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Conseils n°2 - Runaway dans le désordre

Publié le 26 mai 2008 par Gameup

 Sans tomber dans un sale épisode de complainte, il convient de dire que le Point&Click a vu sa dorure façonnée au début des années 90 s’écailler peu à peu, au point de choir par morceaux puis de laisser une teinte grisâtre orner le genre depuis de bien nombreuses années. Celui-ci connaît pourtant un émoi tout relatif depuis que le studio de développement espagnol Pendulo Studios a repris les grandes ficelles du genre pour sa future trilogie Runaway, démarrée en 2003. Interface en 2D, décors léchés, personnages loufoques, énigmes tordues à tiroirs eux-mêmes tordus, la recette est archi-connue car a ainsi glorifié l’aventure de Guybrush Threepwood dans Monkey Island. Le troisième épisode n’étant pas encore terminé, quel meilleur moyen que de démarrer la série par le second volet, sans jamais avoir entendu parler du premier, que ce fusse de l’intrigue ou des PNJ ? Non, c’est sans aucun doute la décision la plus sage qu’il m’ait été donné de prendre depuis pas mal d’années. Ok, quelques mois. Ou semaines. Bon, certainement jours. Et pas des masses, à mon avis…

Further down the bêtise

Je n’allais pas m’arrêter en si bon chemin. Le second volet, intitulé The Dream of the Turtle (ça en jette plus que « Firestar of the Angels » et autres sous-titres de jeux vidéos japonais, ceci dit sans animosité envers la japanimation, les « Conflict : Domination for War and Lost Space » de toute l’engeance américaine valent aussi leur pesant de cacahuètes –mais je sens que je m’égare), est disponible sur deux plateformes. PC, mais aussi Nintendo DS. E

n bon fanboy de la portable sus-citée, je décide de me procurer cette version de Runaway sur bi-écran pour un bi-plaisir. Car oui, tout le monde sait que les Point&Click ne demandent pas d’avoir une bonne vue d’ensemble de la scène, ne requièrent aucune concentration et se jouent parfaitement bien dans un TER secoué par les caillasses de 40 livres sur des rails. Donc oui, quelle idée lumineuse j’avais eue. Quelle délectation que de passer 3h à froncer les sourcils sur un écran ridicule à déchiffrer des dialogues dans une police baveuse et grossière. « Bon, j’ai rien compris à ce qu’il a dit. On recommence : « blabla si j’étais vous j’irai parler au » Oui je sais ça, c’est la phrase d’après où j’ai rien bité. « Il…absent ? Présent ? Seulement à des horaires…des horaires quoi ?? Bon, où est ma loupe pour Gameboy, qu’elle me serve enfin ? »

Absolument inadapté au format portable, le jeu demande de cliquer sur des objets lilliputiens qui, même si l’on nous propose de dévoiler toutes les zones cliquables de l’écran, s’avèrent particulièrement difficiles à atteindre. En résumé, le gameplay est massacré par le portage et certaines énigmes se résolvent dans la douleur gymnastique plutôt que cérébrale.

(Starcraft) Marine : « Rien compris »

Pour autant, le gameplay en lui-même de cet épisode ne constitue pas la raison d’être de ces conseils. Je précisais, c’est démarrer une suite en prenant le train en route qui vaut le détour.

Au niveau de l’intrigue principale, il n’y a rien de vraiment décourageant à se lancer ainsi en plein milieu de l’histoire. Le jeune héros, gros nerd coincé du premier épisode devenu hypra-coolos (hop, première allusion au premier volet), part à la recherche de sa bien-aimée Gina, pulpeuse brune qui l’accompagne depuis le premier volet également. Rien d’extraordinaire, en somme. Toutefois arrive-t-on à se poser quelques questions parmi lesquelles : comment se sont-ils rencontrés, comment cette pure b0mb4sse top kiffante a pu se mêler à la vie de ce, soi-disant, ancien thésard en physique théorique ? On n’en a aucune idée, et déjà ça part super bien. Grosse zone d’ombre dès le début du jeu, parfait pour rien piger dès le départ. Mais a priori ça me passe à 12 lieues au-dessus de la tête car moi, je regarde les films de David Lynch, alors les scénarios obscurs, je connais.

Prévention qui s‘avère payante car très tôt le jeu bascule dans la succession de zones absurdes qui s’enchaînent par de malhabiles transitions servant simplement de justification à leur mosaïque graphique dans laquelle on évolue. C’est en vérité sérieusement déroutant, à un tel point que cette suite aurait probablement eu plus d’impact si elle avait été vendue en plusieurs épisodes à la manière des récents Sam & Max.

De malhabiles transitions ? Mais oui, mais d’où sortent ces personnages ridicules dont l’histoire permet immédiatement d’embrayer sur notre propre intrigue ? Mais pourquoi donc Brian Basco (le héros, hein vous aviez deviné ?) boit-il leurs paroles et les invite dans sa galère sans prendre le temps de réfléchir à la santé mentale de ses interlocuteurs ? Je ne suis pas d’accord avec Brian, ce Joshua a de sérieux problèmes mentaux, je préfère éviter tout contact avec lui. Ce type est l’exemple-même de l’incroyable erreur que j’ai commise en m’engageant dans The Dream of the Turtle. Son histoire si bien établie semble immédiatement convaincre Brian Basco et influe sur toute la suite de l’aventure. Même si l’on saisit vaguement sa logorrhée, on n’a évidemment pas toutes les clés en main pour appréhender son apparition et sa future importance. On se laisse alors distancer par les événements, regardant d’un œil confus l’avancée des deux compères. On ne parvient que difficilement à se raccrocher au fil de l’intrigue, et l’on termine péniblement l’épisode en n’ayant que peu goûté à la truculence des personnages. Au mieux la devine-t-on.

A l’envers, à l’endroit

« Bon ben c’était quand même pas génial, mais vu que j’ai du temps à tuer pendant que ma pizza aux Krisprolls© chauffe, autant se lancer dans le premier volet. »

Next mistake. No more mistakes.

Quand on a la présence d’esprit -que je n’ai certainement pas eue- de suivre une épopée en commençant par le début, on se délectera de l’apparition progressive de nouveaux personnages qui, lors du premier épisode dans notre cas, exposent leurs délires et leurs problèmes insolvables de manière plus « progressive » et surtout, compréhensible. Que l’on adhère ou non à cette surenchère de PNJ

complètement marteaux n’est pas la question, mais plutôt celle de l’effet que produit leur « découverte » par le héros sur le joueur qui a déjà été bassiné par les mêmes hurluberlus dans la suite. Oui, l’effet est nul. Leur présence est convenue, quasi-téléphonée pour certains. Joshua, qui étale allègrement sa psychose d’une race alien dans The Dream of the Turtle, est très logiquement attendu dans le désert de l’Arizona au cours du premier épisode (du moins l’ai-je deviné, ce qui n’est pas un exploit pour autant hein).

En outre, après avoir catalogué Pendulo Studios comme « équipe de drogués/vieux gamins foldinguos » au vu du n’importe quouage (à paraître dans Le Petit Robert 2009) du second volet, on se sent subitement peu réactifs face à la retenue des espagnols sur leur premier essai. Retenue qu’on ne peut être capable de juger qu’après avoir goûté à ce dont ils ont été capables par la suite. C’est un peu comme si je venais d’écouter « Pablo Honey » de Radiohead en attendant que ce soit aussi barré que sur « Kid A ». En bref, pris à l’envers, Runaway : A Road Adventure a énormément perdu en saveur. Et je m’en mords les doigts.

L’envie vous démange de saborder les recommandations de vos amis les plus chers en découvrant un jeu en plusieurs parties ? Démarrez par la fin, sans aucune honte, car désormais cet effet auto-destructeur ne s’applique plus seulement aux films (démarrer Alien par le quatrième est une de ces idées lumineuses), un jeu s’offrant parfois le luxe de personnages récurrents hauts en couleur et d’une aventure suffisamment riche pour être abordée dans le désordre le plus complet. Mais par pitié, faites-le en toute technique de jardinage. Pardon, connaissance de cause.


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