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BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 5/7 : Ostalgie

Publié le 08 novembre 2014 par Pierre Thivolet @pierrethivolet
BERLIN : Le soir où le mur n’est pas tombé 5/7 : Ostalgie
Par Pierre Thivolet, ancien correspondant de TF1 en Allemagne
De ce pays-là, il n’y avait sans doute rien à garder, et d’ailleurs rien n’a été gardé. 25 ans plus tard quand on retourne dans toutes ces provinces de l’ancienne Allemagne de l’Est, on est estomaqué. Le gouvernement de la nouvelle Allemagne n’a pas lésiné, et l’effort financier demandé aux allemands de l’ouest a été kolossal ! Tout a été refait au top niveau: Partout des éoliennes, du solaire, des routes reconstruites avec tout au long, des centaines de kilomètres de pistes cyclables, le câble, le très haut débit, des centres de recherche, des complexes commerciaux, des usines flambant neuves. Partout les aménagements urbains ont été modernisés, les façades repeintes, les monuments restaurés ou reconstruits. En fait les plus belles régions de l’Allemagne sont là-bas et on les redécouvre. Car dans son malheur, l’Allemagne de l’Est a eu la chance d’échapper à la reconstruction sans goût des années 1960 en Allemagne de l’Ouest. La Saxe a elle seule vaut le voyage, avec Dresde, l’ancienne capitale, totalement détruite par les bombardements de 1945, mais qui a retrouvé à coups de milliards son skyline de « Florence «  de l’Elbe. Leipzig, depuis le Moyen-Age, une des principales villes de Foire d’Europe, qui a remis en lumière les beautés de ses vieilles rues, de ses galerie marchandes, autour de l’église St Thomas où composait un certain… Jean-Sébastien Bach ! Ou de St Nicolas, à partir de laquelle s’organisaient les fameuses « Montagsdemo », les manifs du Lundi qui à partir du mois de Septembre 1989, se sont mises à ébranler le régime communiste. Avec la complicité de l’attachée de presse de l’Ambassade de France à Berlin-Est, qui faisait passer nos caméras dans sa voiture diplomatique, nous foncions tous les Lundi soirs vers Leipzig, pour revenir avant minuit à Berlin afin de repasser à l’Ouest sans être remarqués. Il en fallait du courage pour tous ces manifestants qui ne pouvaient imaginer que la liberté viendrait si vite.Tant de merveilles ont retrouvé leur lustre dans l’ancienne RDA: La Thuringe, avec Erfurt, Fulda, Eisenach, la forteresse de la Wartburg, où Martin Luther traduisit la Bible en allemand, et bien sûr Weimar. Weimar qui a de nouveau son charme de capitale du romantisme allemand et où l’on a plaisir à mettre ses pas dans ceux de Cranach, Goethe, Schiller, Liszt, Wagner ou Nietzche. Jusque dans les belles forêts de hêtres qui entourent la ville, mais là, c’est un autre souvenir qu’on ne peut pas ne pas voir : Buchenwald, où les arbres ont laissé la place à l’un des plus grands camps de concentration. Une plaie que l’on voit dés que l’on lève les yeux n’importe où au centre ville: Une sinistre réponse à tous ceux qui prétendent : "On ne savait pas..."Et puis il y a encore l’arrière-pays de Berlin, le Brandebourg, avec Postdam, le Versailles prussien, et le célèbre « Sans-Souci » où Frédéric II recevait Voltaire. Et puis encore entre Berlin et la mer Baltique, ces paysages merveilleux, qui font penser au « Roi des Aulnes », le roman de Michel Tournier, avec ces petits villages serrés autour de leurs églises en brique, au bord de lacs innombrables, et puis encore ces dizaines de villes, capitales d’anciens duchés ou ports de la ligue hanséatique, Schwerin, et son château, une sorte de Chambord mais sur une île, Wismar, Stralsund, Güstrow, Greifswald. Et puis la mer Baltique qui prend parfois des couleurs vert ou bleu mers du sud…avec des îles, comme Rügen, et ses falaises de craie blanche, immortalisées par les peintures de Caspar David Friedrich, le grand peintre romantique allemand. Près de Rostock, Heiligendamm, la plus ancienne station balnéaire d’Europe, construite à la fin du XVIII ème siècle et réservée aux princes d’Allemagne et d’Europe. Des palais tout blancs, de style néo-classique face à la mer. Nous y étions allés début 1989. L’ensemble avait été transformé en village de vacances pour syndicats et membres du parti. Tout tombait en ruine. J’y suis retourné en 2007, pour le sommet du G8, qui y était organisé (*) : « die weiße Stadt am meer », la « ville blanche, le long de la mer » avait retrouvé sa blancheur passée. L’ensemble est devenu un des fleurons d’un des plus grands groupes hôteliers allemands ; ouest-allemand, soulignent les gens du coin.  Bien souvent même si personne ne regrette vraiment l’ancienne RDA, quand on discute avec le vendeur de saucisses du petit « Imbiss » installé sur la plage, avec le réceptionniste de l’hôtel qui avait appris le russe – obligatoire- et non l’anglais, avec la marchande de souvenirs sur le port de Rostock, avec ces frères et sœurs qui se sont lancés dans un petit élevage de truites et de carpes dans un des innombrables étangs de la région, avec ce groupes de jeunes bikers faisant une pause dans le petit port de Rerik, on entend partout la même petite musique, un peu amère, un peu nostalgique: L’argent est venu de l’Ouest, avec les allemands de l’Ouest. Bataille du pot de terre est-allemand contre le pot de fer ouest-allemand. Certains ont même dû quitter leurs maisons ou leurs fermes, les anciens propriétaires faisant valoir leurs droits sur des biens perdus depuis 70 ans. Les emplois sont, toujours, encore plus nombreux à l’Ouest et 2 millions d’Est-allemands ont dû « émigrer ». En 40 ans, s’était développée une sorte de « culture est-allemande », faite de simplicité, du plaisir d’une journée en famille ou entre amis à faire des grillades dans un petit chalet au bord d’un lac où l’on se baignait à poil. « Datcha » et « Trabant » la voiture  pour y aller : Le rêve de tout berlinois de l’Est. Et puis tout le monde travaillait, toutes les femmes travaillaient. Les parents profitaient du réseau de crèches, qui même si elles étaient mal équipées, avaient le mérite d’exister. Jusqu’en 1989, le taux de natalité en Allemagne de l’Est était bien supérieur à celui de l’Ouest. En 1991, à Berlin, lorsque nous avons cherché des baby-sitters puisque à l’Ouest, il n’y avait pas ou peu de crèches ou de jardins d’enfants, les candidates berlinoises de l’Ouest nous faisaient des réflexions du genre : « Mais pourquoi avez-vous des enfants, si c’est pour les faire garder ? ». Et c’est donc Rosie une ancienne fonctionnaire des syndicats est-allemands, qui est venue garder nos enfants. A 55 ans, elle avait bien compris qu’un monde s’était écroulé et qu’il fallait maintenant qu’elle se débrouille toute seule. Et les enfants en Allemagne de l’Est, on avait l’habitude! Comme elle, c’est toute une génération qui s’est brusquement retrouvée sans repère.Aujourd’hui encore, on sent, non pas la division de l’Allemagne, mais des différences entre les « Ossis » et les « Wessis ». On n’efface pas en 25 ans, 40 ans de communisme. Et puis l’Allemagne est un pays de régions à l’identité très forte: L’ancienne RDA, c’était la Prusse, la Saxe, la Thuringe, le Mecklembourg. Un bavarois est sans doute culturellement plus proche d’un autrichien que d’un berlinois ou d’un saxon…Evidemment, ce n’est pas en allant passer 3 jours de reportage en Allemagne, sans parler allemand, sans connaître l’Histoire que l’on peut sentir ces nuances. Cette ignorance de l’Allemagne explique d’ailleurs peut-être les difficultés qu’ont eues les responsables français à comprendre ce qui allait se passer après le 9 novembre 89. Comme François Mitterrand qui, un moment, avait cru possible le maintien de deux Allemagnes. Cette ignorance explique peut-être aussi les ratages de certains médias français, dont TF1. Il y en avait qui croyaient que Berlin était située à la frontière entre les deux Allemagnes !Décidément cette journée du 9 novembre a été celle des couacs de communication, car personne n’avait décidé ce jour-là de faire tomber le mur…Demain : 6/7  Couacs de com’(*) : Heiligendamm, symphonie baltique, Le Figaro Magazine http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2007/06/02/01006-20070602ARTMAG90103-heiligendamm_symphonie_baltique.php

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