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Canardo T5: L'Amerzone, de Sokal

Publié le 23 décembre 2014 par 7bd @7BD
L'amerzone, Canardo T5 de Sokal chez Casterman, couverture Série : Canardo Titre: L'Amerzone 
Auteur : Sokal
Editeur : Casterman Année : 1986 Résumé : Un nouveau coup d'état secoue la république bananière d'Amerzone. Qui dit nouveau président dit Amnistie. Ainsi, le vieux Valembois, explorateur et ami de l'ancien dictateur est libéré. C'est là qu'arrive notre canard préféré, chargé d'escorter Valembois pour lui faire quitter le pays et le ramener à sa famille. Mais, bien entendu, rien ne va se passer comme prévu, étant donné que Valembois n'a nullement l'intention de quitter l'Amerzone avant d'avoir réalisé un dernier rêve... Mon avis : Sokal revisite le classique mythe du cimetière des éléphants et le résultat vaut vraiment le détour. Canardo, toujours aussi attachant, va se retrouver dans une aventure complexe. Il doit non seulement gérer un papy bavard et têtu qui ne veut pas le suivre mais aussi un pays en ébullition et toute une flopée de citoyens plus ou moins bien portants à la morale fluctuante qui vont lui mettre le plus souvent des bâtons dans les roues. On se demande comment cette histoire va finir. D'autant qu'elle prend un tournant plus étrange encore quand on découvre le but de Valembois. Canardo ne manque donc pas d'obstacles et va même recroiser une vieille connaissance dont je vous laisse la surprise, ce qui, on s'en doute, ne va pas arranger ses affaires. En plus de ce pays hostile, Sokal réussit à donner un sens plus profond à son œuvre. La quête de Valembois et sa finalité offrent à l'auteur l'occasion, au travers de ses personnages, de poser une réflexion plus philosophique sur le rêve et l'homme – Bien qu'ici, il s'agisse d'animaux anthropomorphisés -. Depuis le début de cette série et dans ses cinq premiers tomes, il y a un petit côté métaphysique derrière l'histoire, qui m'a toujours laissé ému à la fermeture d'un volume. Avec L'Amerzone, c'est cet aspect que Sokal achève d'explorer. A partir du septième tome, on rejoint des polars animaliers, cyniques, drôles, déjantés parfois, critiquant la société, mais il n'y a plus cette mélancolie, cette sinistrose qui plane sur l'Amerzone, qu'on retrouve dans le chien Debout ou La Mort Douce. Si les humains manifestaient une curieuse présence dans les premiers et quatrième tomee, ils quittent ici définitivement la scène. Pourtant, l'Amerzone nous touche. Je m'attache à ce vieux briscard un peu foldingue de Valembois, je voudrais protéger la petite Carmen, et je me prend à rêver des jours meilleurs pour ce petit pays. Mais corruption, haine, colère, violence sont malheureusement bien là. L'Amerzone ne fait pas exception à la règle, le sang coule et les morts se ramassent à la pelle(teuse). Les personnages secondaires aussi restent en mémoire, comme ce petit fonctionnaire manipulé de bout en bout, ce père un peu fêlé qui habille les indigènes en sous-vêtements. Si la BD est assez bavarde, les silences pesants trouvent leur place et savent tout autant imposer une ambiance lourde. L'oscar du crachoir revient à Valembois qui nous abreuve tout au long de l'histoire de ses pensées, de sa vie, de ses ambitions, de ses déceptions et surtout de son rêve un peu fou. Mais n'avons-nous pas tous des rêves un peu fous ? Si le réalisme de certaines situations – la survie dans la jungle hostile – n'est pas flagrant, on oublie vite pour se laisser porter par cette histoire étrange et surtout envoutante. Quant à la montagne, c'est là que se situe l'objectif et la fin du voyage pour notre petit groupe. Paradoxalement, l'escalade n'est pas source d'obstacles. C'est l'occasion de découvrir un peu plus nos personnages, d'affronter leurs bascules et leur changements. Et la révélation située dans les cimes, le dénouement de l'histoire, réserve quelques surprises que le même le grand air montagnard ne saura pas faire passer. Sokal sait nous rendre l'aspect poisseux de cet univers. Son trait mélangeant tête animale et corps humains fonctionne à merveille, certes dans un style moins réaliste que son successeur Blacksad, mais tout aussi fort. Les décors réalistes sont toujours présents, même si parfois, ils s'effacent pour laisser s'exprimer un personnage. Les couleurs sont lourdes et même la jungle tropicale ne laisse pas éclater son vert habituel. Ces couleurs sont à l'image de l'ambiance : sombre. Graphiquement, cet album marque un tournant. Si le style de Sokal reste inchangé dans les tomes suivants, le papier passe d'un papier mat, épais à un papier glacé qui – comment pourrais-je le décrire – a tendance à effacer le « grain » du dessin. Les premiers fans de la série comprendront ce que je veux dire. A mes yeux, il s'est passé la même chose pour XIII. Ainsi, à cause d'un simple aspect technique, le dessin perd de sa force, de cette lourdeur qui ancre les personnages un peu plus dans un monde dense et coagulant. Plus on se rapproche des grands espaces, plus le cadrage donne l'impression de s'élargir et de se libérer. Même si quelques bandes d'une case posent discrètement des ambiances. Le cadrage joue beaucoup sur des plans rapprochés. Quelques dessins demi-planches permettent de resituer joliment l'homme – pardon, l'animal – dans l'espace. Bien que chargé, le graphisme ne nous perd jamais dans les actions des personnages. Sokal a su imposer sa patte autant aux pinceaux qu'à la plume dans ce bel album Pour la petite histoire, on pourra noter que l'histoire - justement - de ce pays ne s'arrête pas là car Sokal, qui a délaissé un temps la BD pour se tourner vers le Jeu vidéo, a sorti quelques années après ce récit un « petit » jeu d'aventure répondant au doux nom de « L'Amerzone ». On notera que le scénario fait intervenir Valembois et Alvarez mais c'est le seul pont entre le jeu et la BD. Les différences de la vie de ces personnages entre Jeu et BD font qu'on ne peut même pas voir l'un comme la suite ou le prédécesseur de l'autre. D'autant que dans le jeu, il s'agit d'humains et non plus d'animaux ! Et comme une bonne nouvelle n'arrive jamais seul, vous pouvez depuis cette année, rejouer au jeu sur iOs et Androïd !  Mais ne vous attendez pas – loin de là – à retrouver l'ambiance de Canardo. Deux histoires, deux ambiances totalement différentes. Mais qui n'a jamais rêvé d'explorer l'Amerzone ? L'Amerzone porte bien son nom, les personnages garderont en bouche un goût amer de cette aventure et nous lecteurs, c'est avec émotion qu'on reposera cet album, avec l'envie d'aller relire les premiers tomes de cette curieuse série qu'a été l'inspecteur Canardo à ses débuts ou même avec simplement l'envie de refeuilleter ce récit d'aventure. 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