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La Ghana National Petroleum Company GNPC et le pétrole ghanéen

Publié le 01 décembre 2014 par Infoguerre

La GNPC et le pétrole ghanéen​Dans le livre Echapper à la malédiction des ressources, Macartan Humpreys, Jeffey Sachs et Joseph E. Stigliz décrivent comment les compagnies pétrolières internationales ont historiquement bénéficié d’un savoir ainsi que d’un pouvoir de marchandage asymétriques grâce auxquels ils ont pu exploité largement les ressources pétrolières des pays du Tiers-monde. Néanmoins ils ajoutent que la création de compagnies pétrolières nationales a rééquilibré l’asymétrie du savoir, et la formation de l’OPEP a renversé le pouvoir de marchandage en faveur des pays producteurs de pétrole.

Le Ghana est un jeune pays pétrolier puisque ses plus gros gisements furent découverts il y a trente ans, et la première exploitation date d’il y a deux ans à peine.
Sa compagnie pétrolière nationale, la Ghana National Petroleum Company – dites GNPC – fut créée en 1983 pour promouvoir l’exploration et la production de pétrole. Le Ghana est une démocratie et les citoyens ghanéens connaissent les dégâts qu’ont causés dans les pays voisins des ressources pétrolières mal gérées. Pollution, corruption, déséquilibres économiques, le danger est grand de tomber dans ces travers.

Des premiers pas prudents

L’exploration des fonds ghanéens commença en 1896 et déboucha sur la découverte de sept grands gisements.

De 1978 à 1985, seul le Saltpond field fut exploité par Signal-Amoco Consortium. Depuis la création de GNPC en 1983, l’intégralité de l’exploration et de la production de pétrole offshore & inshore Ghana est régulée par la compagnie nationale ghanéenne.  GNPC a découpé ces grands gisements en « blocs » .

La stratégie d’exploration et de production de GNPC dans ces différents blocs se veut lente et progressive afin de se donner à terme les moyens d’opérer elle-même. En effet lors de ces vingt dernières années la GNPC n’a vendu que douze licences de forage à différents opérateurs étrangers pour des contrats de court/moyen terme variant de six à huit ans.
D’autre part la GNPC a été judicieuse dans le choix de ses opérateurs: à défaut de s’allier avec des partenaires trop puissants (six majors) avec qui le rapport de force eût été trop asymétrique, la GNPC s’est alliée avec des opérateurs plus « petits ». Ainsi la GNPC a vendu des licences d’exploration/exploitation à des partenaires tels que le britannique Tullow Oil (partenaire n°1), Kosmos Energy (USA) , Vitol (Allemagne), Vanco (UK) , Anadarko (USA), Afren (UK), et Hess Corp (USA). Les différents contrats signés avec ces opérateurs étrangers garantissent à la GNPC une commission variant de 10% à 15% (selon la profondeur du gisement) sur le pétrole extrait. D’autre part les contractants sont tenus d’avoir un « local content » (emploi de locaux) et d’opérer des « capacitiy building » (transferts de compétences) afin de faire bénéficier de l’industrie pétrolière et gazière à l’économie locale.

GNPC a donc adopté en premier lieu une stratégie de développement prudente dans le timing d’exploration/exploitation de son pétrole, dans la répartition de ses concessions, et dans les choix de ses partenaires.

L’affirmation de GNPC comme un acteur majeur à l’avenir

GNPC ne veut plus se contenter de réguler l’activité pétrolière, mais bien devenir un « operating partner ». Le défi est de taille puisque les ingénieurs ghanéens ne sont que très peu formés, et le matériel de forage coûte très cher. C’est pourquoi GNPC apprend un maximum de ses partenaires actuels, notamment de Tullow Oil qui est devenu le plus gros employeur du pays et dont le personnel reçoit une formation très technique. Il est déjà question que GNPC prenne part aux opérations de forage aux cotés de Tullow dans le récemment découvert Jubilee Field. Dans un futur plus lointain GNPC espère même devenir le « lead partner » (actionnaire à 51%) dans chacun de ses blocs. Le but ultime pour GNPC n’est pas seulement de prendre une plus grosse part du gâteau mais bien d’être présent dans toute la chaîne de l’industrie pétrolière (forage/logistique/raffinage/commerce) afin de faire profiter de ce secteur à toute l’économie du pays.
Cette stratégie d’émancipation de la compagnie nationale vis-à-vis des opérateurs étrangers compte pourtant des détracteurs. Robert Pirog, un économiste américain de l’énergie, reproche aux compagnies pétrolières nationales dans les pays en voie de développement d’être directement au service du gouvernement, ce qui a pour conséquence de créer des systèmes très opaques où la corruption est monnaie courante. Franklin Cudjoe, président du think-tank ghanéen IMANI, pense quant à lui qu’il serait plus sage pour GNPC de se contenter de réguler l’activité et de laisser le vrai business de l’exploration aux compagnies pétrolières internationales, plus compétentes dans ce domaine. Néanmoins rien ne nous prouve que ces deux personnes ne sont pas des agents d’influence au service des opérateurs étrangers.

GNPC a donc suivi une stratégie de développement progressive qui lui permet aujourd’hui d’être libre de tout asservissement étranger et d’être maître de ses ressources pétrolières et gazières. L’avenir nous dira si sa stratégie d’émancipation sera couronnée de succès et si les Ghanéens seront à la hauteur d’une telle ambition. GNPC a de beaux exemples a suivre : Sonangol (Angola), PDVSA (Venezuela) ou encore le géant Pétrobras (Brésil) sont autant de compagnies pétrolières nationales qui un jour ont été petites.

Tristan Brasseur-Kermadec

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