Il suffit de presque rien pour être gentil !
Oser être gentil, un nouveau courage
C’est un pari. Sur nous-même, sur autrui, sur l’avenir. Dans un monde brutal où la tendresse n’est pas toujours de mise, s’ouvrir à l’autre et accepter le risque qu’il profite de nous, c’est faire preuve de bravoure.
Être gentil, c’est être bête : méchanceté et réussite sont étroitement associées, dans ce monde de compétition qui nous incite à triompher par tous les moyens, y compris les plus déloyaux. La séduction qu’exercent sur nous les chroniqueurs les plus caustiques, les héros cyniques et désabusés, et même ceux d’entre nous qui n’hésitent pas à écraser leur prochain pour arriver à leurs fi ns le rappelle quotidiennement. Sans oublier les faux gentils, qui tentent de manipuler les autres sous des dehors tout miel… Selon une idée reçue fort répandue, l’intelligence ne saurait se passer d’une dose de méchanceté. Ne soyons pas dupes : pour la psychanalyse, « méchanceté » renvoie surtout à « sentiment de frustration » et angoisse d’être perçu comme vulnérable. Dans cette optique, les méchants sont des insatisfaits, qui tentent d’échapper à leur mal-être en se vengeant sur leurs semblables. Rien de très glorieux ni d’admirable ! D’ailleurs, il n’y a pas si longtemps, « bête » était plutôt associé à « méchant ». Et, dans cet univers de brutes,la gentillesse est plutôt l’intelligence de celui qui peut se permettre de voir son image mise en cause sans s’effondrer. Et qui préfère s’ouvrir à autrui que vivre centré sur ses propres intérêts. Un nouveau courage, un nouvel héroïsme du quotidien, à contre-courant du cynisme ambiant.
Un pari !
En étant gentil, je prends en effet le risque de me « faire avoir » : oser la gentillesse est un pari ! L’autre peut abuser, profiter de moi. Aucune garantie… Surtout s’il baigne dans un environnement dominé par les rapports de force, qui a ancré en lui la conviction qu’un gentil est forcément un faible – « Sinon, il ne serait pas aussi gentil, il m’écraserait avant que je l’écrase », pense-t-il. Souvenons-nous alors qu’être gentil n’exclut ni la fermeté, ni le respect de soi-même. La gentillesse ne doit pas nous conduire au sacrifice ! Cessons surtout de croire que l’autre est l’ennemi, qu’il cherche en permanence à nous nuire. L’immense majorité de nos échanges, chacun peut le constater, n’est pas sous-tendue par la cruauté ou le sadisme, mais plutôt par une sorte de neutralité qui nous préserve. Le mépris, la méfi ance et l’agressivité sont des comportements coûteux qui épuisent le psychisme. Et qu’y gagnons-nous ? Un sentiment d’isolement, de l’angoisse, du stress… Sans compter la culpabilité qui nous étreint quand nous prenons conscience du mal causé à autrui. Nous sommes des animaux sociaux. Notre bien-être dépend de la qualité des relations que nous sommes capables d’établir. Et c’est vrai aussi de notre avenir en tant qu’espèce. Mieux vivre ensemble, c’est une question de survie.
Un mouvement mondial
Vous trouverez les pays membres et la déclaration de la gentillesse sur le site www.worldkindness.org.sg, celui de Singapour, le plus complet de tous ceux qui sont associés au mouvement mondial (en anglais).
L’idée est née au Japon, dans les années 1960, après de violentes altercations entre policiers et étudiants à l’université de Tokyo. Le président de la fac, dans un esprit très peace and love, a alors suggéré que chacun fasse preuve de petites attentions au quotidien pour que, progressivement, la gentillesse inonde le campus, puis la ville et le pays. Ainsi est né le Small Kindness Movement du Japon (« Mouvement de la petite gentillesse ») ; puis, en 1997, le World Kindness Movement, « Mouvement mondial de la gentillesse », qui compte plus de trois millions de membres dans une quinzaine de pays, dont l’Australie, le Canada, l’Angleterre, l’Italie, Singapour, la Corée du Sud… Rendre le monde plus gentil, la tâche semblait rude. C’est pourquoi il a été décidé de commencer d’abord par une journée – comme on arrête de fumer. Une journée pour arrêter de fulminer. Et dire bonjour à la dame, sourire à son voisin, offrir des croissants à son prochain. Cette initiative n’a pas encore été tentée en France. À nous de la faire exister.
Source : Isabelle Taubes de Psychologies.com