Retour à Ithaque // De Laurent Cantet. Avec Isabel Santos, Jorge Perugorria et Fernando Hechavarria.
Laurent Cantet a pour habitude de dénoncer dans des films qui ont parfois presque une valeur documentaire. Je pense par exemple à l’excellent Ressources Humaines ou encore au palmé Entre les Murs. C’est un réalisateur qui sait mettre en lumière des choses dans une histoire au premier abord assez anodine. Car il ne part pas forcément tout de suite du vrai problème et cherche à nous enrober le tout dans un très joli papier cadeau. C’est ce qu’il fait encore une fois avec le très bon Retour à Ithaque. Il change de décor et quitte la France pour nous emmener à Cuba. La façon dont il nous plonge dans le pays ne se fait pas au travers des rues de la Havane ou de ses plages, etc. Non, nous sommes dans un pur huis clos (avec une vue sur la Havane tout de suite car ce serait bête de gâcher ça, et cela permet aussi de garder une certaine forme de notion du temps avec le soleil couchant). La façon dont l’histoire nous est contée est assez efficace, entre nostalgie et amitié. Au début cela peut apparaître comme un film devant lequel on va forcément s’ennuyer, notamment car l’on ne voit pas forcément où est-ce que celui-ci veut réellement nous emmener et puis on se laisse finalement amadoués rapidement par ces 5 amis qui tentent de se souvenir de leurs 400 coups.
Une terrasse qui domine la Havane, le soleil se couche. Cinq amis sont réunis pour fêter le retour d'Amadeo après 16 ans d'exil. Du crépuscule à l’aube, ils évoquent leur jeunesse, la bande qu'ils formaient alors la foi dans l'avenir qui les animait … mais aussi leur désillusion d’aujourd’hui.
Le film trouve sa force dans ce qu’il nous raconte. Car rien de ce qui nous est raconté dans Retour à Ithaque n’est anodin. Il nous parle donc de l’évolution de Cuba, de la façon dont eux ont vécu quand ils étaient jeunes (et dont la jeunesse d’aujourd’hui vit, sans véritable espoir et presque envie de s’en sortir en restant). Les dialogues sont simples ce qui colle aussi avec ces retrouvailles d’amis. Le film ne veut pas trop en faire sur le constat qui est avant tout social. En effet, Laurent Cantet ne cherche pas à parler du climat politique du pays, simplement du fait qu’il est difficile de s’en sortir, même quand on est ophtalmologue (quand en France par exemple on gagne vraiment bien sa vie dans cette profession). On nous raconte que l’on peut très bien s’offrir une vie tranquille mais alors il faut faire des choses pas toujours très légale avec les autorités fiscales, il faut dire « oui » à tout et l’on peut alors évoluer. Mais l’on ne peut pas vraiment faire ce que l’on aime dans la vie. On a eu la preuve avec ce peintre qui ne peint plus ou cet écrivain qui a fuit son pays (pour une raison d’autant plus touchante qui nous ait révélé au début de l’épisode). Je trouve par ailleurs étrange que ce film soit sorti de façon aussi confidentielle.
D’autant plus que Laurent Cantet est un réalisateur connu et reconnu en France. Du coup, la façon dont il choisit de mettre tout cela en scène est très beau. La vue du haut de ce toit est tout de même magnifique. On sent nous aussi dans notre fauteuil tout ce que les personnages ressentent. Alors qu’il fait froid en dehors, on sent la chaleur cubaine nous remplir et nous faire plaisir. L’émotion est palpable et ce même si ce film est fait avec peu de moyens techniques. Je pense même que le peu de moyens a permis à ce film de faire des choses bien différentes. Retour à Ithaque est donc une très belle révélation, prouvant que Laurent Cantet est un peu notre Ken Loach français et que l’on ne peut qu’avoir envie d’en voir encore plus. Les anecdotes de la vie de ces personnages nous donne l’impression à la fin du film de connaître nous aussi ces 5 amis depuis des années. En allant voir ce film je m’attendais à passer un bon moment mais pas à être aussi immergé mais c’est la preuve que Retour à Ithaque est d’une efficacité débordante mais aussi d’une véritable générosité. Le film est soigné du début à la fin, débordant de belles choses sans jamais tomber dans le film politisé ou dans le film guimauve.
Note : 8/10. En bref, un très beau film.