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Un empiétement, quel qu'en soit l'auteur, fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté

Publié le 18 octobre 2014 par Christophe Buffet

Cet arrêt pose ce principe : un empiétement, quel qu'en soit l'auteur, fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté.

"Vu les articles 545 et 661 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Amiens, 27 novembre 2012) que le tribunal d'instance de Beauvais statuant à la demande de M. et Mme X..., a, par jugement du 19 février 2009, ordonné le bornage de leur propriété avec celle de M. Y... et Mme Z..., et commis un expert pour déterminer les limites des propriétés et l'emplacement des bornes ; qu'après dépôt du rapport d'expertise, M. et Mme X... ont demandé à racheter la moitié des frais de construction d'un pilier édifié par M. Y... empiétant de 19 centimètres sur leur propriété ; que M. Y... et Mme Z... ont soulevé l'incompétence du tribunal d'instance et ont demandé l'autorisation de déposer le pilier et la condamnation de M. et Mme X... à déplacer le portail qui y prend appui ; que le tribunal a écarté l'exception d'incompétence ;

Attendu que pour dire que M. et Mme X... avaient droit au rachat pour moitié des frais de construction du pilier, l'arrêt retient que si l'empiétement d'un propriétaire sur le fonds voisin fait obstacle à l'acquisition par celui-ci de la mitoyenneté, M. Y... et Mme Z... étant eux-mêmes les auteurs de l'empiétement ne peuvent se prévaloir de cette règle pour faire obstacle à la faculté offerte à M. et Mme X... par l'article 661 du code civil de rendre mitoyenne la partie du pilier soutenant leur portail ;

Qu'en statuant ainsi alors qu'un empiétement, quel qu'en soit l'auteur, fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence, l'arrêt rendu le 27 novembre 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens par elle exposés ; 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf février deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. Y... et Mme Z...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal d'instance de Beauvais du 14 février 2011 ayant rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. Y... et Mlle Z... ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE c'est par de justes motifs adoptés par la cour que le premier juge, après avoir rappelé que le tribunal d'instance de Clermont a reçu l'action en bornage des époux X... sur le fondement de l'article 646 du code civil en précisant que l'action en revendication de propriété ne pourrait être éventuellement mise en oeuvre qu'après les résultats des conclusions de l'expert de même que l'action des défendeurs tendant à la dépose du portail et qu'il serait donc sursis à statuer sur ce chef de demande, a retenu sa compétence au motif que le droit fondé sur l'action de l'article 661 du code civil ne confère à son titulaire aucun droit de propriété sur le sol sur lequel sont édifiés les murs dont la mitoyenneté est acquise par le voisin, qu'il confère tous les droits que confère la mitoyenneté, qu'ainsi l'action des époux X... ne peut pas s'analyser en une action de revendication de propriété, qu'il n'y a au surplus aucune contestation sur le caractère mitoyen du mur et sur le fait que le pilier litigieux a été construit sur la propriété des époux X... ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le droit fondé sur l'action de l'article 661 du code civil ne confère à son titulaire aucun droit de propriété sur le sol sur lequel sont édifiés les murs dont la mitoyenneté est acquise par le voisin ; qu'il confère tous les droits que confère la mitoyenneté ; qu'ainsi, l'action des époux X... ne peut pas s'analyser en une action de revendication de propriété, l'expert ayant d'ailleurs rappelé que la cession de la partie du pilier ne portait pas sur une cession de terrain sur lequel il est édifié ; qu'au surplus, il n'y a aucune contestation sur le caractère mitoyen du mur et sur le fait que le pilier litigieux a été construit sur la propriété des époux X... ;

ALORS QUE la compétence spéciale du tribunal d'instance en matière d'action en bornage ne s'étend pas aux actions en revendication de propriété ; qu'en estimant que le tribunal d'instance était compétent pour mettre en oeuvre, à la demande de M. et Mme X..., les dispositions de l'article 661 du code civil relativement au pilier construit par M. Y..., tout en constatant que ce pilier avait « été construit par Monsieur Régis Y..., ainsi qu'il a été constaté par l'expert, en empiètement de 19 centimètres sur le fonds de Monsieur Grégory X... et Madame Carole A..., épouse X... » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 6), ce dont il résultait qu'était en cause une action en revendication ressortissant à la compétence du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé les articles 646 et 661 du code civil et les articles R.211-4 et R.221-12 du code de l'organisation judiciaire.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal d'instance de Beauvais du 14 février 2011 ayant dit que M. et Mme X... avaient un droit absolu à racheter pour moitié les frais de construction du pilier élevé en 1997 par M. Y... et que M. et Mme X... devraient verser la somme de 76,49 € pour prix de ce rachat ;

AUX MOTIFS QU' il y a lieu de confirmer l'homologation du rapport d'expertise, qui n'est pas contesté par l'une ou l'autre des parties ; qu'aux termes de celui-ci : « La borne A censée matérialiser la limite de propriété a été déplacée de 31 cm. La clôture séparative en plaques ciment a été édifiée sur la limite de propriété et doit être considérée comme mitoyenne. Le pilier, réalisé par Monsieur Y..., empiète de 19 cm sur la propriété de Monsieur et Madame X..., ce qui n'est pas autorisé. Deux solutions possibles : - cession de la partie de pilier empiétant (et non pas le terrain) sur la propriété X... aux époux X... et les lieux restent en l'état ; - Monsieur Y... et Mademoiselle Z... déposent le pilier afin de respecter les limites de propriété. Cela nécessite, dans la pratique, le déplacement du portail de Monsieur et Madame X... dont l'origine est un nonrespect des limites de propriété de la part de Monsieur Y... et Mademoiselle Z... » ; que M. Y... et Mlle Z... contestent la décision du tribunal qui, parmi les deux solutions préconisées par l'expert, a considéré que la cession de la partie du pilier empiétant sur la propriété des époux X... à ceux-ci permettant de laisser les lieux en état, était un choix de parfait bon sens et économiquement supportable alors que la dépose du pilier, qui entraînerait une dépose du portail des époux X... entraînerait des frais excessifs pour un litige portant sur une moitié du pilier, des travaux longs et un retard important dans la solution du litige, et invoquent l'application stricte des articles 545 et 661 du code civil ; que certes, aux termes de l'article 545 du code civil, « nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité » et qu'il s'ensuit que l'empiètement d'un propriétaire sur le fonds voisin fait obstacle à l'acquisition par celui-ci de la mitoyenneté ; que toutefois, il est constant qu'en l'espèce, M. Y... et Mlle Z... qui se prévalent de cette règle de droit sont eux-mêmes les auteurs de l'empiètement sur la propriété de M. et Mme X... ; que dès lors, ils ne sont pas fondés à invoquer un obstacle à la faculté offerte par l'article 661 du code civil à « tout propriétaire joignant un mur (...) de le rendre mitoyen en tout ou en partie, en remboursant au maître du mur la moitié de la dépense qu'il a coûté, ou la moitié de la dépense qu'a coûté la portion du mur qu'il veut rendre mitoyenne et la moitié de la valeur du sol sur lequel le mur est bâti » ; que le pilier ayant été construit par M. Y..., ainsi qu'il a été constaté par l'expert, en empiétement de 19 centimètres sur le fonds de M. et Mme X..., la demande de ces derniers de rendre mitoyenne la partie du pilier soutenant leur portail n'implique pas un achat de la valeur du sol ; qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que M. et Mme X... avaient un droit absolu à racheter pour moitié les frais de construction du pilier élevé en 1997 par M. Y... ; que s'agissant de la valeur de rachat fixée par le tribunal à la somme de 76,49 €, M. Y... et Mlle Z... font valoir que le premier juge s'est basé sur une facture indiquant le prix de huit boisseaux et un morceau de ferraille, sans prendre en compte les autres coûts (sable, ciment, gravier, frais de livraison, frais de matériel, chapeau, etc.) mais ne justifient d'aucun élément complémentaire, se contentant d'indiquer qu'ils estiment que le tribunal aurait dû prendre en considération le devis versé aux débats par M. et Mme X... à hauteur de 6.923,75 €, en le recalculant sur la base de l'indice Insee du coût de la vie en 1997, date de construction du pilier, soit 5.328 € en 1997 après application d'une déduction de 23,04 % de l'inflation cumulée, et que dès lors le montant aurait dû être fixé à la somme de 3.374 € (5.328 x 19/30ème) puisque l'empiètement représente plus de la moitié du pilier ; que M. et Mme X... demandent la confirmation de la solution entreprise et soulignent que d'après les documents communiqués par M. Y..., le coût de la construction du pilier s'est élevé à la somme de 1.003,48 francs, soit 152,98 € ; que force est de constater que les estimations chiffrées proposées par M. Y... et Mlle Z... et qui ne reposent que sur un devis présenté par M. et Mme X... dont l'objet est différent, sont dénuées de caractère probant alors qu'il leur appartient de démontrer le bien-fondé de leurs prétentions ;

ALORS, D'UNE PART, QUE dans leurs écritures d'appel (conclusions signifiées le 20 mars 2012, p. 11, alinéas 5 et 6), M. Y... et Mlle Z... faisaient valoir qu'un précédent bornage avait été réalisé par un géomètre-expert et qu'un second bornage ne pouvait donc être effectué relativement aux mêmes propriétés ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'empiètement fait obstacle à l'acquisition de la mitoyenneté dans les conditions prévues à l'article 661 du code civil ; qu'en mettant en oeuvre les dispositions de ce texte relativement au pilier construit par M. Y..., tout en constatant que ce pilier avait « été construit par Monsieur Régis Y..., ainsi qu'il a été constaté par l'expert, en empiètement de 19 centimètres sur le fonds de Monsieur Grégory X... et Madame Carole A..., épouse X... » (arrêt attaqué, p. 6, alinéa 6), ce dont il résultait qu'en l'état de cet empiètement, les dispositions du texte susvisé n'étaient pas applicables, peu important l'auteur de cet empiètement, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé par fausse application l'article 661 du code civil ;

ALORS, ENFIN, QU' en tout état de cause, le prix d'acquisition de la moitié des frais de construction du mur mitoyen est évalué à la date de la demande d'acquisition ; qu'en évaluant le prix de cession à la date de construction du pilier litigieux, et non à la date de la demande d'acquisition formulée par M. et Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 661 du code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement du tribunal d'instance de Beauvais du 14 février 2011 ayant dit que M. Y... et Mlle Z... devraient payer à M. et Mme X... la somme totale de 1.249,79 € au titre des frais d'expertise ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant des frais d'expertise, c'est à juste titre que le tribunal a relevé qu'elle a été utile aux deux parties, ainsi que le bornage, étant en outre relevé qu'il est alors apparu que la borne avait été précédemment déplacée par M. Y... et que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné M. Y... et Mlle Z... à les assumer pour moitié et ainsi à payer à M. et Mme X... une somme de 1.249,79 € à ce titre ;

ALORS QUE les frais d'expertise sont à la charge de l'acquéreur, comme accessoire de la vente ; qu'en mettant à la charge de M. Y... et de Mlle Z... la moitié des coûts d'expertise relatifs à une demande des époux X... tendant à l'acquisition de la moitié du pilier litigieux, la cour d'appel a violé les articles 661 et 1593 du code civil."


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