Herméneutique et Lumières
L'avènement de l'âge des Lumières en Europe est précédé par la réforme religieuse du Protestantisme. Ce paradigme se démarque principalement de la doctrine médiévale de du sens multiple de l'Ecriture Sainte. Elle est canonisée chez les philosophes arabes en 3 sens différents : دلالة المطابقة و التضمن و الالتزام .
On continue toujours d'exploiter cette dichotomie dans les différentes branches de la théologie. Par contre, l'avènement de la réformation est indiqué par le principe de la sola scriptura : scriptura sui ipsius interpres. Martin Luther postule le principe de l'unité du Livre Sain, en indiquant que l'exégèse du texte est fondée sur le fait que le texte s'interprète soi-même par soi-même, comme l' interprétation d'une partie par une autre partie ; C'est ce qu'on appelle تفسير en arabe :
* -interprétation d'un verset par un autre verset ;
* -interprétation d'un verset par une parole ou un acte du prophète ;
*-interprétation d'un verset d'un texte saint par un verset d'un autre livre sain.
L'herméneutique sous forme d'exégèse spécifie ce qui était d'ordre général, indique les mesures d'application là où l'injonction reste sommaire, clarifie ce qui demeure opaque ou ambigu. L'exégèse est exercée au détriment de la notion d'interprétation allégorique المجاز أو إستعارة الامثال. Elle évite d'hypostasier le sens rationnel du texte comme sens parallèle au sens littéral du texte, comme si nous étions en fin de compte devant un texte révélé et un texte rationnel. (L'histoire de la théologie du Kalam et des querelles en Islam entre les Achaira, Motazila est éloquente en ce sens). Elle s'oppose également aux implications conversationnelles à la Grice dans les jugements légaux الاستلزام. (L'histoire de la jurisprudence et des querelles en Islam entre les Chafìi, Hanafia est symptomatique en ce sens). En général, on est tenté de distinguer l'herméneutique stricto sensu des doctrines de l'interprétation du moyen-âge scolastique en se fondant sur des critères assez simples : les interprètes abandonnent le sens littéral et font un recours massif à l'allégorie : Philo chez les juifs et Origines (185-253/54) chez les chrétiens ; l'interprétation procédait au décodage du texte, sans partir de présuppositions philosophiques à propos du statut de l'auteur, du récepteur et de la finalité du texte ; les interprètes ne s'interrogent pas à propos du genre littéraire et du type de texte qui différencie les textes scientifique, littéraire et religieux. C'est pourquoi l'hermeneutica sacra est censée se distinguer radicalement des doctrines antérieures de l'interprétation.
L'herméneutique sacrée est forgée au 17 et 18. siècle par des théologiens et philosophes comme Christian Wolff (1679- 1754) Sigmund Jacob Baumgarten (1706- 1757). Elle constitue un trait d'union entre la philosophie, les Lumières et la théologie. "La philosophie était obligée, dans le cadre des problématiques de la théorie de la connaissance, d'examiner le statut de la réception et de l'interprétation du savoir issu de la tradition dans la doctrine de la méthode"1
Ainsi, on retrouve une liaison étroite entre l'herméneutique générale en philosophie et la théorie de l'interprétation théologique. Une meilleure compréhension de l'herméneutique philosophique pendant le siècle des Lumières devrait incorporer l'herméneutique théologique. On distingue communément entre herméneutique des lumières et herméneutique romantique. La première que nous présentons ci-après se fonde sur le principe de la rationalité: l'exigence de procédés ordonnés et méthodiques lors de l'interprétation. Il s'agit de la présupposition de la rationalité des auteurs qu'il s'agit d'interpréter. L'herméneutique des lumières considère la production du texte comme acte " intelligent " et rationnel (dans le rapport moyen-but). Elle considère également que l'auteur est capable d'exprimer les idées et les liaisons entre les idées selon les normes de la rationalité déductive. L'intérêt de l'herméneutique théologique ou sacrée provient du fait que la pensée philosophique des Lumières allemandes s'est constituée en partie à partir des débats avec la théologie piétiste. En expliquant le livre Sain, on cherche, comme l'explique Baumgarten, les implications logiques voulues par les rédacteurs, et non pas les implications logiques en elles-mêmes.3
Lorsque les rédacteurs des Livres Sains, ou les apôtres les interprètent, on peut accepter leur interprétation, sans accepter leurs méthodes d'exégèses, comme le recours à l'inspiration ou l'infaillibilité, etc, comme l'indique Christian August Cursius. Gerhauser montre dans son livre Biblische Hermeneutik que les apôtres n'avaient jamais l'intention de dicter des procédures précises pour l'incompréhension de l'Ecriture. Pour garder l'unité du sens, on a adopté une distinction entre sensus litterae (lexical) et le sensus litteralis (du locuteur). La maxime du sens lexical indique que chaque place admet une interprétation lexicale, étant donné que le sens lexical est un sensus possibilis, alors que le sens vrai est celui du locuteur, comme l'indique Meier.4
L'unité du sens chez Baumgarten est représentée par l'intention du locuteur qui veut inculquer au destinataire une série déterminée de pensées. Mais cette maxime herméneutique de l'interprétation est justifiée chez Baumgarten par deux suppositions :
l. Concernant le sens litterae : Le rédacteur de l'Ecriture utilise les mots de la même manière, jusqu'à preuve du contraire.
Le locuteur est raisonnable jusqu'à preuve du contraire Mais la maxime du sensus litterae n'a pas acquis l'unanimité. Car déjà Origines (185-253/54) indiquait le sensus impossibilis, des places vides, ou mêmes des chiffres, comme on trouve une herméneutique des chiffres chez Jaspers. L'Ecriture ne comporte pas en soi d'aspect canonique, et ce en raison des : l. contradictions internes et historiques des transmissions; 2. Elle n'est pas exhaustive dans les questions de la foi ; 3. Critique de l'autonomie du texte : Sufiziez chez Richard Simon (1638-1712) avec ses travaux sur l'Histoire Critique du Vieux Testament ;
4. le principe de Luther scriptura scripturae interpres, à l'opposé de principe de l'Eglise catholique : ecclesia scripturae interpres. Mais l'interpretation litteralis est fondée sur la notion d'interprétation authentique interprétaio authentico, qui indique que toute personne est la meilleure interprète de son langage. Mais l'esthétique du génie s'est dressée contre l'interprétation authentique. Si le sens litteralis est l'intention du prophète, il y a un autre sens, à savoir le sens typologique, qui est le réfèrent à travers le sens litteralis.
6 Le sens littéral serait L'intention des rédacteurs des livres sains, alors que le sens typologique serait l'intention de l Esprit Sain. Résultat : L'Ancien Testament peut être mieux compris à la lumière du Nouveau Testament, donc on pourra avoir une meilleure compréhension de ce que les premiers rédacteurs ont rédigé. Ici intervient un thème capital : la conciliation entre Ancien et le Nouveau Testament. D'après Schleiermacher.