Magazine

Raymond Chandler, explorateur de la société

Publié le 13 novembre 2014 par Les Lettres Françaises

Raymond Chandler, explorateur de la société

***

Raymond Chandler, par Fredric Jameson

Raymond Chandler, par Fredric Jameson

« Los Angeles est une sorte de microcosme et de préfiguration de la situation du pays tout entier : une nouvelle ville dépourvue de centre, dans laquelle les différentes classes ont perdu tout contact les unes avec les autres parce que chacune vit isolée dans son compartiment géographique. Si le symbole de la cohérence et de la compréhensibilité sociales nous est offert par l’immeuble parisien du XIXè siècle (…) Los Angeles est l’exact contraire, un étalement horizontal, une dislocation des éléments de la structure sociale. » Puisqu’aucune expérience privilégiée ne permet plus de saisir la structure sociale dans son ensemble, il faut inventer une figure dont la routine et les habitudes permettront d’agencer tant bien que mal toutes ces parties séparées et isolées. » Cette figure, ce sera celle de Philip Marlowe, le détective privé de Raymond Chandler un « explorateur involontaire de la société », qui visite « soit des lieux que l’on ne voit pas, soit des endroits que l’on ne peut pas voir : les anonymes ou les riches déterminés à garder leurs secrets. » Cette conception spatiale de la réalité sociale est un des meilleurs apports du bref essai de Fredric Jameson consacré à l’œuvre de Raymond Chandler, maître du polar des années 1940.
Ses comparaisons entre littératures européenne et américaine, ses remarques sur l’utilisation dans le roman de la voix off, procédé radiophonique, ou sur le jeu des regards (en anglais, par métonymie, un œil – an eye – désigne un détective, celui qui observe) sont précieuses. Par contre, bien que sa tentative de faire du polar « chandlérien » un genre métaphysique ne soit pas dénuée de fondement, elle s’abîme trop vite dans cette sorte de jargon sémiotico-déconstructiviste cher à certains universitaires américains.

Sébastien Banse

Fredric Jameson, Raymond Chandler, les détections de la totalité.
Les Prairies ordinaires, 115 pages, 10 €


Retour à La Une de Logo Paperblog