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Luc Tuymans, l'image est habitée par ce qui l'excède

Publié le 21 janvier 2013 par Lironjeremy

Luc Tuymans, l'image est habitée par ce qui l'excède
L’image est habitée par ce qui l’excède, la déborde et dont elle est le sourd négatif.  
Le cinéma a façonné notre imaginaire et notre façon de voir le monde par sa grammaire et ses codes, si bien que l’on se demande parfois si la réalité elle-même n’est pas à se complaire dans des façons photogéniques, à se comporter comme un objet destiné à être vu, photographié, filmé. On est sous le charme et il nous est devenu difficile de mesurer l’imprégnation comme de vérifier si les rêves connaissaient aussi des manières de ralentis expressifs ou de montage avant que les films en infiltrent la langue. Tout comme la photographie, après avoir pris la peinture pour modèle, en fut un outil nouveau, un objet déterminant ou un motif, le cinéma a fasciné et fascine encore les peintres en fournissant une imagerie conséquente et un modèle de représentation fécond. L’art de Luc Tuymans est marqué et presque déterminé par les images médiatiques et la pratique de la vidéo et de la photographie. Non pas qu’il s’agisse pour lui de mimer la photographie ou de s’en servir de modèle réaliste, mais il semblerait plutôt qu’il ait rapidement réalisé comme la réalité nous était massivement donnée sous ce mode médiatique, à ne plus pouvoir en être dissociée ; que le monde se faisait images. Nous ne croisons que rarement les choses, plus souvent les images que l’on s’en donne à voir qui sont alors comme la voix chaotique du monde. Des fragments, des abstractions, des réalités planes ou lumineuses avec leur texture propre, leur matérialité, les images construisent une fiction elliptique du monde. Sans cesse, des milliers d’images de nature diverse apparaissent et s’évanouissent sur les écrans retournés de nos yeux générant des fantômes à cheval sur la nuit de laquelle ils émergent et qui les reprend. De ce flux nous accrochent quelques images prégnantes rendues au silence, à l’exil. Des lambeaux. Les tableaux de Tuymans ressemblent davantage à des images mentales filtrant d’autres images qu’à des portraits sur nature ; leurs teintes grises sourdes, leur caractère sommaire, flou parfois, partiel en ce qu’ils ne montrent la plupart du temps qu’un détail en font des sortes de souvenirs décrochés à l’emporte-pièce, troués. L’image est habitée par ce qui l’excède, la déborde et dont elle est le sourd négatif. Exposition Portraits, Mamco Genève, Septembre 2006.

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