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Les cinq réformes nécessaires dans l’administration publique en Afrique

Publié le 17 novembre 2014 par Unmondelibre
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L'absence de reddition de compte et la montée de la gabegie dont fait preuve l'administration publique en Afrique est contraire aux principes de management public applicables en démocratie. Les nominations, les affectations, les attributions de marchés publics, les recrutements, sont plutôt des outils de rétribution des « soldats électoraux ». Cette logique de rente électoraliste qui bloque les ascenseurs sociaux s’oppose à la logique de création de valeur qui conduit au développement. La question est de savoir si l’Afrique peut se permettre de continuer dans ce sens. Quelles réformes administratives seraient nécessaires pour accompagner le développement et la démocratisation du continent?

Le premier grand chantier de réforme administrative auquel l’Afrique devra faire face est celui de la dépolitisation de l’administration. Dans un département ministériel par exemple, la coloration politique de la majorité des fonctionnaires (autorités administratives) est fonction de la coloration politique du ministre (autorité politique) puisque ce dernier nomme ses soldats électoraux à des postes administratifs au mépris des exigences de performance. Pire, on atteste dans certains pays comme le Burkina Faso, la création de cellules politiques dans les ministères, ce qui contribue à violer la liberté de conscience des agents publics. Ainsi, certaines administrations publiques sont quasiment fermées les jours de meeting politique (« spoil system »). Cela constitue une violation du principe de neutralité de l’administration. En effet, l’article 5 de la Charte de la fonction publique africaine stipule que l’administration ne doit exercer sur ses agents aucun traitement discriminatoire en raison des caractéristiques liées à la personne. Il convient de séparer le niveau politique (stratégique) du niveau administratif (opérationnel) pour permettre à l’administration publique de servir l’intérêt général. Cela passe par l’adaptation du cadre juridique aux exigences de neutralité et le renforcement des garanties institutionnelles devant servir de recours pour excès de pouvoir.

Le deuxième grand chantier est celui de la gestion des ressources humaines dans l’administration publique. En l’état, le recrutement des fonctionnaires se fait par concours d’entrée dans les écoles de la fonction publique dont les modules de formation ne sont pas toujours adaptés aux besoins actuels de l’État et dont les produits formés ne sont pas toujours les plus compétitifs sur le marché du travail. Par exemple, il est contre-productif de rejeter le titulaire d’un Master en administration publique (MPA) obtenu dans les meilleures écoles du monde pour la simple raison qu’il doit passer par un concours d’entrée dans une école nationale d’administration au rabais (le diplôme est inférieur à un master). En clair, l’administration publique africaine ne recrute pas toujours les meilleurs et ne prévoit pas la possibilité de capitaliser les expériences internationales. Il convient de mettre en compétition comme en Suisse les postes administratifs (libre compétition comme critère d’ascension sociale et de peroformance) et de soumettre au contrôle parlementaire comme aux Etats-Unis (« merit system ») les nominations à de hautes fonctions (contrôle de qualité).

Le troisième grand chantier de réforme est celui du pilotage et de l’évaluation systématique des politiques publiques. Il s’agit de repenser et d’adapter à l’Afrique la Nouvelle Gestion Publique (introduction des objectifs et des indicateurs de performance) dont on parle depuis la fin des années 1990 mais, qui a été engloutie par le poids de la bureaucratie. Pour l’instant, on continue d’enregistrer une trop grande spécialisation par fonction, un système de coordination et d’évaluation de services assuré par la hiérarchie (politique), une trop grande centralisation des décisions, un système de promotion uniquement interne, etc. Ainsi, un professeur titulaire dans une des meilleures universités du monde ne pourra pas intégrer la fonction publique africaine directement au grade de professeur ; il devra recommencer au grade d’assistant. Il convient de développer plutôt la responsabilisation ou la mesure des résultats (rentabilité, efficacité, efficience, qualité des services) en suscitant la compétitivité et la productivité à l'intérieur du service public et en appliquant le principe d'efficience économique dans l'utilisation des ressources et dans la recherche de l’innovation pour la fourniture des services publics.

Le quatrième grand chantier de réforme est celui du management de l’information et des documents administratifs. Pour l’instant, les modes de production, de classement, de recherche, d’archivage ou de diffusion des informations et des documents administratifs sont contre-productifs. Un agent public perd en moyenne deux heures par jour dans la recherche de l’information au milieu d’une montagne de dossiers. Cela rallonge à l’infini le temps des procédures qui finissent par être abandonnées pour certaines et influe considérablement sur la performance administrative. Une meilleure gestion de l’information administrative augmenterait aussi la transparence nécessaire à la bonne gouvernance. Cela passe par la décongestion du circuit de l’information administrative et le développement d’une politique proactive d’archivage physique et électronique. Mieux, il s’agit de la numérisation et de la gestion électronique des documents administratifs.

Le cinquième grand chantier de l’administration africaine est celui de la contractualisation, de l’externalisation et de la délégation des tâches administratives suivant les principes de subsidiarité, d'efficacité et d’efficience.En l’état, l’administration publique est lourde et très onéreuse. Le poids de l’organisation publique asphyxie le système économique. Un ingénieur par exemple se retrouve en retard dans son travail à cause de ses obligations administratives (comptabilité, logistique, ressources humaines, affaires juridiques, etc.). Il convient d’alléger l’organisation publique et d’externaliser (contrats de prestation) l’essentiel des prestations administratives en vue d’accroître la concentration sur le cœur du métier et les gains d’efficience directe (réduction des dépenses de fonctionnement et/ou accroissement de la productivité), les gains d’efficience indirecte (réduction des interventions de l’Etat), les gains d’efficacité managériale (management systématique des résultats, possibilité de mettre en place des démarches de changement), les gains d’efficacité comptable (uniformisation comptable, augmentation de la maîtrise du budget).

Par Louis-Marie KAKDEU, PhD & MPA - Le 17 novembre 2014


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