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Max | Le Roi tout court

Publié le 01 novembre 2014 par Aragon
Quand elle est en danger de mort, la moindre fourmi se débat, elle est abandonnée, brusquement arrachée à sa collectivité. En elle aussi, tout l'univers s'éteint. Il n'est pas naturel de mourir, puisqu'on ne veut pas. Je veux être.
le Roi (Le Roi se meurt, Ionesco)

vz-1763E51E-0096-48B3-9A21-9A8B7F2D4BEE.jpegIl me fait penser à Renaud, pas le chanteur. Renaud c'était un collègue à moi. Ancien très bon footeux, un âge certain quand je l'ai connu, tête chenue, de la bouteille, des tas de kilos en trop dispersés sur un corps immense et colossal, mais Renaud quand on faisait un match d'entraînement de foot venait sur le terrain - pour s'amuser - et on lui passait le ballon et c'était alors incroyable la précision, la perfection, de son geste. Sans pratiquement jamais bouger, de l'arrière car il ne montait jamais, c'était alors un "oeil" qui distribuait des ballons en or jusque devant la cage, dans les pattes des avants-centre. Immenses et incroyables passes. Travail d'orfèvre, de la précision millimétrique. La grande classe. Je vois encore ces merveilleuses passes frappées servies sur un plateau d'argent par Renaud. Je me souviens du bruit d'impact des crampons de Renaud sur le ballon, ça faisait "Boum", ou "Flac", ou "Crac" parfois. Bruit fort, nerveux, sec. Ça me foutait des frissons.

Et bien l'autre soir à Hébertot j'ai vu la même chose. La classe à l'état pur : Michel Bouquet.

Bouquet aura 89 piges dans quelques jours, Bouquet et sa femme à la ville comme sur scène Juliette Carré sont immenses Reine et Roi dans "le Roi se meurt" de Ionesco mis en scène par Georges Werler.

Immenses comédiens, présence, sens du personnage, intensité, toute cette fulgurante capacité à servir la dramaturgie voulue par le metteur en scène dans le chef-d'oeuvre de Ionesco, car cette pièce est chef-d'oeuvre. Réflexion salutaire, dialogues ciselés, précis, et bouleversants de vérité.

Le Roi se meurt mais ne veut pas mourir. Ionesco visite les arcanes subtils de la vie et de la mort. La mort n'est pas la bienvenue, le Roi n'a que faire d'elle, pas de temps à perdre avec elle, tant à faire encore, manger un pot-au-feu par exemple, et qu'importe si le "royaume" prend l'eau, part en quenouille, se fissure de partout, qu'importe si tout le monde fout le camp autour de lui, s'il reste tout "seul". Le Roi est le Roi. La vie est à ce prix. Le goût des cerises "ressenti dans la bouche" est le même que l'on ait quinze ou quatre-vingt-quinze ans. Le Roi c'est toi, le Roi c'est moi.

Mais la mort est patiente, la mort comme chez Brassens montre son cotillon affriolant. Vivant, il faut bien faire apprentissage de la mort. Le Roi le sait, nous le savons. Le Roi se meurt de vivre, vive le Roi.

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