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Cinémabrut, le festival de cinéma le plus déjanté de France

Par La Nuit Du Blogueur @NuitduBlogueur

Quand je suis tombé sur Cinémabrut 

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Quand j’étais en fin de collège et dans mes premières heures de lycée, je passais mon temps devant les vidéos youtube de 10 minutes à perdre, à rigoler bêtement mais sûrement. L’une d’elles évoquait Cinémabrut, et expliquait ce qu’était le festival. A l’époque, j’avais pris ça pour une vaste blague, un festival de films bizarres. Et puis, quelques années plus tard, et avec une curiosité cinématographique grandissante, je me trouvais dans le Sud, à Nice exactement, chez un ami d’enfance.

Grâce aux fameux réseaux sociaux, j’avais appris que le festival se déroulait au moment même de mon séjour, et à quelques kilomètres de là. Un peu à l’arrache, et tentes sous la main, nous sommes partis à sa découverte pour tenter de répondre à cette question de jeunesse : Cinémabrut, c’est quoi ?

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Toute personne aimant le cinéma se devrait, en devoir civique, d’aller faire un tour au festival Cinémabrut, ne serait-ce qu’une fois dans sa vie pour se faire un avis, positif ou négatif. Car derrière la grande lignée de films distribués aujourd’hui se cachent des chefs-d’oeuvres 100% indépendants que vous ne verrez que là-bas. Le concept du festival ? Des films complètement libres dans leur élaboration, loin des systèmes classiques de production et de leurs influences. En un mot, l’in-dé-pen-dance.

L’une de ses principales qualités : sa programmation brute et hétéroclite. Jamais, en festival, vous ne passerez d’un documentaire politique issu d’un journaliste du Monde Diplomatique sur les inégalités économiques et sociales de la ville de Glasgow à une revisite zoophile d’Alice au pays des Merveilles.

Pour cette 9ème édition, nous étions deux rédacteurs de la Nuit du Blogueur à nous rendre à Mouans-Sartoux, petite ville du sud à quelques kilomètre de Cannes, où a lieu le festival, la journée dans un cinéma et le soir devant un château sur lequel les films sont projetés.

On en est revenus plus optimistes que jamais.

P.S : Vous trouverez à la fin de l’article quelques films présents à Cinémabrut et disponibles sur Internet.

Bienvenue à Cinemabrut, l’un des festivals les plus prometteurs de cette décennie.

Jour 1 – L’arrivée.

Notre arrivée est marquée par une légère pluie et la défaite de la France face à l’Allemagne. C’est brutal. La nuit commence à tomber et arrive alors la projection en plein air de trois courts métrages et d’un long. L’un des premiers, Turbo Vomi de Yannick Lecoeur, présente l’histoire absurde, à moitié en animation-collage et sous le dicton d’un dogme ironisant Lars Von Trier, d’un homme qui, après avoir trahi son collègue, se transforme en renard et découvre les difficultés de ce nouveau mode de vie. Sous le coup de la fatigue du voyage, les autres films sont difficiles à aborder et sonnent un peu lents, mais on a déjà un aperçu du festival : des films qui vont au bout de leurs idées.

Jour 2 – Comprendre le cinéma brut. 

10h. Réveil dans les tentes et grande chaleur. Les propriétaires du camping dans lequel nous dormons nous reprochent le bruit que nous avons fait la veille (oui, on a joué aux cartes..). Ils nous reprochent de ne pas avoir de maillot adéquat pour la piscine, et globalement, d’être jeunes. La tension monte, les regards aigris se tournent vers nous. Nous partons (au plus vite) pour le festival.

Toutes les projections sont regroupées sous un thème précis et marginal. Nous commençons la journée avec « l’affrontement ». Au programme, femmes contre hommes sous le sacre de Stravinsky, jeunes contre vieux, riches contre pauvres via les inégalités économiques de Glasgow, indigènes contre blancs (The Man Who Killed God, de Noé Vitoux qui gagnera le grand prix).

S’ensuit la projection des « habitués », Guillaume Levil et son absurde raffiné, le duo David Manzato & Bertrand Lagnes avec leur burlesque de situation, et enfin l’Association des Partenaires qui nous livre Jeremy, un film d’animation de 45 minutes qui revendique la forme la plus improbable du festival, étant au cinéma ce qu’est le groupe Salut c’est cool à la musique. Vous ne verrez ça que là-bas.

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On finit la journée par un long métrage de science fiction, La Chambre blanche de Bertrand Lenclos, à l’ambiance hallucinante et spatio-temporelle dans la lignée de La Jetée de Chris Marker. Et enfin, une fameuse séance « spéciale sexe ». Un étudiant sortant de l’école de la cité, Nathan Got, signe un excellent film : Fluffer, un faux making-of réaliste et comique sur un tournage porno qui présente la vie d’un fluffer, dont l’activité consiste à masturber les acteurs entre les prises. On y a aussi vu l’une des grosses surprises de la programmation, l’incroyable Supervenus de Frédéric Doazan (le film a été primé sur de nombreux festivals, diffusé sur Arte, et a beaucoup tourné sur les réseaux sociaux ; il se peut que vous l’ayez vu !). On termine sur Wonderland, le film débat du festival, celui qui a fait réagir beaucoup les spectateurs (parmi lesquels, surtout, la rédactrice en chef de La Nuit du Blogueur qui partage le prénom de l’héroïne du film) par sa séquence d’accouplement entre un lapin et Alice au pays des merveilles.

Cette journée pointe l’aspect principal du festival et le seul point commun qui unit les films de Cinémabrut : la liberté de mise en scène préférée au budget important. Et ce qui étonne, c’est qu’on y trouve beaucoup de films de qualités, voire parfois des merveilles qui mériteraient une grande distribution.

Le soir, l’ambiance change. Chacun se retrouve dans un espace buvette-guinguette ou devant la scène sur laquelle des groupes viennent se produire. Chacun échange ses surprises ou déceptions de la journée. Les réalisateurs, festivaliers, organisateurs et membres du jury discutent, débattent et les rencontres se multiplient. Contrairement à beaucoup de festivals de cinéma, ici, tout le monde semble sur un même pied d’égalité et dans une même ambiance conviviale où l’on trinque à notre santé. Puis vient la dernière séance de projection, sur le château et sous la chaude nuit d’été qui nous rappelle que nous sommes en vacances, avec quatre films légers et drôles : entre autres l’excellent film-sketch de Ronan Letourneur Je ne suis pas en vacances ; une comédie maîtrisée sur la banlieue (ce qui est de plus en plus rare) avec Narvalo ; un film assez décalé sur la vie et son voisinage avec In God we Trust et enfin une excellente comédie musicale explicitement kitsch et hilarante avec Amour et Commando. En bref, la journée ainsi que la soirée ont été remplies de qualité avec des films décalés et atypiques.

Les deux rédacteurs de La Nuit du Blogueur sont contents

Les deux rédacteurs de La Nuit du Blogueur sont contents

Jour 3 – Finir à Cinemabrut.

11h. Réveil difficile dans l’oppression de la tente et sous une lourde chaleur. Un voisin qui séjourne avec son camping-car nous fixe d’un air assassin. Café devant la piscine, les propriétaires du site nous convoquent : a priori, le type qui nous fixait aurait failli attacher nos tentes à sa voiture pour nous tirer sur l’allée, et de ce fait, nous faire très mal. Oui, le type en question n’a pas supporté notre partie de coinche nocturne en rentrant la veille. On appelle ça la « coinchophobie », maladie très courante à Mouans-Sartoux d’après Vincent Pompignoli, l’un des orgas du festival. Tous les gens nous dévisagent sérieusement, et nous invitent implicitement à partir, ce que nous faisons avec un vrai plaisir pour passer notre dernier jour à Cinémabrut. Là-bas tu peux manger des pizzas, boire des bières et regarder de très bon films, c’est mieux.

La projection « Over weird » commence. On y voit Le Rogue, un film étrange mais surprenant par un univers absurde et atypique. On se laisse prendre par A place for Plates, un très beau court métrage abstrait et lyrique, et nous découvrons Mauvais Coton, sans doute le film où le rapport budget-qualité atteint son paroxysme : derrière le portrait de deux idiots endoctrinés par une secte se cache un film punk et puissant. Arrive la projection « emploi du temps ». Dans la boîte, un très bon documentaire sur deux journalistes qui intègrent une société de prospectus publicitaires, nous fait découvrir avec humour l’exploitation des salariés dans cette industrie. Le Jour avant les autres de Maxence Tasserit, nous entraîne loin par son expérimentation narrative et filmique la plus totale.
Enfin, la journée se termine sur le meilleur film du festival, un long métrage intitulé Les Indésirables de Philippe Barassat, qui raconte l’histoire d’un couple de bobos parisiens fraîchement installé dans la ville et dont l’avenir semble paisible, aussi bien professionnellement que dans l’amour qui les unit. Mais voilà, Aldo, malgré ses diplômes d’infirmier, ne trouve aucun travail, et finit, après avoir rencontré un couple d’aveugles, à devenir prostitué pour handicapés. On est dans de la post-nouvelle vague, en noir et blanc, et si l’histoire de romance prend un peu de place sur le début du film, l’histoire finit par prendre un tel tournant, à la fois drôle, poétique et triste, qu’il est dur de ne pas penser à Vol au-dessus d’un nid de coucou ou à Freaks. Voilà typiquement l’un des chefs-d’oeuvre que l’on peut trouver ici.

Indésirables

Indésirables

Notre dernière soirée commence, et annonce la remise des prix, les « brutaux ». Nous retrouvons tous les festivaliers et organisateurs. On célèbre une dernière fois notre rencontre et les visionnages de tous ces films-ovnis, faits avec 3 fois 6 sous, en dehors des sentiers battus, et pourtant intelligents.

On se reverra, pour la plupart à Paris, et tant mieux. On y fait de très belles rencontres.

Le temps passe. Je prends l’avion, et me voilà finalement de retour dans la capitale. Une fois chez moi, je décide de faire le ménage dans ma chambre. Sur l’une des étagères, je tombe sur mon vieux camescope tout poussiéreux, à côté d’un enregistreur sonore. Je les prends et me dis qu’il n’est jamais impossible de faire un film tant qu’il y a de l’idée et du courage. 1% d’inspiration et 99% de transpiration comme disait Thomas Edison.

Voilà pourquoi j’aime ce festival, et j’encouragerai toujours les gens à découvrir Cinémabrut.

Thomas Olland
Festival Cinémabrut, 4-5-6 juillet 2014, à Mouans-Sartoux.

http://www.cinemabrut.com

Quelques films bruts de 2014 à découvrir :
Glasgow contre Glasgow de Julien Brygo – 22min30 – http://vimeo.com/94640433
The Man who Killed God
de Noé Vitoux (Brutal d’or) – 15min – http://vimeo.com/81432164
Je ne suis pas en vacances
de Ronan Letourneur – 2min40 – http://vimeo.com/76150160
Hasta la victoria Siempre (Fluffer)
de Nathan Got – 7min36 – http://vimeo.com/80072707
A Place for Plates
de Charles Thomas – 2min51 – http://www.youtube.com/watch?v=DQmztyV7xUE
Dans la boîte
de Juliette Guibaud – 18min30 – http://www.youtube.com/watch?v=olvrGn5Rnu0

PALMARES 2014
Brutal d’Or Long-Métrage : INDÉSIRABLES de Philippe Barassat

Brutal d’Or Court-Métrage : THE MAN WHO KILLED GOD de Noé Vitoux
Brutal d’Argent : NARVALO de Christophe Switzer
Brutal de Bronze : AMOUR ET COMMANDO de Laurent Ardoint
Brutal Spécial du Jury : TURBO VOMI de Yannick Lecoeur
Brutal du Public : SUPERVENUS de Frédéric Doazan


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