Pergame se trouve en Turquie actuelle et pourtant, celle-ci a pris des allures grecques avant de finir dans un musée allemand: le Pergamonmuseum. Cette localisation comme amorce de mon article donne des vertiges surtout lorsqu'on sait que la bataille qui nous est racontée dans cette sculpture en bas relief se passe dans les cieux et oppose les dieux de l'Olympe aux Titans. N'ayez pas peur de perdre l'équilibre. Je vous rassure, c'est bien les pieds sur Terre que vous pourrez assister en tant que simple mortel et spectateur et cette guerre qui fut sans pitié, imaginaire et imagée.
Un combat titanesque
Pourquoi dans le top 10? Un bel exemple d'hellénisation
Histoire de ne pas avoir la tête qui tourne, une recontextualisation s'impose. Alexandre Le Grand, comme chacun le sait ou devrait le savoir, a repoussé les limites du royaume de Macédoine, hérité de son père, jusqu'aux abords de l'Inde. Il s'était emparé de l'Egypte et de l'empire perse de Darius III et avait pour ambition d'hélleniser, c'est-à-dire d'apporter la culture grecque à ces territoires conquis sans pour autant que ceux-ci devaient renier la leur. Ainsi cohabitaient dieux grecs et dieux locaux dans une parfaite harmonie ou concorde tout du moins. A sa mort, l'empire d'Alexandre fut dépecé entre ses généraux qui constituèrent vite des dynasties. 10 ans de labeur pour un tel résulat. Certes, le territoire était morcelé mais ce qu'on appelait les nouvelles cités hellénistiques (mélange de culture grecque et locale) étaient amenées à perdurer dans la forme introduite par Alexandre. Pergame se situe en plein coeur du royaume des Attalides et ceux-ci voulaient la faire briller, d'autant que la concurrence des autres royaumes étaient rudes. Faut-il rappeler le phare et la bibliothèque d'Alexandrie, fiertés des Ptolémées en Egypte? C'est dans ce contexte que l'autel de Pergame fut érigé avec sa superbe frise de la gigantomachie.
Pergame, la cité des Attalides
Maintenant, place à l'interprétation. Cette frise de la gigantomachie a été détachée de l'autel et il ne faut pas oublier que comme tout monument grec qui se vaut, tout était peint. La gigantomachie est un épisode important de la mythologie grecque. Zeus, vainqueur des Titans et de son père Cronos, les a enfermés. Gaia, la mère de ces braves créatures, déclare la guerre aux dieux de l'Olympe et envoie ses fils, les Géants, préparer une sombre vengeance. Tout cela donnera lieu à un combat sans merci. Au delà ce cette légende, il faut comprendre la métaphore: il s'agit de la victoire de Pergame sur les Galates. Ce bas relief est un travail titanesque, c'est le cas de le dire avec sa centaine de figures qui donne une ampleur sans précédent au thème. C'est aussi 120 panneaux sur 2,30 mètres. Mais attention, il ne s'agit pas de tout le récit de la bataille mais d'un épisode. C'est pour ça qu'il vaut mieux parler de frise que de fresque. C'est d'ailleurs typique de l'art grec. Les dieux sont comme d'irréductibles Gaulois face aux Romains, contre ces créatures difficiles à battre. Il manque de nombreux pans de la frise qui n'est pas complète. Mais si je l'ai placée dans ce top, c'est parce qu'il s'agit d'une des oeuvres les plus monumentales de l'art grec notamment à cause de ses proportions. Les corps des géants sont distordus et leur musculature impressionante. Finalement, c'est leur expressivité qui nous marque entre les bouches ouvertes, les fronts ridés ou les sourcils froncés.
Une frise monumentale
Alors pourquoi à Berlin et non pas à Pergame alors que le site s'admire encore. Tout simplement parce que c'est un allemand qui l'a découvert et à l'instar des Anglais avec la frise des Panathénées au British Museum, il a décidé de rendre hommage à son pays même s'il y a eu un accord avec l'Empire ottoman à la fin du XIX e siècle. La Turquie réclame sa restitution en vain. Et eux sont tombés bien bas.