosmologie contemporaine avec la question de l’origine supposant un début, une naissance de l’univers. Mais comme une naissance suppose un état antérieur d’où s’extrait le nouvel existant, il devient impossible  de discourir sur cet avant monde que l’on doit bien assimiler au néant. Car sur celui-ci on ne peut rien dire d’autre que le rien et notre cosmologie actuelle ne trouve adossée à ce néant, incapable d’apporter « la preuve scientifique que l'univers a une origine, et la preuve qu'il n'y a pas d'origine «, l’absence d’origine supposant une création « ex nihilo ».

La solution très simple pour s’extraire de cette impasse consiste à supprimer le point problématique à savoir justement la question de l’origine. Si l’univers n’a pas d’origine, cela ne veut pas dire pas qu’il  surgit du néant comme l’implique l’autre pôle de l’alternative d’E. Klein. Cela signifie que l’Univers est non né, qu’il a toujours été, et qu’il n’a fait l’objet d’aucun acte créateur. La conception d’un univers éternel est l’exact opposé d’un monde temporel et créé dans lequel les cosmologues d’aujourd’hui se sont enfermés, à la recherche d’une sortie de secours introuvable.


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