Voilà le genre d'annonce qui à la fois m'interpelle, évoquant notre rapport à notre téléphone portable et notre nomophobie (peur de s'en trouver privé pendant une certaine période de temps), et aussi me laisse dubitatif. S'il peut paraître spectaculaire de porter la charge de son portable à 100% en 30 secondes, je crains d'en rester au petit effet de tribune, et ne crois pas véritablement à l'efficacité du dispositif sur le long terme. Nos batteries lithium sont de petits réacteurs chimiques: ce n'est pas pour rien qu'il est déconseillé de les jeter au feu où elles risquent d'exploser, ni de les éliminer avec les ordures ménagères, à cause de leur potentiel de pollution élevé.
Aussi, les processus de charge et de décharge ne sont que des réactions chimiques réversibles. On ne fait que jouer sur cette réversibilité, mais il est clair que le temps de charge n'est pas une donnée suffisante, le profil de charge l'est tout autant. Explication: la vitesse à laquelle les substances chimiques (réactifs) dans la batterie se recombinent pour délivrer de l'énergie n'est pas linéaire, cela va plus vite au début puis se lisse jusqu'à un palier de manière exponentielle. En effet, comme il y a de moins en moins de réactif disponible, il faut plus de temps pour que ses atomes se rencontrent. L'inverse est également vrai à l'étape de charge, où le pourcentage de charge va grimper rapidement dans les premiers instants, puis s'infléchir.
Tout l'enjeu de ce nouveau procédé de charge ultra-rapide réside dans un meilleur contrôle de la cinétique (c'est-à-dire la vitesse) de réaction chimique dans la batterie. Vous pouvez rechercher la performance à ce niveau, et viser le temps le plus court pour recharger l'essentiel de la batterie de votre mobile. Mais une fois déconnecté, la décharge sera inéluctablement plus rapide pour ce dernier. L'efficacité est donc toute relative et à double tranchant. Vaut-il mieux revenir fréquemment brancher son appareil et en disposer assez vite, ou alors lui laisser la nuit de recharge qui devrait normalement coïncider avec sa propre nuit de sommeil, pour avoir le champ libre le lendemain?
Cela témoigne au fond d'une évolution de nos usages des technologies et des réseaux. L'ère de l'immédiateté, du temps réel dicte qu'il faut mener la chasse au temps mort quand on est connecté. Il n'y aurait pas de délai à accorder à nos réactions sur l'actualité, à nos commentaires sur les réseaux sociaux, à nos partages et à nos échanges. Foncièrement, je ne suis pas de ce bord car ça n'est pas ce que je crois. Au contraire, je pense que des troubles nouveaux tels que la nomophobie témoignent d'une certaine toxicité à vouloir vivre à 100 à l'heure avec son téléphone à 100%. Surtout, et c'est le plus regrettable, il égratigne la réflexion qui n'a de noblesse que dans la durée, pas dans l'immédiateté. Ceci est un autre débat.