Le Sakiori est une méthode ancestrale de tissage qui fut pratiquée dans les campagnes japonaises du XVIIIème siècle jusque dans les années 1960. A l’époque, quand un vêtement était trop usé pour être porté, il était recyclé par les populations paysannes et ouvrières trop pauvres pour en acheter de nouveaux. Les femmes dans les campagnes profitaient des périodes plus calmes sur l’exploitation agricole pour confectionner de nouveaux vêtements.
Faire du neuf avec du vieux.
Les vêtements déjà portés et usés n’étaient donc pas jetés. Bien que déchirés, en lambeaux et les couleurs fanées, le vêtement était mis en pièces pour permettre le tissage d’une nouvelle étoffe. Sémantiquement , le mot ‘sakiori’ est la combinaison de deux mots ‘saki’ soit ‘déchiqueter’ et ‘ori’ soit ‘tisser’. L’étoffe élimée est déchirée en lanières de 3 mm environ, puis elle est enroulée en pelotes. Ces bobines serviront de trame au tissage de bandes de tissu de 30 à 40 cm de large sur un ’jibata’ ou ‘takahata’ , métier à tisser. Le tissu ainsi obtenu est plus lourd, plus solide, et plus chaud bien qu’imparfait avec ses bosses et ses épaisseurs, ses couleurs délavées et son aspect inégal.
Cette technique peut évoquer pour certains le « rag rug weaving » des américains, à la différence près que la chaîne du sakiori est constituée de fils de chanvre ou de coton alors que pour le tissage américain, la chaîne et la trame sont de même nature. Le sakiori fait plutôt penser au tissage ‘trasmattor’ suédois pratiqué avec des bandes de chiffons plus larges de 1 à 1.5 cm.
Il existe un autre type de tissage japonais, le ‘zanshi’ soit vestige ‘ou ‘reste’ qui permet, lui, d’upcycler les chutes de fibres textiles utilisées dans le tissage de grandes pièces avec des motifs colorés. Les tissus obtenus avec ces fibres trop courtes étaient vendus à l’époque comme second choix.
Les déchets des uns font le bonheur des autres.
Le sakiori est donc l’art de recycler le textile. Cette tradition a perdu du terrain dans les années 1960 quand le coton est enfin devenu accessible à toute la population. Mais la volonté de perpétuer la tradition, la crise et désormais la prise de conscience du gâchis textile l’ont remis à l’honneur.
Hana Mitsui, étudiante au Royal College of Art s’est inspirée de cette tradition ancestrale, tout en la revisitant, pour créer des vêtements à partir de surplus de tissus. Consciente du gâchis textile que la mode génère tous les ans, elle s’attache à recréer de l’étoffe à partir de tissus mis au rebut afin de revaloriser ces déchets. Ses créations sont résolument plus contemporaines, le tissus plus subtile, elles ont leur place dans la haute couture . Elle a reçu pour son travail et cette remise au goût du jour du sakiori le prix « Visionary Process » décerné par " Sustain RCA Show & Awards" en 2014.
Au Japon, les anciens veulent eux aussi perpétuer la tradition ancestale