Merci (Récit complet)

Quelques grammes de poésie dans un monde de brutes.

Chronique « Merci »

Scénario de Zidrou, dessin de Arno Monin,

Pour adultes & Adolescents, Fable contemporaine
Paru chez Grand Angle, le 29 novembre 2014, 54 pages couleurs, 14,90 euros.

L’histoire

Bredenne, dans la Marne. 9974 habitants et presque autant d’âmes.
Au poste de police, Merci Zylberajch (si, si c’est son prénom !), à peine 16 ans et gothique jusqu’au bout des ongles, fait sa déposition en tapotant sans arrêt sur son portable. Arrêtée pour avoir tagué des mots grossiers sur la facade de Parmentier, elle est libérée…en attendant son jugement.
Agnetha et Frida, ses 2 copines (et complices qu’elle n’a pas balancé), l’attendent sagement.
Sept jours plus tard, Merci est attendue au tribunal des enfants. Le juge Pirlot a prévu une alternative à la prison : une “prestation éducative et philanthropique”, comme ils appellent ça…
Avec sa mère âgée et handicapée, Merci se la joue “la faute à pas de chance” et plaide la cause des ados, dans une ville qui ne proposent des activités qu’aux bambins et aux vieillards.
Qu’a cela ne tienne ! Pirlot envoie Mademoiselle Zylberajch développer à la mairie un projet durable en faveur des adolescents…

Le contexte

Revoici ma dose de Zidrou !
Après “Lydie”, “La peau de l’ours”, “La mondaine”, ou “Pendant que le roi de prusse…” et j’en passe, Zidrou (Benoit Drousie) revient chez un nouvel éditeur (Grand angle) pour nous offrir sa balade du moment.
Cette fois-ci, c’est à Merci Zylberajch qu’il colle aux basques. Une adolescente bien de chez nous, gentiment gothique, en rébellion contre le reste du monde. Quoi de plus normal à son âge ?
La demoiselle, 16 ans tout mouillé, est à l’étroit dans sa bourgade perdue entre le périph’ et Disneyland Paris, et un quotidien pas facile (une mère aimante mais très âgée et handicapée). Dans cette banlieue sans avenirs, Merci fait des conneries pour occuper le temps et montrer qu’elle existe. Quand elle se fait attraper pour un tag ordurier de trop, c’est à la Mairie que le juge du tribunal pour enfants l’envoie purger sa peine…histoire de la mettre face à ses contradictions. Les Politiques sont tous pourris et incapables ? Soit, mais qu’est ce qu’elle propose, elle ?

Ce que j’en pense

Une fois de plus, Zidrou pose son récit avec une belle sensibilité. Il brosse des portraits de personnages à vifs, souvent décalés, parfois abîmés, mais toujours d’une justesse incroyable.
Portés par des dialogues contemporains et souvent cocasses (Si vous avez aimé “Les vieux fourneaux” de Lupano, vous devriez apprécier), il n’oublie personne dans sa galerie de “petites gens”. Les parents des copines “drogués” au groupe ABBA, le juge au grand coeur, les attachés de mairie; chaque rôle, aussi bref soit-il, est traité avec respect et empathie.

Au milieu de tous ses personnages, Merci s’en va trouver le bonheur et la passion qui lui font défaut… par la poésie et son représentant local, le grand Cheneval.
L’idée est belle, mais j’ai eu du mal à adhérer. Comment une ado’ (mal dans sa peau) pourrait-elle être touchée par la grace de la poésie du 19e siècle ? Le slam c’est de la poésie chantée, soit, mais on est pas dans la même ambiance quand-même…
Ce parti-pris est d’autant plus difficile à accepter que l’histoire arrive à son terme très (trop ?) rapidement. Dans la foule de personnages (que Zidrou détaille avec bonheur) il en oublierai presque le développement de son “intrigue” principale. On arrive à la fin avec un arrière-goût de “c’est déjà fini ?”

Malgré tout, la lecture de “Merci” est un générateur de bonnes ondes. Pour rêver d’un monde meilleur, apprécier nos voisins, ou se rappeler que tout le monde a le droit à une seconde chance, je vous recommande “Merci” comme un médecin vous prescrit une cure de vitamines avant les frimas hivernaux. Merci Monsieur Zidrou !

Le dessin

Arno Monin, le jeune dessinateur de « L’Envolée sauvage” et “L’enfant maudit” entame ici une nouvelle collaboration. Comme à son habitude, Zidrou a choisit un dessinateur capable d’une grande expressivité graphique.
Son trait semi-réaliste fait mouche dans ce récit contemporain et sensible. Au diapason total avec le récit, il dessine une galerie de portraits vrais, drôles et touchants.
Si les décors sont quasi-inexistants en début d’album, il prouve par la suite tout sa maîtrise pour mettre en image cette balade-fable contemporaine, au cadre aussi banal que mon trajet quotidien en RER.
Avec un plaisir évident, Arno Monin pose un dessin assez sobre, en évitant coûte que coûte d’en faire trop. La mise-en-place très franco-belge (3 ou 4 bandes) est elle aussi très sage.
Seule ombre au tableau, les couleurs très saturées typent l’album dans un style “jeunesse”, malgré le ton “doux-amer”.
“J’avoue, ça le fait” (comme dirait Merci) !

Pour résumer

Raconter “l’envolée” d’une ado’ gothique, par la découverte de la poésie du 19e siècle ? Seul Zidrou tente l’essai et marque ! Avec Arno Monin au dessin, les auteurs nous racontent une fable du quotidien, plus amère que sucrée, qui dégage de bonnes ondes.
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