Lors de sa vite ce week-end en Turquie, le pape François est entré dans la célèbre mosquée bleue d’Istanbul. Il a même prié en ce lieu. Le pape s’est orienté en direction de la Qibla comme tous les musulmans du monde, a croisé ses doigts, a fermé les yeux pendant quelques minutes et s’est recueilli en inclinant sa tête.
Aucun de ses prédécesseurs n’a marqué sa visite avec un tel acte symbolique au côté de son hôte, ici le grand mufti d’Istanbul. Malgré ce message fort des deux communautés, certains médias ont préféré caricaturer ce geste en mettant en avant le fantasme de l’intolérance musulmane. Sur quelles preuves ? Pas celles qui puisent leur source dans l’islam. L’ignorance voire l’islamophobie du journal Le Figaro par exemple a servi d’exutoire à ce moment fort, moins important que la frénésie autour de Daesh semble-t-il, en titrant son article par un très élégant : « Le pape François a osé prier dans la mosquée bleue d’Istanbul ». Seuls sont choqués les ignorants ou ceux qui sont avides des couvertures à sensation afin de sortir de la crise nos médias papiers ou des audimats omnipotents de la radio et de la télé.
Les relations entre les musulmans et les « Gens du Livre » en Islam, un exemple pour le monde
La référence en matière interreligieuse en islam, c’est tout de même le Prophète Mohammed ﷺ, chef religieux et homme d’État. Il montrait son profond respect envers les pratiquants des autres religions, appelés « les gens du Livre », les chrétiens et les juifs. Il eut cette parole notamment :
« Celui qui fait du mal à un Juif ou à un Chrétien trouvera en moi son adversaire au Jour du Jugement.»
Le volet interreligieux est indéniable du vivant même du Prophète Mohammed ﷺ. En 628 après JC, un pacte fût conclu avec les chrétiens du Sinaï au monastère de Sainte Catherine appelé « charte des privilèges ». Le document existe encore aujourd’hui.
« Ceci est un message de Mohammed ibn Abdoullah, constituant une alliance avec ceux dont la religion est le christianisme ; que nous soyons proches ou éloignés, nous sommes avec eux. Moi-même, les auxiliaires [de Médine] et mes fidèles, nous nous portons à leur défense, car les chrétiens sont mes citoyens. Et par Dieu, je résisterai contre quoi que ce soit qui les contrarie. Nulle contrainte sur eux, à aucun moment. Leurs juges ne seront point démis de leurs fonctions ni leurs moines expulsés de leurs monastères. Nul ne doit jamais détruire un édifice religieux leur appartenant ni l’endommager ni en voler quoi que ce soit pour ensuite l’apporter chez les musulmans. Quiconque en vole quoi que ce soit viole l’alliance de Dieu et désobéit à Son prophète. En vérité, les chrétiens sont mes alliés et sont assurés de mon soutien contre tout ce qui les indispose. Nul ne doit les forcer à voyager ou à se battre contre leur gré. Les musulmans doivent se battre pour eux si besoin est. Si une femme chrétienne est mariée à un musulman, ce mariage ne doit pas avoir lieu sans son approbation. Une fois mariée, nul ne doit l’empêcher d’aller prier à l’église. Leurs églises sont sous la protection des musulmans. Nul ne doit les empêcher de les réparer ou de les rénover, et le caractère sacré de leur alliance ne doit être violé en aucun cas. Nul musulman ne doit violer cette alliance jusqu’au Jour du Jugement Dernier (fin du monde). »
Lorsque le Prophète ﷺ arriva à Médine, les habitants de cette ville située au Nord de La Mecque, lui donnèrent le commandement de cette cité, là où la fraternité faisait bon vivre. Pour montrer sa sagesse et son profond respect, il conclut un traité entre la communauté musulmane et les autres communautés croyantes. L’islam garantissait à tous, la liberté de croire et de pratiquer un culte. Juifs et chrétiens avaient de ce fait les mêmes droits et obligations que jouissaient les musulmans.
Un jour, une délégation de 70 chrétiens de la communauté de Najran, à quelques 600 km de Médine, s’arrêtèrent pour rendre visite au Prophète ﷺ. Il les a reçus dans sa célèbre mosquée. L’heure de la prière arriva et la délégation chrétienne observa son culte à l’intérieur de la mosquée même. Le Prophète ﷺ enseigna aux musulmans la bienséance et le respect interreligieux: « Laissez-les (accomplir leur prière) ».
Ces exemples de l’islam et cette visite du pape, dans la mosquée bleue d’Istanbul, ne bénéficient vraisemblablement pas de la même tribune, du même écho dans les médias, que les quelques exécutions sommaires d’extrémistes passées en boucle sur les chaines infos. Les combats idéologiques semblent plus prolifiques. Pas sûr que l’humanité en sorte grandie.