Lundi, 26 Mai 2008 16:15
Par Corinne LEPAGE
Ne nous y trompons pas. Le drame des marins-pêcheurs est notre tragédie : celui d'un mode de développement qui s'effondre, faute de ressources naturelles et du retour en force de la soumission aux contraintes extérieures que nous avons nous-mêmes déréglées, sans être à ce jour moindrement capable d'en limiter les effets.
Les marins-pêcheurs ne sont que les premières victimes des temps modernes, au même titre que les premiers réfugiés climatiques.
Le secteur de la pêche est dans une impasse dans laquelle l'Etat porte une très lourde responsabilité : mauvais choix industriels favorisant les chalutiers de haute mer, opposition à tout effort organisé de réduction des capacités de pêche, l'interventionnisme pointilleux et inefficace.
Pour acheter la paix sociale en attendant la prochaine crise, les plans d'urgence se sont succédé en France sans aucune vision stratégique du rôle de la pêche. Notre capacité de pêche a augmenté de 30 % en 10 ans et l'Etat n'a cessé de privilégier le chalut particulièrement coûteux en termes de carburants et source de gaspillage avec un taux de rejet de poissons élevés alors qu'il existe des solutions pour mettre en oeuvre des politiques de préservation de ressources et susceptible d'assurer la viabilité des pêcheries. Nous ne sommes malheureusement pas les seuls à avoir choisi cette voie.
Les trois quarts des subventions au niveau mondial n'ont servi qu'à augmenter les capacités de pêche alors que les ressources ne cessent de diminuer. Mais, si le mouvement de protestation est plus puissant en France que dans les pays voisins, c'est que nos voisins mettent en oeuvre des politiques différentes notamment des programmes de rachat de navires et prônent une pêche beaucoup plus respectueuse de la ressource.
N'oublions pas que c'est toujours la France qui s'oppose aux mesures proposées par l'union européenne pour réduire les quotas pêche. Nous n'échapperons cependant pas à l'interdiction de la pêche du thon rouge en Méditerranée et à de nouvelles mesures de protection La hausse du prix du fioul, qui en France représentent 40 % du coût d'un bateau ne fait qu'acccélérer une chute inévitable. C'est à une réorganisation totale de la filière qu'il faut s'attaquer avec des techniques économes en énergie fossile et permettant de réduire de 60 % les taux de rejet et uen véritable politique sociale à l'égard de la professions. La chute des stocks de poissons et l'augmentation du fioul ne sont pas de courte durée. Les mesures annoncées équivalent à mettre des rustines sur la coque du Titanic.
Le temps est donc venu de changer radicalement de politique. Ce qui se passe pour le poisson se passera, si nous continuons, pour la production alimentaire du fait de l'épuisement des sols et et du manque d'eau. Nous ne pouvons pas poursuivre des politiques qui mélangent cynisme ,hypocrisie et incompétence en laissant supposer que nous traversons seulement une crise passagère, qui peut être gérée avec des subventions que nous n'avons même plus les moyens de verser.
Il va de soi que la solidarité nationale doit jouer en faveur en particulier de ceux, agriculteurs et marins , qui sont à la base de la satisfaction de besoins alimentaires à la condition bien évidemment que leurs techniques soient en adéquation avec nos besoins de moyen et long terme . Or, en matière de lutte contre la pollution des mers, les marins ont joué un rôle essentiel au cours du XXe siècle en s'opposant comme ils le pouvaient à la volonté de nombreuses industries de transformer les mers en poubelle. Il ne faudrait évidemment pas que les efforts d de reconstitution de la ressource se traduisent finalement en liberté de polluer sans limites En réalité, dans ce domaine comme dans la plupart des activités économiques du XXe siècle, c'est à une véritable reconversion que nous sommes appelés.
De même que la deuxième partie du XXe siècle a vu la reconversion industrielle, en particulier du nord et de l'Est de la France, abandonnant les mines, la sidérurgie et le textile, nous allons assister ou plutôt nous allons devoir procéder à une véritable reconversion de notre économie pour l'adapter à un monde pauvre en ressources naturelles et économe en eau et en énergie. Aux délocalisations vont s'ajouter des phénomènes de relocalisation, permettant aux bassins de consommation de pouvoir trouver, à proximité, c'est-à-dire sans coûts de transport important, les produits nécessaires à la vie. Une nouvelle géographie économique dont il ne faut pas se dissimuler qu'elle aura ses propres gagnants et ses propres perdants se met en place . Outre les richesses initiales et le positionnement par rapport aux effets du changement climatique, nul ne peut aujourd'hui nier que la capacité d'anticipation et de gestion concertée avec tous les acteurs concernés sera un des atouts majeurs. Il serait souhaitable d' en prendre rapidement conscience.
Coinne LEPAGE
PS: Dans une conférence qui s'était tenue le 4 mars 1989 , Michel Serres avait rappelé le rôle et la force de symbole des marins :"Deux hommes jadis vivaient dans le temps extérieur des intempéries : le paysan et le marin, dont l'emploi du temps dépendait, heure par heure, de l'état du ciel et des saisons ; nous avons perdu toute mémoire de ce que nous devons à ces deux types d'hommes, des techniques les plus rudimentaires à la plus haute culture.....Or ces deux populations disparaissent progressivement de la surface de la terre occidentale ; excédents agricoles, vaisseaux de fort tonnage transforment la mer et le sol en désert.(Ne vivant plus qu'à l'intérieur, plongés exclusivement dans le premier temps, nos contemporains, n'habitant plus que les villes, ne se servent ni de pelle, ni de rame, pis, jamais n'en virent. Indifférents au climat, sauf pendant leurs vacances, où ils retrouvent, de façon arcadienne et pataude, le monde, ils polluent, naïfs, ce qu'ils ne connaissent pas, qui rarement les blesse et jamais ne les concerne.)"
Chronique France-Culture du lundi 26 mai
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