Agnès Chauveau directrice de l’école de journalisme de Science-Po a été accusée de plagiat par le site Arrêt sur Images. Ce copié-collé toucherai des chroniques entendues sur l’émission Soft Power (France Culture) et publiées ensuite dans le Huffington Post. Elle se serait largement inspirée d’articles parus dans le journal le Monde, publiés par RFI et Arrêt sur Images. C’est d’ailleurs ce site qui l’incriminer.
exemple de plagiat:
comparaison entre un article publié dans le Monde et une chronique d’Agnès Chauveau ( source arrêtsurImages.net)Son établissement place pourtant l’éthique journalistique et la déontologie au centre de ces programmes. L’école fait même signer à ses élèves une charte qui stipule le respect scrupuleux des règles éthiques pour qu’ils exercent leur métier d’une manière professionnelle.Ne montrerait-elle pas l’exemple à ses élèves ?
charte éthique éditée par Science PoEn attendant le résultat de l’enquête interne, Bruno Patino directeur général délégué de cette école l’a suspendue provisoirement de ses fonctions. Cette décision montre que sans la juger coupable, il préfère prendre toutes les précautions afin que le sérieux de Science Po ne soit pas entaché par cette affaire. Même si elle le dément fermement Agnès Chauveau n’a pas encore réagit publiquement. Si le plagiat a toujours existé, il est formellement interdit par la charte des devoirs professionnels des journalistes datée de 1918 et réactualisée en 1938. : «Ne commet aucun plagiat, cite les confrères dont il reproduit un texte quelconque».Cette règle aurait été bafouée par Agnès Chauveau. Comme elle le dit, elle a juste «oublier de citer certains papiers, mais ce n’est jamais volontaire et je rectifierai chaque fois que ça pose problème ». Si on s’en tient simplement à la règle mentionnée plus haut, il pourrait bien s’agir d’un plagiat. La justice n’a plus qu’à faire son travail pour établir ou non la responsabilité d’Agnès Chauveau. La direction de France Culture reconnaît qu’il y a bien eu des copier –coller dans certaines chroniques de cette journaliste dans l’émission Soft Power comme le mentionne cette citation : « Certains de nos confrères ont relevé dans quelques-unes de ses chroniques des copier-coller d’extraits d’articles avec un déficit de citations de source. Nous devons à nos auditeurs de reconnaître qu’il s’agit là d’un réel manque de rigueur, aussi avons-nous décidé d’interrompre cette chronique ». Ce démenti apparaît comme en décalage avec la version d’Agnès Chauveau. Qui dit vrai ?
Remise en cause de l’éthique professionnelle par Agnès Chauveau?
Quoiqu’il en soit cette affaire révèle que certains journalistes s’arrangent avec l’éthique. Par soucis de temps, de rigueur ou d’analyses, il jette le discrédit sur l’ensemble de la profession. C’est dommage pour leurs confrères qui font en sorte de toujours produire un travail soucieux de l’éthique. Quelque soit les contraintes, ils s’assurent d’être en règle avec leur conscience professionnelle.
A une époque où beaucoup de citoyens accordent de moins en moins leur confiance aux journalistes, ce genre d’évènements ne fait qu’aggraver la crise d’identité que vivent ces professionnels de l’information. Bien que l’interactivité et l’instantanéité des médias changent la donne et le rapport que l’on a avec la sphère médiatique, elles ne doivent en rien affecter l’intégrité les journalistes. Les médias représentent un pouvoir démocratique. Ils détiennent le pouvoir de nous informer. Le plagiat et toute autre activité qui entravent leur bonne conduite doivent être combattus et susciter un débat public. Certains diront que nous avons les médias que nous méritons et qu’ils sont à l’image de notre société. Qu’importe, ils ont un rôle citoyen et démocratique à jouer.
Textes sur la déontologie et l’éthique journalistique
Charte des droits professionnels des journalistes par le Syndicat National des journalistes
Un journaliste, digne de ce nom,
prend la responsabilité de tous ses écrits, même anonymes ;tient la calomnie, les accusations sans preuves, l’altération des documents, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles ;
ne reconnaît que la juridiction de ses pairs, souveraine en matière d’honneur professionnel ;
n’accepte que des missions compatibles avec la dignité professionnelle ;
s’interdit d’invoquer un titre ou une qualité imaginaires, d’user de moyens déloyaux pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque ;
ne touche pas d’argent dans un service public ou une entreprise privée où sa qualité de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles d’être exploitées ;
ne signe pas de son nom des articles de réclame commerciale ou financière ;
ne commet aucun plagiat, cite les confrères dont il reproduit un texte quelconque ;
ne sollicite pas la place d’un confrère, ni ne provoque son renvoi en offrant de travailler à des conditions inférieures ;
garde le secret professionnel ;
n’use pas de la liberté de la presse dans une intention intéressée ;
revendique la liberté de publier honnêtement ses informations ;
tient le scrupule et le souci de la justice pour des règles premières ;
ne confond pas son rôle avec celui du policier.
Paris, Juillet 1918 – révisée en janvier 1938
Cette déclaration édicte les droits et les devoirs que doivent suivre les journalistes professionnels et a été réalisée par le Syndicat National des Journalistes. Le texte du SNJ a été renforcé par la Charte de Munich en 1971 :
Déclaration des devoirs et des droits des journalistes (Munich, 1971)
Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentales de tout être humain.
Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes.
La responsabilité des journalistes vis-à-vis du public prime toute autre responsabilité, en particulier à l’égard de leurs employeurs et des pouvoirs publics.
La mission d’information comporte nécessairement des limites que les journalistes eux-mêmes s’imposent spontanément. Tel est l’objet de la déclaration des devoirs formulés ici.
Mais ces devoirs ne peuvent être effectivement respectés dans l’exercice de la profession de journaliste que si les conditions concrètes de l’indépendance et de la dignité professionnelle sont réalisées. Tel est l’objet de la déclaration des droits qui suit.
Déclaration des devoirs
Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont :
1) respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ;
2) défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ;
3) publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ;
4) ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ;
5) s’obliger à respecter la vie privée des personnes ;
6) rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;
7) garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ;
8) s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information ;
9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ;
10) refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.
Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.
Déclaration des droits
1) Les journalistes revendiquent le libre accès à toutes les sources d’information et le droit d’enquêter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. Le secret des affaires publiques ou privées ne peut en ce cas être opposé au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimés.
2) Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire à la ligne générale de son entreprise, telle qu’elle est déterminée par écrit dans son contrat d’engagement, de même que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquée par cette ligne générale.
3) Le journaliste ne peut être contraint à accomplir un acte professionnel ou à exprimer une opinion qui serait contraire à sa conviction ou sa conscience.
4) L’équipe rédactionnelle doit être obligatoirement informée de toute décision importante de nature à affecter la vie de l’entreprise.
Elle doit être au moins consultée, avant décision définitive, sur toute mesure intéressant la composition de la rédaction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste.
5) En considération de sa fonction et de ses responsabilités, le journaliste a droit non seulement au bénéfice des conventions collectives, mais aussi à un contrat personnel assurant sa sécurité matérielle et morale ainsi qu’une rémunération correspondant au rôle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indépendance économique.
Munich, 1971
Outre le plagiat Atlantico reproche d’autre fait à Agnès Chauveau. : «Agnès Chauveau aurait mis de côté une autre règle : l’interdiction pour un fonctionnaire ou un agent public d’occuper un emploi de gérant dans une entreprise. Or, d’après les documents en notre possession, elle apparaît, depuis le 7 mai 2014, comme l’un des sept gérants de la société Huffington Post Holding Maghreb Group, entité de droit luxembourgeois. Cette société en nom collectif, domiciliée 67 boulevard Grande-Duchesse Charlotte à Luxembourg, est l’un des derniers sites lancés par le Huffington Post dont AOL a pris le contrôle en 2011.Cela dit, si Agnès Chauveau n’a plus le statut d’agent public ou de fonctionnaire, sa gérance luxembourgeoise ne pose aucun problème… ». Deuxième problème éthique. Si les faits sont avérés, ils prouvent que la conscience professionnelle d’Agnès Chauveau et son intégrité laissent perplexe. Ils posent aussi la question de la multiplication de postes de la plupart des journalistes et leur collusion parfois assumée avec les pouvoirs économiques et politiques. Cette situation floue jette un peu l’opprobre sur cette profession. Elle crée une certaine confusion dans nos esprits. Gérer une holding d’un média dans lequel on publie des chroniques représente un réel mélange des genres.
Le vrai problème vient peut-être de l’enseignement des écoles de journalisme. La majorité des élèves proviennent de milieux sociaux favorisés. Ils croisent bien souvent des futurs patrons de médias, des politiques en formation ou des chefs d’entreprise en devenir. Cette proximité n’empêche pas l’indépendance mais peut parfois amener les journalistes à être influencer par les décideurs ou les rendre moins perspicaces et moins mordants. Pour autant la plupart d’entre eux savent faire la différence entre le domaine professionnel et personnel. Cette proximité ne les empêche pas de jouer leur rôle et leur garantit une bonne connaissance du milieu dont il parle. Ils s’en nourrissent ainsi pour produire des contenus de qualité. En plus l’ensemble des cursus proposés apparait formaté L’esprit critique des futurs journalistes ne serait-il pas assez sollicité ?
Jessica Staffe
Cette affaire démontre que le respect des règles déontologiques laissent parfois à désirer et passent parfois après les intérêts économiques et financiers. Ce non respect de l’éthique ne doit pas être pris à la légère et les journalistes incriminés doivent aussi savoir se remettre en cause afin de ne pas s’asseoir sur ces principes et de pas dénaturer ce beau métier.