Chronique « Les vieux fourneaux (T2) » : Vous en reprendrez une tranche, ma bonne dame ?
Scénario de Wilfrid Lupano, dessins de Paul Cauuet,
Public conseillé : Adultes et adolescents
Style : Comédie grinçante
Paru aux éditions Dargaud, le 24 octobre 2014, 56 pages couleurs, 11,99 euros
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L’histoire
Entre café et pain au raisin du pti’ dej, Pierrot reçoit un colis remplis… de liasses de billets… et accompagné d’une lettre liminaire (Pour la cause !), signée « Ann Bonny » !
C’est Sophie, qui s’est servie dans le magot (voir T1 : Ceux qui restent). Mais attention, pas pour elle ! En suisse, elle a retiré quelques centaines de milliers d’euros, qu’elle a adressé à Pierrot pour son collectif « anarchiste ».
Au même moment, Antoine débarque à Paris pour la Manif’, mais se retrouve seul, faute de Pierrot pour l’accueillir et l’héberger. Sa seule option : se rendre à la seule adresse parisienne qu’il a : “L’électro-Buzz”, un bar branché sur l’île de la cité….
Pour finir, Mimile s’invite a l’improviste chez Sophie pour lui demander de monter un spectacle de marionnettes personnel et hyper important..
« Allez vous faire voir avec vos transcendantales à la farine de meule et vos prolégomènes à l’ancienne et tous vos noms à la mords-moi le fion !!!! »
Ce que j’en pense
Wilfrid Lupano (encore lui ?) et Paul Cauuet, récompensés par un beau succès publique et professionnel (Prix des libraires BD 2014) en remettent une couche. Mais était-ce vraiment nécessaire ? Ce grand coup d’éclat, véritable cri du coeur m’avait, comme beaucoup de lecteurs, profondément touché. Et la fin, quoique ouverte, ne réclamait pas vraiment de suite.
Poussés par le succès (et l’appât du gain ?), ils reviennent fouiller leur petit monde de vieux contestataires au verbe haut et à la prostate défaillante.
Pas de changement radical, ce nouveau tome reprend tous les ingrédients qui faisaient le sel particulier (un peu rance mais tellement drôle) du premier opus.
Des personnages touchants, vrais et forts en gueule, des dialogues à l’emporte pièce, qui rappelle la petite musique ‘à la Audiard‘, des situations incongrues, une contestation insolente contre le système, et de bonnes grosses scènes de comédie de situation bien poilantes, tout est réunis pour passer un excellent moment.
Profond sans être lénifiant, sensible et drôle, Willfrid Lupano nous sert une bonne soupe, dans le registre « comédie sixties à la française », subtilement cuisiné et bien relevé.
On ne change pas une équipe qui gagne.
Mimile, Antoine et Pierrot (250 ans au total) campent leurs rôles de prédilection. Au trio de tête, s’ajoutent quelques nouveaux personnages décalés et originaux : Fanfan, 91 ans, une aristocrate qui a trouvé un moyen très personnel d’emmerder le système et sa descendance. Baba, l’artiste, organisateur du collectif anarchiste « Ni yeux, ni maître » et j’en passe et des meilleures. Le mieux, c’est quand même de les découvrir “dans leur jus”.
« Vous savez où vous pouvez vous la carrer, votre fleurimeuline du Papé ? »
Une histoire d’amour ?
Dans ce second tome, Wilfried Lupano explore la jeunesse de Pierrot, contestataire de la première heure.
Avec le paquet de fric et la lettre qui l’accompagnait, ce vieux râleur (dont on ne connaissait pas grand chose finalement) replonge dans son passé. Et plus précisément en 62, en pleine période de manifestations contre l’O.A.S.
A coup de Flash-back, flash-forward, Lupano nous balance du passé au présent de Pierrot (son amour de jeunesse, ses actions musclées, ses choix) en dynamisant le récit. Mais c’est surtout les enjeux dramatiques qui se jouent dans les deux époques qui amènent du fond et de l’action au récit.
Le dessin
Paul Cauuet, très à l’aise dans le premier tome, assure comme un chef. Il nous livre un dessin en parfaite adéquation avec le récit de Lupano. Hyper expressifs, drôles, sensibles, ses personnages (avec des gueules) sont d’une vérité “touchante”. Au second plan, il compose des paysages et des ambiances (passé comme présents) d’une grande rigueur.
Enfin, les scènes de gags fourmillent de détails désopilants à consommer en boucle.
Pour résumer
Vous avez aimé les petits vieux contestataires des « Vieux Fourneaux » ? Lupano et Cauuet remettent le couvert en explorant le passé de Pierrot. Touchant, sensible, mais aussi férocement drôle et insolent, ce second opus mérite bien de se resservir, pour en apprécier toutes les subtilités.
« Le deuxième étage, ce sont des étudiants fauchés qu’on héberge. Il faut étudier des matières totalement baroques. Musicologie, philosophie, L’art étrusque, l’histoire antique…. Des trucs que le monde libéral qualifie d’inutiles, quoi… »