Manuel Valls aime faire des confidences. Après avoir lâché sans retenue son désir d’être aimé des patrons en disant son penchant pour l’entreprise, décliné ensuite en allemand (« Ich mag die Unternehmen », Berlin, le 23 septembre 2014), puis en anglais (« My goverment is pro-business», Londres, le 06 octobre 2014), le premier ministre a pris à témoin le pays sur le plateau de France 2 (06 décembre 2014) en se posant comme celui qui n’est « pas un déserteur ». Pour l’instant, Manuel Valls n’a pas donné d’indications sur ses prochains déplacements à l’étranger où il tenterait de marcher sur les traces de Mireille Mathieu qui, elle, fredonne son crédo en une dizaine de langues.
En affirmant « Je ne suis pas un déserteur », en même temps qu’il disait son envie d’aller « jusqu’au bout tant que j’ai la confiance du président, le soutien de la majorité et la capacité de changer le pays », Manuel Valls endosse les habits de Monsieur Loyal et du capitaine qui manie la longue vue. Pourquoi cette référence à une posture tantôt noble, tantôt considérée comme une trahison ? Il existe en effet deux grands types de désertion. Le premier est revendiqué par ceux qui sont lucides vis-à-vis d’un conflit et ne veulent pas y prendre part. Cette posture est illustrée par la chanson éponyme de Boris Vian. Le déserteur refuse et assume les risques liés à son acte. Le second est représenté par celui qui se rend compte que la cause dans laquelle il est engagé n’est, selon ses critères, ni juste ni honnête. Il abandonne. Il se désengage. Parfois, certains déserteurs passent à l’ennemi. Le déserteur souvent finit mal. Les conseils de guerre ne font pas de demi-mesures.
A quelle catégorie de déserteur Manuel Valls pense ne pas appartenir ? Pourquoi, dans une interview grand public, faire résonner le clairon ? A considérer les orientations suivies depuis son entrée en scène qui ne brillent guère par une dimension sociale ou un soutien aux défavorisés, faut-il entendre que le premier ministre restera droit dans ses bottes libérales ? Déserter serait alors installer une politique favorable aux réformes sociales dont une grande partie du pays a besoin. Donc, ne désertant pas, Manuel Valls va continuer à tant aimer les entreprises au point de leur concéder vaille que vaille quelques petits milliards sans faire de chichis. Ni infidèle à la ligne suivie, ni insoumis aux exigences patronales, Manuel Valls peut affirmer sans vergogne qu’il n’est « pas un déserteur ». Certains seront rassurés. D’autres, verront leurs intuitions confirmées. Ceux qui penseront que la politique du gouvernement est hostile aux fragiles et aux oubliés de la non-croissance entendront que ne pas être « déserteur » peut conduire à devenir un transfuge. Les petites phrases du dimanche soir sont à écouter en regardant de l’autre côté du miroir.