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La société civile libanaise savoure sa victoire

Publié le 23 mai 2008 par Delphineminoui1974

Sylvana Lakkis n'en revient toujours pas. Avec sa chaise roulante pour seule arme, c'est sans grand espoir que la présidente de l'Association des handicapés du Liban - parmi lesquels des victimes de la guerre civile - fit le pari, vendredi 16 mai, de rassembler ses amis sur la route de l'aéroport de Beyrouth pour attirer l'attention des différents membres des factions politiques en partance pour Doha. Avec pour seul message ce slogan affiché sur des pancartes portées à bout de bras: «Si vous ne vous mettez pas d'accord, ne revenez pas.»

Mais, pour une fois, la mobilisation a porté ses fruits. Après six jours d'âpres négociations sous l'égide de l'émir du Qatar, visant à mettre un terme à la violence qui causa la mort de plus de 60 personnes en moins d'une semaine, un accord de sortie de crise a finalement été trouvé entre la majorité soutenue par les Etats-Unis et l'opposition appuyée par la Syrie et l'Iran.

«Ce résultat était inattendu, confie Sylvana Lakkis, avec un soupir de soulagement. On ne pouvait s'empêcher de craindre qu'ils ne rentrent au pays bredouilles.»

 

En vertu du nouvel accord, l'élection du président, reportée à 19 reprises, devrait finalement avoir lieu ce dimanche et permettre à Michel Souleiman, l'actuel chef de l'armée, d'occuper ce poste vacant depuis presque six mois. Sont également prévues la formation d'un gouvernement d'union nationale et l'adoption de la loi électorale de 1960, légèrement modifiée, pour les législatives de 2009. Les différents partis s'engagent, aussi, à ne pas recourir aux armes à des fins politiques.

En retour, les tentes du Hezbollah, qui paralysaient depuis dix-huit mois l'activité économique du centre-ville, ont disparu en l'espace d'une journée, sous les applaudissements de ses habitants. Jeudi, alors que les terrasses des cafés se remplissaient à nouveau, les employés de sociétés de nettoyage s'appliquaient à laver les rues à coups de jets d'eau, et l'armée commençait à retirer les barbelés qui entouraient la grande place des Martyrs. Une rare ambiance de légèreté flottait au cœur de Beyrouth. «Tout d'un coup, il y a eu comme de l'amour dans l'air», glisse Paul Boustany, qui travaille aux côtés de Sylvana Lakkis. Ajoutant, encore ému: «C'est la première fois qu'on a l'impression que nos politiciens nous écoutent, depuis la fin de la guerre civile [1975-1990].»

L'ultimatum, adressé la semaine dernière aux partis politiques, et lancé modestement par l'Association des handicapés du Liban, fit rapidement le tour du pays. Relayé par les blogs, et évoqué dans les bulletins d'actualité de la plupart des chaînes satellitaires en langue arabe, il rassembla vite derrière lui d'autres ONG comme «Non à la guerre», ou encore «Khalass» («Ça suffit») qui organisèrent, quelques jours plus tard, un second sit-in. Cela faisait des mois que ces dernières ne cessaient de multiplier les appels à la paix. Mais, jusqu'ici, aucun parti politique n'avait daigné les relever.

Et puis, contre toute attente, le «miracle» de mercredi, avec cette déclaration de l'émir du Qatar adressée directement aux citoyens libanais. «Je veux, enfin, rassurer le peuple libanais, annonça, à Doha, le cheikh Hamad Bin Khalifa al-Thani. Certains d'entre eux ont voulu interpeller leurs leaders en leur demandant de ne pas revenir s'ils ne se mettaient pas d'accord, dit-il. Eh! bien, ils se sont mis d'accord, et ils sont maintenant sur la route du retour pour démarrer, avec leur population, un nouveau jour que nous espérons être lumineux et pacifique.»

Blasés par les soubresauts politiques de leur pays, les Libanais sont pourtant bien conscients que l'actuelle éclaircie reste fragile. «C'est vrai qu'on n'est jamais à l'abri d'autres problèmes. Mais, pour le moment, je n'ose qu'espérer que c'est le début d'une nouvelle ère», souffle Paul Boustany.


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