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Après le libéralisme, de John Dewey

Publié le 06 novembre 2014 par Christophefaurie
Après le libéralisme, de John Dewey Très mauvais titre ! Le sujet du livre est le renouveau du libéralisme. On est en 1935. Le libéralisme est en faillite. Et il l’est parce qu’il est inadapté à la réalité. Et ce en grande partie parce qu’il a été instrumentalisé par les possédants pour justifier le statu quo. Étonnamment moderne…
L’anarchie plus les gendarmes Le libéralisme n’est rien d’autre que le souci d’assurer la liberté de l’homme. Sa première version, au temps des Lumières et de Locke, est fondée sur l’idée qu’il existe une « loi naturelle » que l’on peut trouver par la raison. C’est elle qui garantit la liberté de l’homme. Cette loi, les physiocrates français pensent que c’est l’économie. Ils prônent donc le laisser-faire. Et de se débarrasser de l’Etat, oppresseur. Si cette doctrine ébranle le monde d’alors, basé sur la coutume, son présupposé individualiste la rend inapte à la constitution d’une société. C’est « l’anarchie, plus les gendarmes » dit Carlyle. Il faut un second libéralisme. Le laisser-faire doit céder la place au pragmatisme : les lois naturelles n’existent pas, ce qui compte ce sont les conséquences des mesures que l’on prend. De même, la raison ne permet pas de trouver La Vérité, mais est un moyen d’améliorer la situation humaine. On découvre aussi que l’homme ne peut réaliser son individualité que grâce à un projet collectif. Et que l’Etat est un organe social, parmi d’autres, nécessaire à cette réalisation. Mais voilà, les nouveaux privilégiés ont compris que le premier libéralisme et son laisser-faire sont un moyen fantastique de défendre leurs intérêts. Ce qui suscite deux réactions. Le Marxisme, révolte des opprimés. Le nationalisme, réponse à l’anarchie libérale.
Le libéralisme comme intermédiation Comment se tirer de cette impasse ? Utiliser « l’intelligence ». Pour cela, commençons par définir « libéralisme ». Le libéralisme est un objectif et une méthode. L’objectif du libéralisme c’est libérer l’homme des forces qui l’oppriment et lui permettre de réaliser son potentiel. La méthode, c’est le changement. L’homme est conditionné par le passé. Or les circonstances évoluent. La mission du libéralisme est de mener à bien la transformation de la société. Et cela par la méthode scientifique, i.e. à l’image de la façon dont procède la science. En particulier par l’enquête et l’expérience. Tout ceci est lié, car la méthode scientifique, c’est l’intelligence, et elle libère l’intelligence humaine qui lui est nécessaire.
Application Qu’est-ce que ceci donne, en 1935 ? Le facteur d’asservissement de l’homme est devenu l’économie. Il faut donc une « socialisation » de celle-ci pour que l’individu, délivré de la précarité, puisse réaliser son potentiel. Malheureusement, pour y parvenir, il faut surmonter des obstacles redoutables. Le premier est que le passé a formé nos habitudes d’action, notre pensée. Et qu’elles ne sont pas adaptées au monde tel qu’il s’est transformé. Le second est, qu’en outre, nous avons fait l’objet d’un lavage de cerveau par les privilégiés. Parce que nous pensons faux, nos actions empirent nos maux ! Ainsi, le monde d’hier était celui de la rareté et de l’insécurité. Le producteur y était isolé. Le moyen de contrôle de la société était la violence. Ainsi conditionné, l’individu se comporte en rapace, créant une pauvreté artificielle. Et il ne conçoit pas d’autre forme d’action que la violence. Toute notre société n’est que coercition. A commencer par le principe de concurrence, lutte de l’homme contre l’homme. Ou par la mainmise par le possédant sur l’outil de production. Ou par la propagande, dévoiement de l’intelligence et de la science. Autre erreur aux conséquences désastreuses : le changement qu’a connu l’humanité ne nous a pas été apporté par la bourgeoisie ou le capitalisme. Bourgeoisie et capitalisme que l’on devrait renverser pour libérer l’opprimé. Ce changement est le fait du progrès scientifique. (Que le privilégié, certes, a fait de son mieux pour détourner à son profit.) Et l’organisation industrielle sur laquelle il a débouché nous a apporté tout ce dont nous avons besoin pour vivre correctement. Et l’intelligence collective, la méthode qu’utilise la science, appliquée à la société, nous permet de trouver des solutions pacifiques aux intérêts en conflit. Comment mener le changement dont a besoin la société de 1935, de manière scientifique, « intelligente » ? Quoi que non violent et graduel, expérimental, il doit être radical. Il doit reposer sur un projet de société global. Il faut « reformer un cadre institutionnel ». Pour cela, rassemblons les idées des libéraux et organisons-les. Alors, la force d’entraînement du libéralisme réinventé sera irrésistible.
(DEWEY, John, Après le libéralisme, Climats / Flammarion, 2014.)

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