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"Helvétiser la France", de Dominique Bourg, entretiens avec Philippe Dumartheray

Publié le 09 décembre 2014 par Francisrichard @francisrichard

Dominique Bourg vient de publier un livre d'entretiens avec Philippe Dumartheray, dont le titre ne peut qu'interpeller le franco-suisse que je suis: Helvétiser la France.

A quinze ans, en 1968, pour échapper au mépris des enfants de cadres et d'ouvriers de la cité Solvay, près de Tavaux, où son père dirige une coopérative, Dominique Bourg se tourne vers les livres, plus particulièrement de philosophie, et il lit comme un fou.

Sur cette lancée, il fera des études d'histoire de l'art, de théologie et de philosophie à l'Université de Strasbourg et enseignera. Pas question pour lui d'être commerçant ou ingénieur...

Il enseignera donc. D'abord, dans un lycée, à Mulhouse. Deux thèses plus tard, d'où naîtront deux livres, Transcendance et discours (dans une collection de théologie) et L'homme artifice (sur les problèmes environnementaux), il deviendra professeur, à quarante ans, à l'Université de technologie de Troyes, et, sept ans plus tard, à l'Université de Lausanne.

Le professeur Bourg a écrit une quinzaine de livres avec pour thème dominant l'environnement. Politiquement, il est issu de la gauche (il a été membre du PSU de Michel Rocard), et il est écologiste (il est l'ami de Nicolas Hulot). Mais il est sévère à l'égard des Verts français qui se soucient comme d'une guigne du réchauffement climatique et préfèrent se consacrer à la défense de ce qu'ils appellent les minorités.

Dominique Bourg pense que le système institutionnel français est néfaste et qu'il devrait s'inspirer du système suisse où il n'existe pas d'alternance pour entretenir les divisions, où les convictions de chacun n'empêchent pas de travailler ensemble, où la diversité de l'exécutif (tous les partis, de la gauche à la droite, y sont représentés), des cantons et des cultures est un atout maître.

Car la Suisse comprend des populations qui parlent des langues différentes, qui pratiquent des religions différentes, qui ont des cultures différentes. Seulement, ces populations ont appris à vivre ensemble et leurs représentants à trouver des compromis. Comment? Grâce à un mélange de démocratie représentative et de démocratie directe.

S'inspirer du système suisse pour la France, selon Dominique Bourg, c'est:

- supprimer le poste de Président de la République;

- cantonaliser les régions françaises: ministres élus au suffrage universel majoritaires, parlements élus à la proportionnelle;

- accroître le pouvoir des communes, notamment celui des grandes villes;

- instaurer un système de péréquation du type cantonal suisse;

- donner au Sénat un rôle nouveau, de représentation véritable des régions comme le Conseil des Etats suisse, qui fait jeu égal avec le Conseil national, l'Assemblée nationale helvétique;

- introduire la démocratie directe.

Dominique Bourg a aussi l'idée d'"une troisième chambre, spécialisée dans les enjeux du long terme" qui pourrait s'opposer provisoirement à une décision du Parlement.

On peut rêver...

En fait, Dominique Bourg pense que le débat gauche-droite est dépassé. Pourquoi? Pour deux raisons:

- "notre problème n'est plus de continuer à maximiser la production de richesses matérielles";

- "la croissance matérielle se nourrit des inégalités de revenus".

En fait, à partir de là, Dominique Bourg cauchemarde:

"Deux lectures de notre futur s'affrontent: l'une dans le prolongement du XXe siècle, l'autre en rupture. "Oui, effectivement, nous sommes la force primordiale sur Terre, nous allons le rester et petit à petit, on va tout dévorer", ou, à l'opposé, "Non, nous allons être confrontés à des difficultés insurmontables qui nous contraindront à changer profondément nos modes de vie.""

On l'aura compris, pour Dominique Bourg, la première lecture c'est le néolibéralisme à l'oeuvre, la folie néolibérale. Il s'en fait une idée qui ne correspond pourtant pas, ni de près ni de loin, au libéralisme, qu'il soit néo, ultra ou classique, comme ils disent.

Quand il stigmatise "l'Union européenne, la plus grande construction néo-libérale au monde, avec ses règles tatillonnes pour mettre en concurrence parfaite des centaines de millions de personnes", il donne en fait une définition parfaite du... socialisme. Et j'épargne au lecteur sa vision du marché d'un simplisme étourdissant, qui prouve qu'il ne comprend rien à son fonctionnement. 

Comme il fait sienne la deuxième lecture du futur, Dominique Bourg veut helvétiser la France parce que le système français "ne pourra tenir face à un environnement qui ne peut que se dégrader, et selon un rythme géométrique".

Dominique Bourg est en effet adepte de cette religion du réchauffement climatique selon laquelle les températures vont monter inexorablement, le régime des pluies changer, les phénomènes extrêmes se multiplier, le niveau des océans monter, etc. Ce qui est contredit pourtant par les toutes dernières données scientifiques...

Au secours! Les ressources vont manquer, la biosphère se dérègler, la démographie se montrer de plus en plus inquiétante etc. Refrains connus, qui ne vont pas cesser d'être entonnés d'ici la fin 2015, histoire de préparer les esprits à la grand-messe de l'ONU, COP21, qui aura lieu à Paris à ce moment-là.

Face à un tel tableau, apocalyptique, Dominique Bourg ne peut qu'être pessimiste: "L'humanité a laissé passer sa chance. Désormais la question est de savoir comment les dégâts peuvent être réduits." Il croit que les meubles qui peuvent être sauvés le seront cependant grâce à "un renouveau démocratique puissant", à "une résurgence du sens athénien de la liberté".

Il conclut: "En attendant, que faire? Répandre du levain pour qu'un jour la pâte puisse lever. Semer des graines, à savoir des idées, des expériences concrètes et collectives de durabilité, des institutions plus ou moins expérimentales, etc. Je veux à ma façon contribuer à ces ensemencements!"

Francis Richard

Helvétiser la France, Dominique Bourg, entretiens avec Philippe Dumartheray, 96 pages, L'aire / Ginkgo


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