Magazine Séries

Strange empire (2014) : trois femmes en colère

Publié le 28 octobre 2014 par Jfcd @enseriestv

Strange empire est une nouvelle série canadienne de 13 épisodes diffusés depuis le début octobre sur les ondes de CBC. Ce que l’on pourrait qualifier de « western féministe » se déroule circa 1860 dans le petit village de Janestown en Alberta tout près de la frontière avec le Montana alors que plusieurs immigrants s’y rendent dans le but d’entamer une nouvelle vie. Par contre, ceux-ci doivent composer avec les Slotter, une famille puissante propriétaire d’une mine de charbon, mais aussi d’un bordel. Ayant assez de pouvoirs pour contrôler le village en entier, trois femmes se démarquent du lot; lesquelles ont pour but de civiliser ce monde machiste, raciste et despotique. Création de Laurie Finstad-Knizhnik, Strange empire est la bienvenue dans le paysage audiovisuel. Alors que l’on croyait le western mort et enterré, voilà que le genre ressuscite avec pour protagonistes trois femmes fortes, très différentes et dont l’évolution au cours de la saison s’avère prometteuse. Outre le rythme effréné du pilote qui s’estompe un peu lors des deux épisodes suivants, la série s’en tire très bien du côté mise en scène et vient une fois de plus confirmer la prépondérance du Canada dans le genre historique.

Strange empire (2014) : trois femmes en colère

Un No man’s land (littéralement)

Dès le premier épisode de Strange empire, les femmes sont mises au pied du mur. Alors que plusieurs familles viennent de gagner Janestown, une attaque-surprise d’individus masqués survient en pleine nuit et pratiquement tous les hommes sont tués. Bien qu’officiellement on blâme les autochtones, l’homme derrière cette boucherie pourrait bien être John Slotter (Aaron Poole). Manquant de fonds pour payer les employés travaillant dans sa mine, c’est son autre commerce, la prostitution qui le tient à flot. Et justement, ces femmes laissées à elles-mêmes deviennent dès lors des proies faciles. Trois d’entre elles se démarquent du lot.

Il y a d’abord Isabelle Slotter (Tattiawna Jones), l’épouse de John. Elle vient de perdre son bébé et n’a pas encore fait son deuil. On sent qu’elle en a assez d’être sous la férule de John et on la soupçonne de vouloir l’empoisonner à petites doses d’arsenic. Elle cache très bien sa vulnérabilité puisqu’elle ne semble pas à éprouver de malaise à engager de très jeunes filles pour satisfaire ses clients. Vient ensuite Rebecca Blithely (Melissa Farman), une jeune femme passionnée par la médecine et mariée justement à un docteur beaucoup plus âgé qu’elle, Thomas (Bill Marchant). Elle fait cependant tout ce qu’elle peut pour venir en aide aux membres restants de la communauté. Enfin, il y a Kat Loving (Cara Gee). Métis, elle s’est mariée à Jeremiah, un blanc, le jour des funérailles de son enfant. Ensemble, ils décident d’adopter deux jeunes filles pour éviter qu’elles n’aient à travailler chez les Slotter. Lors de l’attaque, il disparaît sans laisser de traces. Femme forte, Kat est une féministe avant l’heure qui rêve d’ouvrir un ranch.

C’est justement de nous plonger dans un western, mais du point de vue féminin qui détonne agréablement dans Strange empire. Au lieu de mettre ces trois femmes dans un contexte historique classique (la mère au foyer ou la pute), on nous offre des personnages forts dont les qualités font écho à notre ère. Comme l’écrit Emily Landau dans sa critique : « In a way, the show has more in common with Orange Is the New Black than Deadwood, trapping its women in an isolated feminist dystopia where they have to create their own power ­hierarchies and alliances. » Par exemple, Isabelle n’hésite pas à se servir de ses charmes pour arriver à ses fins. Anciennement prostituée, elle n’hésite pas à coucher avec son beau-père afin qu’il avance des fonds à son mari. À l’opposé, Kat est une excellente tireuse et n’est nullement intimidée par des rustres comme John. Elle se veut l’égale des hommes, comme en témoigne sa tenue (jeans, chapeau de cowboy, etc.). Entre les deux il y a Rebecca. D’une santé mentale plutôt fragile (elle a été institutionnalisée lorsqu’elle était enfant), elle n’hésite pas à se jeter tête première dans l’apprentissage de la médecine, chasse gardée des hommes.  Et du courage, elles en font toutes preuve puisque comme le dit un des protagonistes : « You know this is Canada ma’. There is now law but our own ».

Strange empire (2014) : trois femmes en colère

Le Canada et l’histoire

Lorsqu’elles se donnent la peine de produire des séries originales, les autres chaînes publiques canadiennes y vont souvent avec des paris sûrs, misant sur le policier (Motive et Played sur CTV) ou le médical (Remedy, Global). Mais il y a un genre dans lequel le Canada excelle, c’est l’histoire. De prime abord, on ne penserait pas à ce pays, mais qu’on en juge par ses récentes coproductions : Vikings (Canada-Irlande), The Borgias (Canada-Irlande-Hongrie) et Pillars of the earth (Canada-Allemagne). Prochainement, mentionnons l’adaptation du best-seller de l’auteur canadien Lawrence Hill The book of negroes (Canada-Afrique du Sud) et même Versailles de Jalil Lespert (via la société de distribution télévisuelle Incendo). Quant aux productions exclusivement canadiennes, citons Bomb Girls et Murdoch Mysteries, cette dernière ayant ses adeptes partout dans le monde et qui célébrera en 2014 son 100e épisode. Strange empire entre dans cette lignée et l’expertise est palpable. On a su créer une Janestown qui bien que relativement nouvelle dans le paysage albertain de l’époque, a tout de même l’image d’une une ville fantôme et austère, laquelle fait écho à l’état lamentable dans lequel se trouve la population locale. Cette ville délabrée contraste fort avec les paysages à couper le souffle qui l’entourent. Enfin, l’éclairage se veut un clin d’oïl au langage cinématographique puisqu’il évoque les débuts du cinéma avec ses couleurs quelque peu « délavées ».

Strange empire (2014) : trois femmes en colère

Le premier épisode de Strange empire a réuni 378 000 téléspectateurs et à cela, ajoutons-en 215 000 de plus pour sa reprise le vendredi suivant. Bien que ces chiffres ne soient pas colossaux, reste que la série est comparable à ce que l’on pourrait retrouver sur le câble « premium ». Au lieu d’essayer de compétitionner avec ses voisins du sud, les États-Unis, CBC a tout intérêt à se diriger davantage dans cette voie dans le futur rapproché. Qui sait, en étant très très optimiste, peut-être pourrait-elle devenir un jour la « BBC » d’Amérique du nord? On peut toujours rêver…


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Jfcd 558 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine