G20 de Brisbane / Conférence 2015 de Paris sur le climat : quel outil juridique pour la lutte contre le changement climatique ?

Publié le 16 novembre 2014 par Arnaudgossement

Le G20 - sommet des 20 plus grandes puissances économiques - organisé à Brisbane en Australie, s'est achevé ce 16 novembre 2014 sur une déclaration qui confirme que  le choix de l'instrument juridique pour organiser la lutte contre le changement climatique, n'a toujours pas été opéré.


La convention sur les changements climatiques de 1992. Il convient tout d'abord de rappeler que la France accueillera à Paris, en décembre 2015, la 12ème Conférence des Parties à la Convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques signée à New-York le 9 mai 1992 (COP21).

L'objectif de cette convention est ainsi défini à son article 2 :

"L'objectif ultime de la présente Convention et de tous instruments juridiques connexes que la Conférence des Parties pourrait adopter est de stabiliser, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique.
Il conviendra d'atteindre ce niveau dans un délai suffisant pour que les écosystèmes puissent s'adapter naturellement aux changements climatiques, que la production alimentaire ne soit pas menacée et que le développement économique puisse se poursuivre d'une manière durable."

Cette convention est entrée en vigueur en 1994. 194 Etats et l'Union européenne sont au nombre des "Parties à la Convention" et se réunissent lors des "Conférences des Parties". Le 11 décembre 1997, un protocole a été adossé à cette Convention : le protocole de Kyoto. Il n'entrera en vigueur que le 16 février 2005. En 2012, à Doha, un amendement au Protocole de Kyoto a été adopté.

La convention de 1992 créé plusieurs organes destinés à assurer sa mise en oeuvre dont la "Conférence des Parties". L'article 17 de la convention la définit en ces termes  :"1. Il est créée une Conférence des Parties. 2. En tant qu'organe suprême de la présente Convention, la Conférence des Parties fait régulièrement le point de l'application de la Convention et de tous autres instruments juridiques connexes quíelle pourrait adopter et prend, dans les limites de son mandat, les dÈcisions nécessaires pour favoriser l'application effective de la Convention (...)".

Il faut donc distinguer la "COP" qui se réunira pour la 21ème fois à Paris en décembre 2015 et qui comprend toutes les Parties à la Convention de 1992,  de la "CMP" qui comprend toutes les Parties au seul Protocole de Kyoto ("Conference of the Parties serving as the Meeting of the Parties to the Kyoto Protocol").

Le G20 de Brisbane (Australie) des 15/16 novembre 2014 

Le G20 n'est bien sûr pas un organe de la Convention cadre sur le climat de 1992. Les déclarations du G20 n'engagent pas le processus UNFCC. Toutefois, à la veille de la COP20 de Lima et de la COP21 de Paris, les termes de la déclaration finale du G20 de Brisbane étaient attendus pour mesurer l'engagement de ces 20 grandes puissances économiques pour que les négociations internationales sur le climat aboutissent enfin.

La déclaration finale du G20 de Brisbane précise :

"19. We support strong and effective action to address climate change. Consistent with the United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) and its agreed outcomes, our actions will support sustainable development, economic growth, and certainty for business and investment. We will work together to adopt successfully a protocol, another legal instrument or an agreed outcome with legal force under the UNFCCC that is applicable to all parties at the 21st Conference of the Parties (COP21) in Paris in 2015.We encourage parties that are ready to communicate their intended nationally determined contributions well in advance of COP21 (by the first quarter of 2015 for those parties ready to do so). We reaffirm our support for mobilising finance for adaptation and mitigation, such as the Green Climate Fund."

Les membres du G20 s'accordent donc pour que soit adopté à Paris en décembre 2015 : soit un protocole (option la moins certaine), soit un "instrument juridique" telle une convention mais dont on conçoit mal l'articulation avec la convention de 1992, soit un "accord négocié contraignant". C'est sans doute cette dernière hypothèse qui a, pour l'heure, le plus chances de se réaliser.

Verre à moitié plein, les membres du G20 ont réussi à maintenir ce paragraphe - même relégué en bout de texte - dans leur déclaration finale malgré l'hostilité de l'Australie, pays hôte de ce sommet. Verre à moitié vide : ce paragraphe démontre que ces puissances ne sont toujours pas tombées d'accord sur le contenant et ce alors que les négociations sur le contenu continuent de s'éterniser de COP en COP.

La déclaration du G20 de Brisbane n'est pas très éloignée de celle du précédent G20 organisé à Saint Petesbourg en 2013 :

"101. We are committed to support the full implementation of the agreed outcomes under the United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC) and its ongoing negotiations. We strongly welcome the efforts of the Secretary-General of the United Nations to mobilize political will through 2014 towards the successful adoption of a protocol, another legal instrument, or an agreed outcome with legal force under the convention applicable to all Parties by 2015, during COP-21 that France stands ready to host. We also support complementary initiatives, through multilateral approaches that include using the expertise and the institutions of the Montreal Protocol to phase down the production and consumption of hydrofluorocarbons (HFCs), based on the examination of economically viable and technically feasible alternatives. We will continue to include HFCs within the scope of UNFCCC and its Kyoto Protocol for accounting and reporting of emissions."

Toutefois, en relisant la déclaration du G20 de Pittsburgh qui a précédé la COP 15 de Copenhague, il semble que du chemin ait été parcouru jusqu'à Brisbane :

"32. As leaders of the world’s major economies, we are working for a resilient, sustainable, and green recovery. We underscore anew our resolve to take strong action to address the threat of dangerous climate change.
We reaffirm the objective, provisions, and principles of the United Nations Framework Convention on Climate Change (UNFCCC), including common but differentiated responsibilities. We note the principles endorsed by Leaders at the Major Economies Forum in L’Aquila, Italy.
We will intensify our efforts , in cooperation with other parties, to reach agreement in Copenhagen through the UNFCCC negotiation. An agreement must include mitigation, adaptation, technology, and financing."

Le G20 de Pittsburgh n'avait fixé comme objectif que la recherche d'un accord au sens plus diplomatique que juridique du terme. Les termes "juridiquement contraignant" n'étaient pas mentionnés. Les G20 suivants, malgré l'échec du sommet de Copenhague et les alertes du GIEC seront assez imprécis sur la question du changement climatique.

Ce n'est donc que depuis le G20 de Saint-Pétersbourg que les grandes puissances ont précisé leur objectif : un texte qui engage. En ce sens, le G20 constitue une bonne nouvelle même si l'on peut regrette l'extraordinaire lenteur de cette prise de conscience au regard de la gravité du problème à régler.

Reste à savoir en quoi, qui et comment ce texte doit engager. Que recouvre exactement l'expression "accord juridiquement contraignant" ? Il est très peu probable qu'un protocole ou qu'une nouvelle convention soit signée à Paris en décembre 2015 pour être ouverte à ratification. Les plus grands pollueurs - dont les Etats-Unis, la Chine ou l'Australie - restent opposés, pour des motifs divers à une telle issue. Au demeurant, comme le récent accord entre les Etats-Unis et la Chine le démontre, le multilatérialisme semble progresser.

Pourtant, le document préparatoire de la table ronde de la conférence environnementale de novembre 2014 précise que l'objectif de la France pour cette COP21 est toujours le suivant :

"Cette conférence devrait se conclure par la signature d’un accord universel, ambitieux et contraignant sur le Climat applicable à tous les pays. Cet accord devra encourager une transition accélérée mondiale vers des sociétés décarbonées et résilientes."

Prochaines étapes : la Conférence environnementale de novembre 2014 puis la COP20 de Lima 'Pérou) du 1er au 12 décembre 2014.

Arnaud Gossement

SELARL Gossement Avocats