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Le cash back, arme de guerre !

Publié le 24 mai 2008 par Corinne Dangas

Bill Gates l'avait dit en décembre 2005, lors d'une interview sur une télé indienne : "Google keeps all of the money with itself." Et il avait poursuivi : "In its bid to share revenues with users, Microsoft may give free software or even cash to users."


Depuis mercredi, le cash back se voit donc promu au rang d'arme stratégique, dans la lutte qui oppose Microsoft à Google ...

Lancé cette semaine, le programme de cash back de Live Search, en partenariat avec eBay / Paypal, permettra aux consommateurs, chaque fois qu'ils réaliseront un achat à l'issue d'une recherche, de se voir rétrocéder un pourcentage de son montant (en général 2 à 5%). Il leur suffit de se connecter à leur compte Live Search cashback, de saisir leur requête, ou de cliquer sur les (très explicites) icônes ornant le moteur !

Live Search Cashback intègre plus de 10 millions d'offres de plus de 700 vendeurs, dont eBay, Barnes & Noble, Overstock, etc.

Un déplacement stratégique des moteurs de recherche sur l'e-commerce

Cette annonce est la suite logique du rachat en septembre 2007 par Microsoft de la technologie de Jellyfish.com, un comparateur de prix avec cash back.

Elle suit également la très récente, et importante, évolution de Google Product Search (ex. Froogle), qui a introduit un outil de comparaison directe sur certains produits génériques courants, que Google sait désormais parfaitement identifier. Exemple : la requête "mp3 player" agrège les produits identiques par référence, augmentant nettement la pertinence de recherche, et permettant l'intégration d'avis d'internautes, contrairement à l'ancienne méthode, visible sur une requête comme "Doll", qui renvoie un listing quasi-inexploitable, compte tenu de sa longueur et de la dispersion des références.

Microsoft suit donc, ou précède, un mouvement qui ne se focalise plus à 100% sur la recherche, mais entend se positionner sur le secteur e-commerce, où les moteurs avaient traditionnellement une présence stratégique relativement pauvre, face au géant Amazon.

Il veut ainsi s'adapter à la recherche croissante de produits et services, puisque selon eMarketer, 68 % des transactions commencent au niveau des moteurs, ce qui représente 3,7 milliards de requêtes par mois.

Des enjeux d'information sur les habitudes de navigation

Ce nouveau service fait également suite aux rumeurs selons lesquelles Google envisagerait le rachat d'Expedia, notamment dans le but de combler ses lacunes e-commerce, domaine qui serait, selon certains analystes, celui où la connaissance des habitudes de navigation lui fait le plus défaut, comme le laissent deviner certains extraits de la FAQ de Live Search CashBack.

Q. Why are you paying me cashback?
A. We want to earn your loyalty and reward it with cashback savings for your everyday online shopping. We are 'The Search That Pays You Back'!

Fidélité, achats quotidiens : les mots sont parlants et les enjeux colossaux. Au delà de la capacité à récupérer des parts de marché de recherche sur Google, en motivant les internautes par l'aubaine d'y percevoir une rémunération, c'est aussi l'information qui est visée.

Q. Can I get Live Search cashback if I don't have an account?
A. No. You can still use Live Search to find products to buy, but we hope you want the extra cash!

Car contrairement à l'anonymat possible des comparateurs de prix, pour percevoir du cash back, il faut s'inscrire. Donner des informations, voire posséder un compte électronique, et dévoiler ses habitudes de consommation individuelle. Un programme de cash back a également cet atout, qu'il cerne mieux l'acte d'achat, en le précédant, mais aussi en le suivant. Il ouvre donc la porte à des interactions supplémentaires, de portée plus large que la simple promotion ou comparaison (versement de la commission, cross-selling, collecte d'avis, médiation, etc.)

L'atout de ce type de programme est donc d'être en mesure de récupérer des données stratégiques, d'analyse globale sur l'e-commerce, et individuelle sur l'internaute : chez quels marchands il achète, quoi, et quand. Les potentialités de connaissance du marché, mais aussi de personnalisation de l'offre publicitaire, sont donc, elles aussi, majeures.

Et, comme le souligne le PDG d'eBay, l'association de l'expertise marketing et du volume de ventes d'eBay, du leadership de PayPal en matière de paiements en ligne et du programme Cashback de Microsoft, représente une belle opportunité d'augmenter la valeur du marché eBay. L'attrait de Microsoft pour Yahoo prend là aussi tout son sens : celui de la communauté d'utilisateurs et de comptes mails, et du potentiel d'achats qu'ils représentent.

Un modèle menaçant ?

Microsoft a donc ainsi opté pour un modèle au CPA (coût par action) par préférence à celui, plus largement traditionnel en matière d'annonces, de CPC (coût par clic). Plus rassurant pour les commerçants, il leur permet de rester maîtres de leur investissement marketing et du ROI qu'il induit, puisqu'ils paient, non pas pour être vus (CPM) ou cliqués (CPC), mais pour un achat effectivement réalisé et finalisé.

Cependant, si l'on pouvait déjà difficilement se passer des comparateurs de prix, en étant e-commerçant, un tel système est aussi tenir désormais pour quasiment acquis, que pour être présent sur Internet, la rémunération de l'intermédiaire pourrait à terme devenir incontournable.

Pour les comparateurs de prix, eux-mêmes fortement dépendants de la qualité de leur présence sur les moteurs, ce positionnement de plus en plus précis des acteurs leaders de la recherche sur l'acte d'achat, représente également une menace, qui vise à presque intégrer en une seule, ce qui représentait auparavant deux étapes pour l'internaute : le moteur de recherche, puis le comparateur.

Se verront-ils progressivement imposer de maintenir leur positionnement à grand renfort de liens sponsorisés qui, eux, rapporteront de d'argent à chaque clic, contrairement à l'énorme potentiel de référencement naturel que représentent leurs millions de pages produits ?

Une chose est sûre : quels que soient les plans de Microsoft, et quelle que soit la réaction de Google, les marchés de la recherche, de l'e-commerce, et des programmes de fidélisation, ne peuvent y être indifférents !

Reste à savoir si l'attractivité du cashback sera suffisante pour détourner les utilisateurs de Google. Certains moteurs ont déjà essayé d'intégrer du cash back, avec des résultats mitigés. Quant au Google Product Search, son succès est pour l'instant plus que discutable, prouvant aux moteurs qu'il leur reste du travail en ce domaine. Mais la réputation de Microsoft, en focalisant l'attention des consommateurs, pourrait bien réviser la donne. Et, si elle ne suffit pas à Live Search pour contrer Google, elle pourrait en revanche largement contribuer, y compris en Europe, à dorer le blason du cash back (ou des programmes à points) auprès des internautes, des e-commerçants ... et des géants de la recherche !


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