Sous l'oeil du Beffroi - annexe 4 et fin par José le Goff
Quelques commerçantes indispensables à la vie du port étaient aussi très estimées et respectées : les boulangères et les dames tenant des «Alimentations générales.» Le bar et le gwin ru en somme! Traduisez le pain et le vin rouge quoi. Respectées aussi, les couturières chez qui l’on prenait son tour aussi bien pour les pantalons bleus du mari que pour une belle robe à l’occasion d’un mariage car les boutiques de prêt-à-porter étaient rares et leurs produits hors de prix. L’on portait de moins en moins l’habit traditionnel pourtant les empeseuses de coiffes et les repasseuses, 2 métiers qui disparaissaient, étaient aussi très courtisées et appréciées.
Mais le temps défile alors que je voulais encore vous parler de quelques autres genres de femmes vraiment typiques de chez nous. Les Maries-pipissik, les coureuses, les commères et j’aurais pu aussi vous parler longtemps des patronnes de bistrot, ces personnages féminins emblématiques de nos ports. Nous en avons tous connues, Elles sont ancrées dans nos mémoires et j’ai décris longuement certaines d’entre elles ainsi que quelques autres femmes caractéristiques de notre ville dans le livre que voici.
musée des Beaux-Arts de Quimper (col permanente)
Il s’intitule «Sous l’œil du beffroi» mais je pensais d’abord l’appeler De fort vieilles concarnoiseries car il en est rempli! Je voulais même le signer Jos Vouldir, Ce qui aurait été un clin d’œil aux lecteurs car c’est vrai que parfois j’ai pas mal osé surtout quand je relate fidèlement des conversations de bistrots, des anecdotes un peu poivrées et des blagues pas piquées des hannetons! C’est que le franc-parler était d’usage et que l’on ne pratiquait pas la langue de bois chez nous en ces temps-là! Cet écrit de mémoire est principalement centré sur les années Allant de 45 à 85 mais parfois j’ai dû reculer plus dans le temps car, par exemple, l’on ne peut pas expliquer le port et l’expédition du poisson sans expliquer la venue du train chez nous. En restant le plus possible en arrière-plan, j’ai mélangé ma mémoire à ce que je considère être celle de ma ville, son passé, que je préserve et entretiens dans un coin de ma tête. Refaire émerger tous ces souvenirs, les ordonner, les écrire a été un travail purement personnel qui m’a pris environ 2 ans. Cependant je précise que le livre a été édité avec l’aide des 2 associations citées dans les préfaces et que je remercie sincèrement, elles m’ont surtout épaulé pour finaliser mon challenge, soit trouver un éditeur, ce qui est parfois très dur pour un auteur. Dans les 320 pages de texte je conte la vie concarnoise, des historiettes, j’explique des surnoms, j’évoque les usines, les ateliers de marée, le port, ses quais avec ses ateliers d’entretien naval, ses criées et ses bassins sans cesse animés par notre belle et imposante flottille chalutière d’alors. Une véritable armada en ces temps! Mais je n’ai pas oublié les loisirs, les salles de danse, les dancings, les boîtes de nuit et évidemment les jolies concarnoises du moment! Et comme Sophie m’avait demandé de parler des femmes, je clos ce chapitre en leur rendant hommage.
Femmes, souvenez-vous, l’ardeur de vos vingt ans,
Béguins vite oubliés pour des passions fidèles, Qui vous illuminaient en vous rendant si belles,
Que vous resplendissiez en ces étés brûlants! ...
L’amour que vous portez résiste au temps qui passe, Et, De cet amour fou, jamais on ne se lasse!
Même s’il se tempère avec les cheveux blancs, Il vous sublime tant, que malgré tous ses ans,
Vous demeurez nos muses, nos belles égéries, nos intenses passions, nos petites folies!
Vous restez nos Vénus, vous restez nos soleils, vous restez nos printemps! …
(Carl Moser - "Badende Bretonin")
Les nombreux clichés, une bonne centaine dont beaucoup d’inédits qui agrémentent les textes vous surprendront, j’en suis sûr. Alors si vous voulez faire travailler votre mémoire, revivre ou vous imaginer les 40 glorieuses dans notre ville bleue, faites-vous plaisir, offrez-vous «Sous l’œil du beffroi,» je suis sûr que vous serez étonné en découvrant les photos et les quelques plans que ce bouquin contient et en parcourant les textes déjà qualifiés de très intéressants par les journalistes! Allez, j’ose le louanger,
«Sous l’œil du beffroi» est un bouquin qui mérite sa place dans votre bibliothèque surtout si vous aimez les ports et leur ambiance, vous pouvez même l’offrir à un ami pour une occasion avec la quasi-certitude de ne pas le décevoir! … J’en ai terminé avec ma pub pour mon bouquin et mes amis des associations, j’espère ne pas avoir été trop maladroit. Une dernière précision cependant. Pour ceux qui n’aiment pas la poésie et il y en a, «Sous l’œil du beffroi» ne contient pas un seul alexandrin. Le thème ne le justifiait pas! Néanmoins, les fous de poésie en trouvent partout, un marin poète la trouve en admirant un voilier, un amateur de bon vin peut même la trouver en voyant des verres pleins de boissons diversement colorées alignés sur un zinc! Alors peut-être que des lecteurs trouveront un peu de poésie dans certaines de mes phrases et pourquoi pas dans celle où j’emprunte la faconde et la verve très familière des Concarnois. Notre langue verte en quelque sorte, celle utilisée dans les bistrots et sur les quais! ...
D’ailleurs dans les années que je vous conte, le «politiquement correct» n’existait pas et à vrai dire, dans les endroits que je vous cite, les Concarnois n’ont jamais fait beaucoup d’effort pour le faire entrer dans leurs conversations. Le parler populaire dominait tout en ce temps là! …
Ah, cet argot concarnois qui arrivait avec ses mots simples, crus mais rigolos à rendre agréable les dures tâches que je viens de vous décrire. Un seul exemple :
Durant une corvée Des petites filles d’usines s’écartent pour pipeletter s’octroyant une pause en douce.
Une contremaîtresse exceptionnellement rigolote et sympa les surprend et les houspille en souriant:
«Allez les petites, vous n’allez tout de même pas rester là à couillasser toute la journée!»
Vous pourrez feuilleter tous les dictionnaires, je pense que vous ne trouverez jamais le verbe «couillasser!» Mais toujours est-il que formulée ainsi la remarque passe, tout le monde s’esclaffe et reprend le boulot de plus belle ! …C’était ça aussi les métiers des femmes d’antan !
Je termine en m’adressant une dernière fois aux dames car cet exposé leur était dédié.
Mesdames soyez rassurées, j’ai enquêté en douce, le Concarnois n’est pas misogyne! Tout au contraire je peux vous garantir que vos maris vous adorent et vous admirent secrètement en leur for intérieur.
Seulement, ils sont si bravaches, allez, disons-le carrément en plaisantant, un peu grandes gueules, qu’ils se croient toujours obligé de lancer en société et en votre présence des plaisanteries vous concernant et ces moqueries construites en concarnois du cru ne sont pas toujours du meilleur goût et vous irritent parfois. Alors, un conseil, mesdames, répliquez sur le même ton et avec les mêmes mots!
Ça mettra de l’ambiance dans le bourg comme on dit à Beuzec! …
Je ne vous vois pas mais je devine que vous devez écarquiller les yeux en vous disant :
Ce José n’est pas pour la paix dans les ménages!
Tranquillisez-vous, je blague car je veux faire d’une pierre deux coups. En effet S’il vous prenait vraiment l’envie de remettre votre mari en place de temps en temps quand vous trouvez qu’il pousse quand même un peu trop loin le bouchon et que vous soyez en panne de réplique, achetez mon bouquin! Vous y trouverez tout un choix de réparties que lançaient les marchandes de poissons orfèvres en la matière!...
Ah, les marchandes de poissons, une profession de femmes que j’avais oubliée dans mon énumération des métiers et qui est respectée malgré ou plutôt peut-être grâce à son répertoire largement fleuri! ... C’est que tous leurs contradicteurs craignaient et craignent encore une réponse ajustée et bien emballée!...
Voilà, avec cette conclusion j’aurais peut-être réussi à vous faire sourire et à vous intéresser à ma littérature qui s’écarte quelquefois des sentiers battus de la prose lisse et conventionnelle!…