Magazine Société

S’envoyer en l’air et y rester*

Publié le 24 mai 2008 par Didier54 @Partages

Elles pensaient prendre leur pied en s'envoyant en l'air. Grimper au ciel. Chuchoter à l'oreille des étoiles, taquiner la lune la bouche grande ouverte, ouatées dans le coton des nuages. Elles imaginaient que ce serait court mais bon. Le bouche à oreille le leur avait dit. Elles étaient en bande. Idéal pour se rassurer et se donner le courage d'y aller.

Indéniablement, en ce dimanche, c'était pour elles le moment. Elles étaient prêtes, de toutes façons. En avaient tellement parlé entre elles. Elles étaient ouvertes à l'aventure. Pour de bon. Désireuses de la goûter. Elles voyaient cela comme une fête, prenaient la pose de l'enjeu anodin, écoutaient ce désir qui brûlait en elles, cet appel de l'inconnu qui vous change la vie.

Elles voulaient surtout y prendre du plaisir, beaucoup de plaisir. Même s'il fallait braver la tripe serrée et la trouille qui enveloppe le corps, perles de sueurs. Elles étaient prêtes à le laisser s'évader, ce corps, à le laisser parler, hurler si besoin. Elles frémissaient.

Elles prirent au préalable un ticket, chic. Puis leur courage à deux mains, avant de prendre place.

Le manège put alors commencer. D'abord quelques préliminaires, histoire de se mettre dans le bain. Ensuite ça s'accélère. Ca va vite. De plus en plus vite. Elles ne disaient plus rien. Toutes entières prises par le moment. Jusqu'au plus profond d'elles-mêmes.

Mais il y eut le grain de sable. Celui qui enraye la machine. Qui stoppe la machine. Qui coupe l'élan. Celui qui gâche tout. Le raté, sur lequel on reste. C'était écrit : cela ne devait durer que quelques minutes, une grosse poignée de secondes. Cela prit finalement des heures.

Elles restèrent en l'air une éternité. Interminable apnée en altitude. Le septième ciel, vu de près et pendant si longtemps, n'a finalement plus autant d'attrait. Les pieds en l'air valent s'ils retrouvent rapidement la terre ferme. La poitrine se soulève différemment dans les hauteur. C'est le vertige qui les prit, s'installant en elle et y demeurant. Le plaisir céda la place à la panique. C'est les pompiers qui sont venues les déloger.

* Ecrit inspiré par un faits divers lu dernièrement dans la presse locale. Dans un parc d'attraction, un manège s'est bloqué. Les jeunes gens sont restés coincés en l'air pendant près de 4 heures.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Didier54 35 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine