Finesse des émotions... justesse de dénonciationMarieme a 16 ans, elle vit dans une cité de la banlieue parisienne. En échec scolaire, elle refuse de suivre la voie qui lui est fixée passant par un CAP. Elle rejoint une bande de filles frondeuses et affirmées, quitte l’école et décide progressivement de s’affranchir de la société machiste dans laquelle elle évolue. Refus de la vie de sa mère, des filles soumises de la cité ; elle va explorer différentes pistes pour s’inventer une vie plus libre.Céline Sciamma, sur ce troisième film, continue d’explorer la quête d’identité adolescente à travers une fille noire de quartier. Pas de blabla avec Sciamma, juste une succession d’instants bien sentis afin d’immerger le spectateur dans un quotidien. Elle découpe son film en trois parties très distinctes et bien identifiables grâce à un long plan noir. Son émancipation, elle va la chercher au travers de sa famille, de la bande de fille puis seule dans la rue aux prises avec les gangs. Elle se heurte à chaque fois à sa condition de fille condamnée par la communauté et la morale à être soit bobonne, soit une salope… Pas d’échappatoire. La seconde scène du film montre très bien la pression de la cité sur les filles. Dans cette scène intelligemment réalisée, on voie un groupe de fille revenant d’une séance de sport en groupe. La bande est joyeuse et nombreuse ; plus on avance au cœur de la cité plus la bande s’amenuise, chacune se rendant dans son immeuble ; les filles moins nombreuses se font de plus en plus silencieuses et vulnérables. Cette seule scène permet de bien ressentir la guerre des sexes, le poids de la communauté et la guerilla territoriale. C’est là tout le talent de Sciamma, rendre un contexte complexe très lisible sans pourtant le rendre simpliste. Un cinéma intelligent filmé au plus près des comédiens. Des ados, ailleurs, se retrouveraient chez l’une d’entre elle pour faire la fête ; là, elles doivent louer une chambre d’hôtel pour se défouler sans complexe. Eloquent.Et puis le film est porté par un quatuor de filles époustouflantes. Dans la bande annonce très ressemblante au cinéma de Sciamma (rien n’est dit ni dévoilé sur l’intrigue), elles font passer par les regards et les attitudes des émotions énormes. Un seul regret, le cinéma souvent très distancé de Sciamma ne rend pas ce que la bande annonce promettait.Un beau film sur la banlieue sans pathos… clos par un jolie plan final plein d’espoir mais pas happy end… La distance chère à Sciamma est aussi ici
Sorti en 2014
