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Non à l'initiative d'Ecopop

Publié le 01 novembre 2014 par Francisrichard @francisrichard
Non à l'initiative d'Ecopop

Le 30 novembre prochain le peuple aura à se prononcer sur trois objets. L'un d'eux est  l'initiative "Halte à la surpopulation - oui à la préservation des ressources naturelles".

Après avoir examiné l'initiative sur l'or, l'initiative sur les "forfaits fiscaux", continuons avec l'examen de cette troisième et dernière initiative.

Lancée le 3 mai 2011 par l'association écologiste Ecopop, elle a abouti le 2 novembre 2012, avec 119'816 signatures valables.

Cette initiative, si elle est adoptée, introduira dans la Constitution fédérale helvétique un nouvel article, l'article 73a, libellé comme suit:

1 La Confédération s’attache à faire en sorte que la population résidant en Suisse ne dépasse pas un niveau qui soit compatible avec la préservation durable des ressources naturelles. Elle encourage également d’autres pays à poursuivre cet objectif, notamment dans le cadre de la coopération internationale au développement.

2 La part de l’accroissement de la population résidant de manière permanente en Suisse qui est attribuable au solde migratoire ne peut excéder 0,2 % par an sur une moyenne de trois ans.

3 Sur l’ensemble des moyens que la Confédération consacre à la coopération internationale au développement, elle en affecte 10 % au moins au financement de mesures visant à encourager la planification familiale volontaire.

4 La Confédération ne peut conclure de traité international qui contreviendrait au présent article ou qui empêcherait ou entraverait la mise en œuvre de mesures propres à atteindre les objectifs visés par le présent article.

Les arguments à l'appui de cette initiative extrême sont de deux types:

- La croissance de la population de la Suisse est trop rapide avec pour conséquence le bétonnage du pays - ce que les urbanistes appellent le mitage -, la dégradation de la nature et de l'infrastructure du pays: il faut donc la limiter.

- La croissance de la population de la planète est disproportionnée par rapport à ses ressources naturelles: il faut donc favoriser la limitation des naissances, particulièrement dans les pays pauvres;

A qui ces arguments simplistes font-ils penser? A Thomas Malthus et aux adeptes de la religion de la décroissance, laquelle se traduit immanquablement  par chômage, pauvreté, morosité...

En 1803 Thomas Malthus publie un Essai sur le principe de population dans lequel il pose comme principe que la population de la planète est en progression géométrique, alors que les ressources, notamment alimentaires, sont, au mieux, en progression arithmétique.

La suite de l’histoire a prouvé qu’il s’était complètement fourvoyé. La mortalité a effectivement baissé dans un premier temps; la fécondité dans un deuxième. La croissance de la population ne se montre ni constante ni inéluctable. Par ailleurs la productivité a augmenté dans des proportions que ses œillères ne lui permettaient pas de voir, encore moins d’imaginer.

Les idées de Malthus sont reprises par une étude commandée au MIT par le Club de Rome en 1970, date qui coïncide à peu près avec la date de création d’Ecopop…Dans ce rapport on retrouve les mêmes arguments qu’utilise l’association helvétique. Cinq facteurs principaux et interdépendants dérègleraient la planète: l’explosion démographique, la production alimentaire, l’industrialisation, l’épuisement des ressources naturelles, la pollution. La religion de la décroissance était née.

Le problème est que les modèles, dont se sont servis les rapporteurs du MIT, sont basés sur des hypothèses qui se sont avérées fausses:

-  Les comportements humains ne changent pas;

-  L’homme est incapable de s’adapter aux circonstances nouvelles;

-  La nature évolue vers un épuisement des ressources non renouvelables;

-  La population croît exponentiellement.

Comme le dit Jean-Philippe Feldman dans son livre La Famine menace-t-elle l’humanité? (JC Lattès, 2010) :

-  "Les humains diffèrent des autres animaux par une remarquable capacité à modifier leur comportement, y compris leur fécondité, en tant que de besoin";

-  "Depuis 1961, grâce aux avancées techniques, la production agricole a plus que doublé dans le monde et plus que triplé dans les pays en voie de développement."

-  Au cours des cinquante dernières années, "le nombre total des personnes sous-alimentées est resté stable, alors même que la population mondiale haussait nettement."

-  "D’après l’ONU, la misère a reculé davantage au cours de la seconde moitié du XXe siècle que durant les cinq cents années précédentes, et cela dans presque tous les pays."

Par ailleurs il faut bien voir que les ressources naturelles n’existent pas en elles-mêmes. C'est l'homme qui transforme les ressources potentielles en ressources économiques. Le pétrole, par exemple, n'est devenu une ressource économique qu'à partir du moment où l'homme en a fait un combustible.

Le taux de croissance de la population mondiale, qui était à son maximum de 2,2% au milieu des années 1960, n’a cessé de baisser. Il se situe aujourd’hui autour de 1,1% et devrait encore baisser aux cours des prochaines décennies selon les démographes.

Cette évolution démographique n’épargnera pas la Suisse, où on ne devrait tout de même pas pour autant oublier ce que disait le sage Jean Bodin, économiste du XVIe siècle : "Un pays n’est richesse que d’hommes".

Pourquoi limiter à 0,2% par an, soit à 15-16'000 personnes par an, la progression de la population de la Suisse attribuable au solde migratoire ? Ecopop à aucun moment n'explique le pourquoi de ce taux, et pour cause: il n'y a pas de raison.

Alors l'association helvétique utilise un bon vieux sophisme des familles:

- Chaque année 95'000 personnes environ quittent la Suisse;

- Un solde migratoire de 15'000 personnes environ signifie que 110'000 personnes environ pourront immigrer chaque année en Suisse;

 - Actuellement 165'000 personnes environ immigrent chaque année en Suisse.

Conclusion: avec l'initiative d'Ecopop l'immigration ne serait réduite que de 30% [plus précisément de 33.33%, soit d'un tiers] et 30%, après tout, ce n'est pas catastrophique...

Ah bon...

Et, s'il y a moins de personnes qui quittent la Suisse chaque année, ne faudra-t-il pas réduire davantage que de 30% le nombre d'immigrants?

C'est toujours le problème avec ceux qui veulent quantifier en théorie sans tenir compte de la réalité pratique et qui font abstraction de tous facteurs qualitatifs: ils ne peuvent justifier un chiffre que par un autre chiffre, qui n'a pas plus de fondement que le premier et qui est donc arbitraire. L'initiative est rigide là-dessus, sinon tout de suite, du moins à moyen terme.

Comme au début d'une année, on ne sait pas, en effet, combien de personnes quitteront la Suisse, il est bien difficile de connaître le nombre de personnes qui pourront immigrer cette même année. Les initiants, conscients de cette difficulté, proposent dans l'article 73a d'opérer une moyenne sur trois ans. Conscients toujours de la difficulté qu'il y aura déjà à obtenir ce résultat, ils proposent les dispositions suivantes à titre transitoire:

Après acceptation de l’art. 73a par le peuple et les cantons, la part de l’accroissement de la population résidant de manière permanente en Suisse qui est attribuable au solde migratoire ne peut excéder 0,6 % au cours de la première année civile, 0,4 % au cours de la suivante. Ensuite, et jusqu’à l’entrée en vigueur de la législation d’application relative à l’art. 73a, la population résidente ne peut s’accroître de plus de 0,2 % par an. Au cas où elle s’accroîtrait plus vite, la différence devra être compensée dans un délai de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de ladite législation d’application.

Dans ces dispositions transitoires, curieusement il n'est plus question, dans la deuxième phrase de la part de l’accroissement de la population résidant de manière permanente en Suisse qui est attribuable au solde migratoire, qui ne devrait pas excéder 0,2% par an, mais de l'accroissement de la population résidente tout court qui ne devrait pas excéder ce taux. Dans un bref moment de lucidité, les initiants seraient-ils donc conscients qu'en dehors des flux migratoires, la natalité et la mortalité peuvent jouer un rôle sur l'évolution de la population résidente et donc sur le bétonnage, la dégradation de la nature et de l'infrastructure?

On voit par conséquent, à lire le texte de l'initiative, que les initiants ont l'esprit confus et qu'ils n'ont pas la moindre idée de comment il sera possible de l'appliquer concrètement. Elle est donc inutile. Car les flux migratoires ne se décrètent pas, a fortiori globalement, pas davantage que ne se décrètent les naissances et les morts. Sauf dans les dictatures où l'on s'arroge le droit de vie et de mort sur les habitants...

Quant à vouloir, "sur l’ensemble des moyens que la Confédération consacre à la coopération internationale au développement" affecter "10 % au moins au financement de mesures visant à encourager la planification familiale volontaire", c'est vouloir, avec condescendance, donner des leçons aux pays pauvres et inciter leurs habitants à ne pas se reproduire. De quel droit ? et au nom de quoi?

Bref, cette initiative, basée sur des peurs imaginaires - la surpopulation, l'épuisement des ressources - est non seulement malthusienne, mais liberticide. Il convient de la rejeter, purement et simplement.

Francis Richard


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