Les diasporas maghrébines en Europe souhaitent apporter leur contribution au développement économique de leurs pays d'origine

Publié le 27 octobre 2014 par Ouadayazid1

ACIM a présenté les 1ers résultats de l'enquête DiaMed "Diasporas et Entrepreneuriat au Maghreb" lors du Séminaire International de haut niveau "Pour de nouvelles politiques en faveur de l'investissement des diasporas en Méditerranée" qui s'est tenu à Marseille les 24 et 25 juin 2014.



Menée par ACIM, en collaboration avec ANIMA Investment Network, entre juillet 2013 et février 2014, dans le cadre du projet européen DiaMed*, cette enquête visait un triple objectif
  • Saisir les profils des porteurs de projet et leurs attentes en matière de création d’entreprise dans leur pays d’origine ; 
  • Mobiliser les institutions nationales dans les pays du Sud sur l’investissement productif des diasporas ; 
  • Sensibiliser les institutions nationales des pays de résidence et les institutions européennes sur le rôle majeur des diasporas dans les échanges économiques euroméditerranéens. 

En attendant un traitement plus affiné des données recueillies, ACIM a pu présenter une tendance générale du profil des potentiels porteurs de projet et de leurs attentes en matière d’appui et d’accompagnement pour l’investissement dans leurs pays d’origine, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. 

Les nouvelles générations d’entrepreneurs et porteurs de projet se démarquent de leurs parents par un niveau de qualification élevé et un enracinement en Europe, qui renouvellent le lien avec les pays d’origine 

  • Des porteurs de projet potentiels très qualifiés : 66 % ont un diplôme supérieur ou égal au master 
  • qui s’inscrivent dans les classes moyennes et moyennes supérieures des pays de résidence : 30 % sont chefs d’entreprises ou professions libérales et 30 % sont cadres dans le secteur privé ; 
  • composée d’une part croissante de personnes qui ne sont pas nées au Maghreb (1/4 est né en Europe) et d’une majeure partie de binationaux ; 
  • qui a un enracinement familial et social fort en Europe : 85 % occupent un emploi, 75 % sont mariés et ont des enfants ; 
  • mais qui entretient une relation suivie avec le pays d’origine (77 % y retournent au moins 2 ou 3 fois par an et 8 % plus de 8 fois par an).

Cette nouvelle configuration des diasporas maghrébines amènent à s’interroger sur les modalités d’implication que les autorités des pays du Sud et du Nord peuvent promouvoir, sachant que plus de 71 % des personnes interrogées estiment que la diaspora peut apporter une contribution en termes de transferts de compétences, de savoir faire, d’expertise ou de transfert technologique.

Cependant l’attachement au pays d’origine n’exclut pas la rationalité économique et ne justifie pas à lui seul la volonté d’y entreprendre et investir. Ils sont 48 % à avancer une motivation économique (développer une activité à l’international ou saisir les opportunités locales de marchés en pleine croissance). Il ne signifie pas non plus pour autant une volonté de retour : moins d’un sur deux affirment souhaiter s’installer au Maghreb.

Ce résultat montre clairement qu’il est désormais indispensable de dissocier les incitations à l’entrepreneuriat et à l’investissement des politiques de retour et de favoriser des dispositifs législatifs plus ouverts permettant la mobilité et la circulation, tant des personnes que des capitaux.

Des projets de création d’entreprise et d’investissement diversifiés, vecteurs d’innovation, qui peinent à trouver des financements

La nature des projets envisagés montre une prédominance du secteur agricole et de l’agro-alimentaire (19 %), des l’ingénierie et du conseil (13 %), des TIC (10 %), et dans une moindre mesure de l’industrie (8 %) et du tourisme (7%).

Les domaines d’activités les plus attractifs relèvent essentiellement donc essentiellement du secteur agricole et du tertiaire, liés à l’innovation notamment pour l’agriculture, où les intentions sont l’apport de nouveaux procédés.

Dans les 3 pays, les projets se concentrent en majorité dans la région de la capitale (Axe Casa-Rabat, Grand Alger, gouvernorat de Tunis), au détriment des zones moins développées économiquement.

14 % de ces projets visent l’internationalisation d’une entreprise existante en Europe, mais 86 % représentent la création d’une nouvelle entreprise.

Il convient donc pour les politiques publiques de trouver des modes d’ajustement entre les projets proposés et les besoins en termes de stratégies nationales de développement sectoriel et régional, et de mettre en place des dispositifs d’accompagnement spécifiques au statut de résident à l’étranger et de primo-créateurs.

74 % des projets ont un volume financier compris entre 10 000 et 500 000 euros, et 21 % supérieur à 500 000 euros. La cible est donc la création de TPE-PME, porteuses de création d’emplois, et non plus de micro-projets.

Même si 29 % envisagent un apport personnel pour financer le projet, le recours au crédit bancaire et aux fonds d’investissements privés et publics est largement sollicité. Il existe une attente importante du soutien des politiques publiques d’aide à l’investissement dans les pays du Maghreb et en Europe, ainsi qu’une implication accrue du secteur privé (secteur bancaire, fonds d’investissement).

Méfiance et insatisfaction des administrations publiques et des institutions nationales

Les principaux freins à l’investissement cités sont la corruption (40 %), l’insuffisance de l’accompagnement (22 %), les procédures administratives (14 %), le manque d’information (8,5 %) et les difficultés de financement (7 %).
Pour ceux qui ont déjà entrepris des démarches pour créer leur activité au Maghreb, les résultats sont relativement insatisfaisants, voire médiocres : 

  • Administrations et institutions publiques : 56 % de résultats insatisfaisants ou médiocres
  • Formalités de création administrative de l’entreprise : 40 %
  • Foncier - Immobilier : 50 % 
  • Banque : 45 % 
  • Recherche de partenaires : 49 % 
  • Collectivité locales : 39 % 


Il ressort de cette partie de l’enquête un manque de confiance caractérisé dans la gouvernance, des difficultés d’accès à l’information, au foncier, et au financement bancaire ou public.

En filigrane, on peut y lire une méconnaissance des acteurs locaux, notamment au niveau national, et des mécanismes de création d’entreprise et de financement, un manque de réseau relationnel et une persistance de la méfiance envers des administrations jugées peu performantes.

Les besoins en matière d’accompagnement sont importants, notamment l’accès au financement, la réalisation du plan d’affaires et des études de faisabilité, l’information sur les aides à l’investissement, le networking, le pré-accompagnement en amont en Europe et les démarches administratives.

Un déficit d’information et de communication ciblées

Seul un porteur de projet sur deux se dit suffisamment informé sur le climat des affaires du pays dans lequel il souhaite créer son activité. 66 % ne connaissent pas les mesures spécifiques à l’investissement dans leur pays d’origine et 75 % ne connaissent pas les plans sectoriels qui peuvent exister.

Ces résultats interrogent sur les modes de communication des institutions à destination de leurs résidents à l’étranger, et en particulier en matière de marketing territorial et sectoriel.


Les principaux canaux d’information évoqués sont les médias du Maghreb, les réseaux sociaux, les associations et les médias communautaires. Seuls 6 % citent les consulats et 12 % les institutions et administrations publiques dans les pays d’origine

Ils sont par ailleurs 59 % à estimer que les pouvoirs publics n’ont pas suffisamment conscience du rôle de la diaspora dans le développement économique et social.


Les porteurs de projet de ces diasporas présentent un faible taux de d’organisation communautaire, 72 % n’appartiennent à aucun réseau ou association de la diaspora. Aussi, les associations pouvant exister à l’étranger ne peuvent constituer qu’un relais parmi d’autres pour atteindre les potentiels entrepreneurs et investisseurs et les inciter à créer des activités dans les pays d’origine.

Des pistes pour améliorer la communication et favoriser l’investissement productifs des diasporas maghrébines en Europe

Les premiers résultats de cette enquête DiaMed suggèrent quelques pistes pour mobiliser et soutenir la création d’activité entrepreneuriales des diasporas du Maghreb installées en Europe, ainsi que restaurer la confiance :

  • Identifier et segmenter les cibles par tranche d’âge, secteurs d’activités, type de compétences pour affiner la communication ; 
  • Multiplier les canaux de communication, en particulier via les nouveaux réseaux sociaux ou des plateformes dédiées ; 
  • Favoriser le networking en s’appuyant sur des personnes-ressources (chefs d’entreprises, talents et compétences) et des associations ciblées pour leur implication dans le domaine économique ; 
  • Valoriser les contributions de la diaspora, et en particulier les exemples de success stories ; 
  • Aller à la rencontre dans les pays de résidence des potentiels investisseurs et compétences au travers d’événements dédiés; 
  • Apporter une information concrète et pragmatique répondant aux attentes des porteurs de projet ; 
  • Pérenniser les dispositifs d’accompagnement et proposer un accompagnement de qualité et performant
  • Associer des structures ou organismes dans les pays de résidence qui pourraient assurer un pré-accompagnement en amont, notamment par le biais de programmes de coopération binationale ou coopération décentralisée. 



* DiaMed est un projet financé par la Commission Européenne dans le cadre du programme EuropeAid (2013-2015).

Il est porté par ADER Méditerranée et mis en œuvre par ACIM, ANIMA Investment Network, la CONECT en Tunisie, la Fondation Création d’Entreprises – FCE au Maroc et MédafCO Consulting en Algérie.


> Voir le diaporama de l'enquête
> Télécharger la synthèse en format PDF http://www.entreprendre-mediterranee.com/diamed-enquete-premiers-resultats-entreprendre-mediterranee-117.asp?rubrique=Diasporas&pays=Alg%E9rie,%20Maroc,%20Tunisie