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Chronique politique du Pérou, octobre 2014

Publié le 13 octobre 2014 par Slal

Chronique politique du Pérou, octobre 2014

Un autre changement du gouvernement et des élections régionales et municipales marquées par la violence et la corruption

Mariella Villasante Cervello
Anthropologue, Chercheuse associée à l'IDEHPUCP, Lima

Depuis le mois de juin, le pays vit sous le signe des préparatifs des élections municipales et des présidents des 25 régions. Le Jurado nacional de elecciones (JNE) a fermé l'inscription des candidatures le 7 juillet, et il estimait qu'environ 100 mille candidats participeraient aux élections prévues le 5 octobre. Les campagnes ont été cependant marquées par un taux important de dénonciations pour corruption, y compris pour les présidences régionales, et par des actes d'une rare violence politique ; trois candidats ont été assassinés (Huánuco, Junín et Tumbes), plusieurs ont été menacés, et un attentat contre un convoi de police s'est soldé par la mort de deux policiers dans la région d'Ayacucho. Le convoi allait de Pichari à Huamanga pour protéger la distribution du matériel électoral dans la région en état d'urgence du VRAEM (vallée des fleuves Apurímac, Ene et Mantaro). Il fut attaqué par une colonne de terroristes du Sentier Lumineux commandés par le « camarade Dino » dans la zone d'Ayna (La Mar). Depuis le mois de septembre, les senderistes dirigés par la « camarade Olga », s'activaient dans les villages dans la province de Huanta pour appeler au boycott des élections. Cette attaque s'est donc produite dans un contexte d'opposition violente des rémanents senderistes contre l'affirmation du processus démocratique en œuvre dans cette zone d'Ayacucho qui était au cœur de la guerre civile péruvienne http://www.larepublica.pe/04-10-2014/dos-policias-muertos-en-otra-emboscada-senderista-en-el-vraem.

Les résultats des élections

Au total, ce sont près de 21 millions de Péruviens qui ont voté pour élire 12,000 autorités régionales et locales pour la période allant de 2015 à 2018. Ont été élus 25 présidents régionaux, 195 maires de province, 1647 maires de district, ainsi que 25 présidents adjoints, 294 conseillers régionaux, 1751 regidores de province et enfin 8775 conseillers de district http://www.larepublica.pe/05-10-2014/21-millones-de-peruanos-acuden-hoy-a-las-urnas-para-elegir-a-12692-autoridades .

Les résultats des élections ont été confirmés à 100% le 7 octobre. L'ancien maire de Lima, Luis Castañeda Lossio a retrouvé son poste avec 50,7% des voix, alors que la maire actuelle, Susana Villararán, n'a obtenu que 10,5%, et Enrique Cornejo 17,6%. Le Conseil métropolitain de Lima, qui compte 40 membres, sera donc dominé par le parti du nouveau maire, Solidaridad nacional (22), suivi par l'APRA (8), Diálogo vecinal (5), Perú patria segura (2), PPC (1) et le parti fujimorista Fuerza popular (1). Susana Villarán, qui a été la première maire de la capitale à restructurer le système du transport et le trafic chaotique de la ville, dominé par les mafias locales, a annoncé qu'elle restera pour faire de la « bonne politique » pour la ville et pour le pays. Les fonctionnaires élus de sa mouvance, Diálogo vecinal, ont informé de leur décision de surveiller de près la continuité des réformes entamées dans la période qui se termine, louant le travail déployé par Susana Villarán. Dans les régions, à l'exception de Loreto, Cajamarca et Ucayali, aucune majorité suffisante ne s'est dégagée le 5 octobre pour élire un nouveau président et on devra procéder à un second tour, prévu en novembre.
voir http://www.larepublica.pe/infografia/elecciones2014/#mapa.

Les priorités du gouvernement à deux ans de la fin du mandat d'Humala

Le gouvernement qui se trouve au milieu du mandat a été encore une fois remanié dans un contexte général marqué par la crise économique et par la baisse notable de la popularité du président Humala. Dans un entretien accordé le 2 juin, le président a reconnu que le pays ressentait les effets de la crise internationale tout en assurant qu'il était préparé à l'affronter grâce à la politique d'investissements privés. En fait, la croissance du pays a subi de plein fouet les effets de la crise, et elle passée de 2,9% pendant les sept premiers mois de l'année à 0,3% en juin ; la reprise s'est néanmoins amorcée en juillet, qui a affiché 1,16% de croissance. Nous sommes cependant très loin des estimations trop optimistes du début de l'année, qui prévoyaient un rythme soutenu de 4 à 5%. Le 12 juin, le président annonçait que le conseil de ministres avait adopté des mesures pour modifier le système tributaire, favoriser l'investissement privé dans les secteurs clés de l'économie (mines et pétrole notamment), et permettre la réduction des coûts des petites, moyennes et grandes entreprises. Autant de mesures destinées, d'après le président, à favoriser la modernisation véritable de l'industrie nationale qui reste peu centralisée, avec des travailleurs peu qualifiés et des petites unités de production http://www.larepublica.pe/12-06-2014/humala-anuncio-paquete-para-impulsar-economia, http://www.larepublica.pe/16-09-2014/pbi-crecio-116-en-julio-impulsado-por-mas-creditos-de-consumo.

De fait, selon une enquête récente de l'Institut national de statistique (INEI), 74% des emplois au pays restent informels, ce qui représente un obstacle de taille pour développer l'industrie nationale moderne que le gouvernement appelle de ses vœux. Selon l'INEI, l'emploi informel ne s'est réduit que de 4,5% entre 2007 et 2012. L'économie informelle produit des biens et des services à petite échelle mais elle n'est pas enregistrée dans les bureaux publics et ses travailleurs ne bénéficient d'aucune protection sociale. Elle présente une part très importante du secteur rural (53%), mais elle n'est pas négligeable dans le commerce (19%), la manufacture (10%), les transports et les communications (8%), et le secteur hôtelier (6%). En zone urbaine, l'indice des travaux informels reste très élevé (85%) http://www.larepublica.pe/05-06-2014/un-743-de-los-empleos-en-el-peru-son-informales. Beaucoup d'efforts restent donc à accomplir pour moderniser réellement l'économie, le travail et la productivité, qui ne se résument pas, comme le prétend le gouvernement, aux investissements du secteur privé dans l'exploitation des mines, du gaz et du pétrole. Enfin, un rapport récent du PNUD considère que les améliorations de la macro-économie ne concernent pas tous les Péruviens et que 40% peuvent retomber dans la pauvreté http://www.larepublica.pe/27-08-2014/un-40-de-peruanos-puede-regresar-a-la-pobreza.

Les problèmes relatifs à la sécurité civile et à la corruption qui continue à sévir dans tous les secteurs de la vie publique ont également été abordés par le président qui, le 2 juin, annonçait que la police disposait de 20,000 agents supplémentaires et qu'à la fin de l'année elle devrait en avoir 10 ,000 autres. D'autre part, il a exhorté la population à faire confiance à la police et à dénoncer les délits et surtout les cas de crime organisé, dont seulement 20-25% d'entre eux arrivent jusqu'aux forces de l'ordre.

Dans son message à la nation du 29 juillet, Ollanta Humala a repris ces thèmes et il a précisé qu'il y aurait des grands coups de filet contre le crime organisé qui sévit dans tout le pays. Mais avant tout, il réclame de grands efforts pour lutter contre la corruption au sein même des forces de police et de l'armée, cause principale de la méfiance des populations à leur encontre. http://www.larepublica.pe/29-07-2014/ollanta-humala-se-perfilo-hacia-sus-dos-ultimos-anos-de-gobierno.

Les priorités des deux prochaines années iront à la lutte contre l'insécurité, l'éducation et la santé. Actuellement 15% du budget de l'État est consacré à l'éducation (l'un des taux les plus bas de l'Amérique latine). En 2015, l'investissement public dans l'éducation augmentera de 4 mille millions de soles, soit 17% du budget ainsi que 3,5% du PBI du pays. Plus précisément, la formation des enseignants sera revalorisée, on investira dans l'infrastructure éducative, la gestion de l'éducation et la qualité de l'apprentissage. http://www.minedu.gob.pe/n/noticia.php ?id=28866 . L'inégalité d'accès à l'éducation reste très importante au pays, et les brèches sont énormes entre le secteur urbain et le secteur rural. Sur un total de 7% d'analphabètes, 19% vivent en zone rurale pour 3% en zone urbaine ; 4% sont des hommes et 10% de femmes. 40% de la population urbaine a reçu une éducation secondaire, mais seulement 28% en zone rurale. Enfin, il n'y a que 31% de jeunes qui ont reçu une formation supérieure (15% technique et 16% universitaire). De manière générale, l'éducation publique reste désastreuse et seules certaines écoles et universités privées proposent une formation digne de ce nom.

Une nouvelle loi université, qui modernise le système des autorités et la formation des étudiants, a été votée en juin. Elle a entraîné un rejet massif de la part de tous les acteurs en raison des nouvelles exigences imposées aussi bien aux autorités, aux professeurs qu'aux étudiants. La loi met en place un contrôle de la qualité des universités publiques et privées exercé par une nouvelle instance du ministère de l'Éducation (SUNEU), qui remplace l'ancienne Assemblée des recteurs (ANR). En second lieu, les étudiants sont tenus de présenter des mémoires de fin d'études pour obtenir le bachillerato et la licence, alors que les maîtrises et les doctorats réclament, en plus des mémoires, la maîtrise de deux langues vivantes. L'opposition à ces mesures qui tentent de moderniser le système universitaire existant, de qualité médiocre ou mauvaise sauf dans certaines universités privées, trahit une attitude réactionnaire et/ou conservatrice car opposée au progrès éducatif http://www.larepublica.pe/26-06-2014/ley-universitaria-pleno-del-congreso-aprueba-hoy-proyecto. Cela a été confirmé lorsque l'ancien président Alan García, qui affronte la justice pour divers scandales financiers, a déclaré que s'il revient à la présidence du pays, il « rétablira l'ancienne loi universitaire » car la loi qui vient d'être adoptée par Humala montre, d'après lui, « l'interventionnisme de l'État » dans les affaires universitaires http://www.larepublica.pe/28-06-2014/alan-garcia-sobre-ley-universitaria-el-chavismo-humalista-comete-un-crimen. Heureusement que García a peu de chances de revenir au pouvoir…

Cette position conservatrice est à son tour reliée à l'état lamentable de l'éducation péruvienne, qui persiste depuis des décennies ; le pays possède le triste record d'avoir été classé dernier dans le classement PISA (Programme d'évaluation internationale d'élèves) de 2013. Les épreuves adressées aux enfants de 15 ans dans 65 pays concernaient les mathématiques, la compréhension de la lecture et les sciences. Les enfants péruviens ont obtenu 368, 384 et 373 points respectivement, ce qui les a relégués en soixante-cinquième position. Cette évaluation mondiale s'effectue chaque année, la prochaine sera réalisée en 2015. http://www.americatv.com.pe/cuarto-poder/reportajes/lecciones-prueba-pisa-peru-ultimo-comprension-lectora-matematicas-y-ciencias-noticia-2800.

Pour ce qui est de la santé, Humala a affirmé dans son message à la nation qu'il effectue les réformes les plus importantes de la dernière décennie, et que les programmes de protection sociale seront améliorés encore par la création d'autres services destinés aux nourrissons (un kit offert à la naissance), mais aussi à la détection des cancers, à l'envoi de spécialistes et à la distribution des médicaments dans les régions les plus déshéritées. Les investissements en infrastructure seront également augmentés jusqu'à la fin de sa gestion.

Un thème très important qui n'a pas été touché dans les discours présidentiels concerne la question de la décentralisation des régions et la création de macro-régions proposée dans une loi restée lettre morte en 2002. Depuis l'installation de l'actuel gouvernement, la décentralisation a été oubliée, alors qu'il s'agissait de créer des espaces régionaux plus grands (réunissant de manière transversale les trois régions de la côte, la sierra et l'Amazonie), afin de mieux relier le territoire, favoriser une économie à grande échelle et réduire la dépense publique. Cependant, l'ancien président Toledo, qui proposa cette réforme territoriale, commit l'erreur de convoquer les élections régionales alors que les régions n'existaient pas encore. Une loi de « mancomunidades municipales » fut votée en 2011, mais le règlement de la loi fut freiné par le Congrès. Le ministère de l'économie ne créa pas non plus d'unité d'exécution macro-régionale. Malgré tout, est née en 2011 une Mancomunidad de Los Andes réunissant Ayacucho, Huancavelica, Apurímac, puis Ica et Junín. Cette instance ne dispose cependant pas des moyens de se développer car, en fin de comptes, le gouvernement favorise la tendance à la re-centralisation http://www.larepublica.pe/18-06-2014/mancomunidades-tabla-de-salvacion-para-reimpulsar-la-regionalizacion.

Sur le plan de la politique extérieure, deux événements méritent d'être mentionnés. D'abord la rencontre du président Humala avec le président François Hollande, à Paris, le 1er juin, au cours de laquelle il a été décidé d'élargir les relations bilatérales à travers la coopération en matière de santé, de défense et d'éducation. L'accord entre le Pérou et l'Union européenne sera ratifié avant la fin de cette année, notamment autour de la question de la réduction des gaz à effet de serre. Humala a également assisté au VIe Forum économique international d'Amérique latine et le Caraïbe, organisé par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE), et il a eu une réunion avec les membres du MEDEF.

Photo 1 : Rencontre entre Humala et Hollande, Archives de La República

En second lieu, Humala a rencontré le président de la Colombie, Eduardo Santos, dans la ville d'Iquitos. Ils se sont mis d'accord pour lutter contre le crime organisé autour du trafic de drogue sur la zone frontalière entre les deux pays, et récupérer le bassin du fleuve Putumayo http://www.larepublica.pe/01-10-2014/humala-y-santos-se-comprometen-a-recuperar-el-putumayo

Changement de gouvernement et divisions au sein du parti nationaliste

L'ex-premier ministre, René Cornejo, en poste depuis le 24 février, a présenté sa démission le 22 juillet, à la demande du président Humala. Cornejo n'avait jamais pu s'imposer à la tête du gouvernement ; il n'avait pas reçu le vote de confiance du parlement car on l'accusait de suivre les ordres de la première dame, Nadine Heredia. Et peu de temps après, le congressiste Victor García Belaunde révéla que l'entreprise dont Cornejo faisait partie (Corporación Helios) avait passé des contrats avec l'État entre 2011 et 2013 pour un million de dollars. Une commission fut nommée pour éclaircir cette grave accusation de collusion, mais elle n'a pas rendu son rapport. Le groupe parlementaire d'opposition d'Acción popular (droite traditionnelle) et Frente amplio (diverses gauches) présenta alors une dénonciation constitutionnelle à son encontre pour association illicite et trafic d'influences. Finalement, Cornejo fut accusé par des journalistes de fomenter un complot contre García Belaunde dans le but d'obtenir 9 voix en faveur de la candidate du gouvernement à la présidence du congrès, Ana María Solórzano. Ce fut la goutte de trop.

Depuis plusieurs mois les problèmes de division interne au sein du parti nationaliste au pouvoir ont empiré du fait du rôle ambigu de Nadine Heredia, la première dame. Elle avait été élue à la tête du parti tout en continuant à jouer le rôle de conseillère de l'ombre de son époux à partir de son bureau (non déclaré comme tel, mais agissant bel et bien dans l'administration du pays). Au fil des mois, le pouvoir personnel de Heredia au sein du gouvernement a grandi et on la soupçonne d'avoir imposé la nouvelle Première ministre, son amie et alliée Ana Jara, ainsi que d'avoir poussé la candidature de son autre amie et alliée Ana María Solórzano à la présidence du congrès. Jara avait occupé les postes de ministre de la Femme (décembre 2011), et de ministre du Travail (février 2014) ; elle a une formation d'avocate dans l'université d'Ica et appartient à la très influente église évangéliste. Le 20 août, elle a présenté son programme au sein du congrès, mais elle a eu à affronter de fortes critiques de la part des groupes d'opposition et a éprouvé toutes les peines du monde à obtenir le vote de confiance de celui-ci http://www.larepublica.pe/21-08-2014/ana-jara-lanzo-su-programa-y-oposicion-pidio-cambios-al-gobierno.

Photo 2 : Nouveau gouvernement, Premier ministre Jara, Archivos de La República

L'installation du sixième Premier ministre en deux ans et demi de gouvernement montre à l'évidence la faiblesse de cette administration et l'excessif pouvoir du couple présidentiel dans ces nominations pour lesquelles la « loyauté » des candidats au couple présidentiel semble être le principal critère de sélection. Cette faiblesse est aussi visible dans le parti nationaliste, dont six membres et congressistes ont créé une nouvelle « bancada » (faction au parlement), nommée Dignidad y democracia le 25 juillet. Ils expliquent leur décision par le manque de lien entre les promesses de campagne de la Grande Transformation, et les politiques adoptées par le président et ses alliés depuis 2011. Il s'agit de la seconde vague de dissidence, la première ayant eu lieu en 2012, lorsque quatre congressistes s'étaient éloignés du parti nationaliste. Il y a donc actuellement neuf groupes au sein du congrès, ce qui l'affaiblit considérablement et rendra difficiles les décisions politiques http://www.larepublica.pe/25-07-2014/nacionalistas-disidentes-confirman-su-alejamiento-y-forman-una-nueva-bancada.

Infographie des groupes du Congrès péruvien, Archivos de La República

Le vote pour la présidence du congrès a été particulièrement difficile pour le parti au pouvoir, et finalement sa candidate, Solórzano, ne l'a emporté que de justesse, avec 59 voix contre 57 des opposants http://www.larepublica.pe/24-07-2014/oficialismo-y-oposicion-luchan-por-respaldo-para-presidir-congreso.

Photo 4 : Solórzano, nouvelle présidente du congrès, Archivos de La República

L'opposition a réussi à s'affirmer au sein du parlement et elle a fait preuve de ses capacités de nuisance face à un nouveau gouvernement qui peine à s'affirmer, alors que la popularité du président Humala est descendue à 20% ces derniers mois. C'est ainsi que, le 21 août, le congrès refusa le vote de confiance à la Première ministre (avec 50 voix pour, 69 abstentions et une voix contre). L'opposition exigeait la démission du ministre de l'Énergie et des mines, Eleodoro Mayorga, qui affronte de graves accusations sur sa participation dans des lobbies illégaux. Elle exigeait également une solution à la longue grève des médecins, proche de cent jours, ainsi que la démission du ministre de l'Économie, soupçonné de favoriser des intérêts particuliers. Les fujimoristes exigeaient pour leur part que le gouvernement ne soutienne pas la candidature de Diego García Sayán, actuel président de la Cour interaméricaine des droits humains de l'OEA, au secrétariat général de l'OEA. Mais, de manière surprenante, l'opposition n'a pas exigé la démission du ministre de l'Intérieur, Daniel Urresti, qui affronte des graves accusations de violation de droits humains http://www.larepublica.pe/22-08-2014/premier-en-su-hora-mas-dificil-mientras-oposicion-evalua-su-decision.

Finalement, le 26 août, le décompte d'un nouveau vote du parlement eut pour résultat : 54 voix à la Première ministre Jara, 54 voix contre, et 9 abstentions ; l'impasse qui s'ensuivait fut résolue par la présidente du parlement, Ana María Solórzano, qui attribua son vote à Ana Jara http://www.larepublica.pe/26-08-2014/congreso-vota-cuestion-de-confianza-para-gabinete-jara-por-tercera-vez# !foto1.

Le 15 septembre, le ministre de l'Économie Luis Castilla a démissionné « pour des raisons personnelles », et il a été remplacé par son proche collaborateur et chef de cabinet, Alonso Segura. Ce changement n'est pas étranger à la demande du départ de Castilla de la part des groupes d'opposition, et en même temps, il permet de comprendre que le gouvernement compte bien poursuivre la politique libérale adoptée quelques mois après la prise du pouvoir par le président Humala http://www.larepublica.pe/15-09-2014/segura-toma-cartera-marcada-por-afp-y-desaceleracion.

Photo 5 : Nouveau ministre de l'économie, Archivos de La República

En outre, le ministre de l'Intérieur, Daniel Urresti, est resté au gouvernement alors qu'il est accusé d'avoir participé à l'assassinat du journaliste Bustios lorsqu'il était dans l'armée dans une zone en état d'urgence, ce qu'il nie en bloc alors que quatre témoignages ont été présentés à son encontre http://www.larepublica.pe/03-07-2014/ministro-urresti-dice-que-es-inocente-pero-cuatro-testimonios-lo-acusan, http://www.larepublica.pe/13-07-2014/no-estuve-presente-en-la-muerte-del-periodista-dice-acusador-de-urresti.
Photo 6 : Ministre de l'intérieur Daniel Urresti, Archivos de La República

Un nouveau parti dirigé par Alberto Fujimori : Avanza, frente libertad

Dans un contexte général marqué par la disparition progressive des partis politiques, et par l'essor des groupes de pouvoir et autres lobbies proches des milieux d'affaires, la faction qui soutient l'ancien dictateur Alberto Fujimori, dite « albertista », a tenu une réunion fondatrice en juillet, toujours avec le soutien indéfectible de l'homme d'affaires German Kruger Espantoso. Le but était de lancer la candidature présidentielle d'Alberto Fujimori et de faire la présentation de son avocat William Castillo comme tête de liste au congrès. Kruger demanda de soutenir la création du nouveau parti, y compris les membres de Fuerza popular, le parti officiel dirigé par Keiko Fujimori, fille du dictateur. L'avocat déclara pour sa part que durant le gouvernement de Fujimori il n'y eut ni crimes ni massacres, le négationnisme reste donc de mise dans cette mouvance qui prétend faire revenir Fujimori au pouvoir http://www.larepublica.pe/21-07-2014/los-fujimoristas-pugnan-por-reinventarse-con-un-nuevo-partido-para-el-2016.

De son côté, Mario Vargas Llosa a tenu à réitérer récemment sa mise en garde contre les risques que présenterait la candidature de Keiko Fujimori aux élections présidentielles de 2016, déclarant qu'il compte assumer la direction d'une campagne à son encontre et pour la défense de la démocratie au Pérou. Il considère en effet que la première mesure qu'elle prendra serait de faire libérer son père http://www.larepublica.pe/25-09-2014/vargas-llosa-reitera-riesgos-de-candidatura-fujimorista.

Photo 7 : Mario Vargas Llosa se prononce contre Keiko Fujimori. Archives de La República

Violences lors des élections municipales et régionales du 5 octobre 2014

Les élections municipales et régionales ont soulevé une vague de violence et de corruption impressionnantes dans le pays. Huit présidents des régions affrontent le pouvoir judiciaire, mais tentent, malgré cela, leur réélection. Plusieurs candidats aux postes municipales affrontent, eux aussi, des dénonciations de vol et de violations sexuelles http://www.larepublica.pe/09-07-2014/poder-judicial-investiga-por-corrupcion-a-ocho-presidentes-regionales, http://www.larepublica.pe/18-08-2014/violadores-y-ladrones-tambien-postulan-en-estas-elecciones Comme on le notait dans l'introduction de cette chronique, trois candidats aux élections municipales à Huánuco, à Tumbes et à Junín ont été assassinés durant le mois d'août et certains candidats ont reçu des menaces de mort pour qu'ils abandonnent leurs candidatures. Les forces de l'ordre considèrent que les commanditaires des menaces et des crimes commis sont liés aux bandes mafieuses qui tentent de maintenir leur pression sur les autorités locales afin de poursuivre leurs activités aux marges de la loi. Les auteurs des crimes sont, quant à eux, des délinquants qui agissent sur « contrats », des tueurs à gages dits sicarios http://www.larepublica.pe/16-08-2014/sicarios-matan-a-candidato-y-alcalde-distrital-en-huanuco, http://www.larepublica.pe/17-08-2014/en-huanuco-demandan-investigar-asesinato-por-encargo-de-cuatro-alcaldes.

Cependant, un cas évident de crime politique a eu lieu dans le district de San Martín de Pangoa (Satipo, Junín), où le candidat très populaire — surtout chez les Ashaninka et Nomatsiguenga, majoritaires dans la zone—, a été tué par balle le 27 août http://www.larepublica.pe/28-09-2014/asesinan-a-candidato-favorito-para-ganar-una-alcaldia-en-junin.

Photo 8 : Candidat Villazana, San Martín de Pangoa, Archivos de La República

Eduardo Vega, Defensor del pueblo, a exprimé sa préoccupation devant le climat de violence qui règne dans certaines régions et il a lancé un appel au calme et au respect des résultats des élections du 5 octobre http://www.larepublica.pe/politica/editorial-02-10-2014. Les agressions contre les candidats aux élections se sont poursuivies jusqu'à la veille des élections dans les districts de Curgos (La Libertad), de Ferreñafe (Chiclayo) et de Celendín (Cajamarca). Depuis le début du mois de septembre, on compte 17 tentatives d'assassinat dans 13 régions du pays selon un rapport de la Defensoría del pueblo [ http://www.larepublica.pe/05-10-2014/atentados-contra-candidatos-no-cesaron-ni-en-vispera-de-las-elecciones.

Le jour même des élections, trois personnes ont perdu la vie et une quarantaine ont été blessées lors d'assauts contre des commissariats et des centres de vote où les foules voulaient brûler les bulletins, pour protester contre les résultats annoncés. Selon le ministre de l'Intérieur, on a relevé 34 incidents violents dans le pays. Dans deux districts de Huancavelica et d'Ica, les foules ont détruit 80% des bulletins. Mais le pire est arrivé dans le district de Mazán (Loreto), où Samuel Macedo (43 ans) a perdu la vie au cours d'un affrontement sur le lieu de vote. Dans le district de San Jacinto (Tumbes), Carmen Soria (30 ans) a reçu une balle perdue lors d'un affrontement entre la foule et la police. Dans le district de Yamango (Morropón, Piura), l'étudiant Kevin López (17 ans) a reçu, lui aussi, une balle perdue au cours d'un affrontement entre une foule qui tentait de brûler les urnes et la police. D'autres incidents mineurs ont eu lieu dans les provinces de Yauyos, de Cañete et de Huarochirí (Lima), et dans les districts de Pucusana, Punta Hermosa et San Martín de Porres. Enfin, des bulletins de vote ont été brûlés dans les districts de Socos (Ayacucho) et d'Utcubamba (Amazonas) http://www.larepublica.pe/07-10-2014/3-muertos-y-decenas-de-heridos-dejan-actos-vandalicos-en-proceso-electoral.

Criminalité et Justice

La situation d'insécurité civile reste marquée par l'augmentation du taux de criminalité dans tout le pays, mais tout particulièrement dans les secteurs de construction civile et dans les régions d'exploitation de matières premières (gaz, pétrole, or, bois). En juillet, on estimait qu'il existait environ soixante syndicats du crime organisé qui menacent et exigent des payements illégaux (cupos) aux entreprises de construction civile à Lima http://www.larepublica.pe/17-07-2014/hay-unos-60-sindicatos-que-extorsionan-en-obras-de-construccion-civil-en-lima. Ces groupes exigent des paiements pouvant aller jusqu'à 170,000 dollars pour apporter leur « protection » aux chantiers de la capitale, devenus très nombreux grâce à la croissance des années précédentes. La police déclare avoir démantelé 121 bandes au cours des quatre dernières années http://www.larepublica.pe/18-07-2014/sindicatos-cobran-hasta-us-170-mil-por-dar-seguridad-a-obras-de-construccion. Chaque groupe mafieux marque son territoire en affichant les noms des victimes et, dans certains cas, ils s'assurent de la protection de policiers corrompus qui reçoivent, eux aussi, un paiement pour leur collaboration.

Parmi les derniers cas de corruption à grande échelle, on doit mentionner le triste cas de l'ancien colonel Benedicto Jiménez, l'un des chefs du groupe spécial de la police (GEIN) qui a capturé Abimael Guzmán le 12 septembre 1992. Jiménez, jadis considéré comme un héros national, a été accusé de travailler dans l'organisation mafieuse dirigée par Rodolfo Orellana et sa sœur Ludith, qui contrôlait un vaste réseau de blanchiment d'un argent issu du trafic de drogue qui était investi dans des transactions immobilières. Ils disposaient de comptes dans le pays, à Panama et en Colombie. Le ministère public accuse Jiménez d'avoir dirigé le réseau d'espionnage et d'intimidation des autorités et des journalistes enquêtant sur le cas Orellana. Jiménez était aussi partenaire ou représentant de certaines entreprises des Orellana dans le pays. Il rejette les accusations en bloc, mais les preuves contre lui sont accablantes.

Photo 9 : Benedicto Jimenez [en rouge], héros déchu devenu criminel, Archives de La República

Au début juillet, le juge Marco Tejada a ordonné la levée du secret bancaire de 35 comptes nationaux et internationaux des frères Orellana et la mise sous contrôle judiciaire de leurs sept entreprises. Les deux malfaiteurs ont un mandat d'arrêt contre eux mais ils restent introuvables http://www.larepublica.pe/03-07-2014/bloquean-35-cuentas-bancarias-de-la-organizacion-orellana, http://www.larepublica.pe/20-07-2014/para-fiscal-evidencias-de-nexos-entre-jimenez-y-orellana-son-firmes.

Le procureur estimait le 13 septembre que le réseau d'Orellana avait lavé environ 100 millions de dollars dans des trafics de terrains et autres activités illégales (proxénétisme, traite de personnes et trafic de drogue). Le 16 septembre, la police découvrit deux agendas que les frères Orellana et Benedicto Jiménez dissimulaient dans un local de San Borja (Lima). On y trouva les noms et les fonctions de près de 200 policiers qui travaillaient pour les Orellana, et qui appartenaient à divers services de police directement liés à la lutte contre les activités mafieuses. Citons ici : Dirección antidrogas, Dirección de investigación criminal, Dirección contra la corrupción, Dirección contra el terrorismo, Dirección de migraciones, Dirección de seguridad de penales, Interpol, División de lavado de activos, División de requisitorias, División de la policía judicial, División de estafas, División de la trata de personas, Oficina de inteligencia de VIIe région policial de Lima. Les policiers incriminés doivent faire 'objet d'une enquête interne et être renvoyés sur le champ en cas de confirmation de leur participation dans les réseaux d'Orellana.

Notons enfin que les organisations criminelles mexicaines qui contrôlaient l'exportation de la drogue dans la région du VRAEM ont été exclues par un cartel brésilien dès le début du mois de septembre alors qu'on apprenait le 27 septembre que les cultures de coca avaient augmenté de 818% dans la région du trapèze amazonien http://www.larepublica.pe/04-09-2014/cartel-brasileno-despoja-a-mexicanos-del-control-de-la-droga-que-sale-del-vraem, http://www.larepublica.pe/27-09-2014/cultivos-de-hoja-de-coca-aumentaron-hasta-en-818-en-trapecio-amazonico.

La situation des droits humains

Au début du mois de juillet, le gouvernement a approuvé le Plan national des droits humains lors du conseil de ministres décentralisé réalisé dans la ville de Cusco. Il s'agit de renforcer le volet des droits humains dans les politiques publiques, de développer un programme d'éducation et de formation dans la matière, de prêter une attention spéciale aux mécanismes d'accès à la justice et de lutter contre la malnutrition infantile. D'autres mesures favorisent la population afro-péruvienne, soutiennent la lutte contre la violence faite aux femmes, devenue un fléau national, et visent à prévenir les conflits sociaux. Le ministre de Justice, Daniel Figallo, a déclaré que le plan donne priorité à la santé des femmes et des enfants, aux populations indigènes et aux malades de SIDA. Les dénonciations contre la discrimination seront réunies dans un seul registre et les personnes concernées recevront une défense légale publique http://www.larepublica.pe/07-07-2014/gobierno-aprueba-plan-nacional-de-derechos-humanos-2014-2016.

Photo 10 : Conseil de ministres à Cusco, Archives de La República

Si ce plan des droits humains tient compte de quelques domaines importants, il reste complètement silencieux sur des thèmes urgents dans la conjoncture actuelle et qui sont attente depuis une dizaine d'années. Il s'agit en premier lieu du Registre unique des victimes de la guerre interne, qui a été déclaré clos, mais aussi du Plan national des réparations qui est bloqué par manque de crédits, et enfin du manque de législation sérieuse sur la Loi de consultation préalable, restée lettre morte depuis deux ans http://www.larepublica.pe/09-08-2014/demandan-al-estado-por-cierre-de-registro-unico-de-victimas. De son côté, le Defensor del Pueblo, César Vega, a souligné le manque de mesures précises relatives aux victimes de la violence terroriste, mais aussi aux employées des maisons et aux personnes migrantes et sans ressources http://www.larepublica.pe/13-07-2014/reclaman-por-plan-nacional-de-derechos-humanos. Des associations de victimes de la violence ont critiqué fortement le plan national des droits humains, et le gouvernement a fini par annoncer, le 1er septembre, qu'il accorderait 59 millions de soles aux familles des victimes de la violence http://www.larepublica.pe/18-07-2014/victimas-de-la-violencia-critican-plan-nacional-de-ddhh, http://www.larepublica.pe/01-09-2014/estado-destinara-59-millones-a-victimas-de-la-violencia-politica.

Deux lieux de mémoire bien différents : Huancayo et Lima

Le Lugar de la memoria de la región de Junín [Yalpana Wasi], a été inauguré au cours de la première semaine du mois de mai dans la ville de Huancayo, la capitale régionale. L'édifice de cinq étages est un ouvrage dû au président régional, Vladimir Cerrón, dont le père fut victime de la violence dans l'université de Huancayo, où il fut assassiné par le commando Rodrigo Franco. Le bâtiment de ce premier lieu de mémoire du pays, que j'ai visité en mai 2014, prête une attention particulière à la guerre interne dans le contexte géographique et culturel de Junín. L'équipe chargée de la mise en place de la partie muséographique propose un parcours très intéressant qui met en valeur les richesses culturelles régionales et qui synthétise le processus de violence déployé pendant plusieurs années. Des photographies de personnes et de lieux s'accompagnent de la présentation des entretiens des victimes ou de proches de celles-ci. Une section spéciale a été consacrée aux Ashaninka et aux Nomatsiguenga, qui ont souffert énormément de la folie terroriste de Sentier Lumineux dans ses camps de mort. [Voir mon texte : http://idehpucp.pucp.edu.pe/comunicaciones/notas-informativas/se-inaugura-el-lugar-de-la-memoria-en-junin.

Photo 11 : Le lieu de mémoire de la région de Junín, Huancayo, M. Villasante, mai 2014

Le Lugar de memoria de Lima était en construction depuis plusieurs années, grâce au concours financier de la coopération allemande et de l'Union européenne. L'édifice situé en face de la mer, assez mal conçu et mal placé, n'était pas encore achevé en juin ; cela n'a pas empêché les responsables du lieu — notamment Diego García Sayán (troisième président du « LUM », après Salomón Lerner et Mario Vargas Llosa) et Denise Ledgard (directrice exécutive) —, d'annoncer l'inauguration de la salle de conférences le 4 juin, le même jour qu'à Huancayo. Il s'agissait, de toute évidence, de ne pas permettre qu'un Lieu de mémoire de province efface le « lustre » qui devait marquer l'inauguration du Lieu de Lima. http://www.larepublica.pe/04-06-2014/hoy-se-inauguran-las-areas-culturales-del-lugar-de-la-memoria-tolerancia-e-inclusion.

Il n'en reste pas moins que le Lieu de mémoire de Junín, qui n'a pas eu à affronter les mêmes luttes de pouvoir qu'à Lima, est bien plus représentatif de ce que les Péruviens de la région et du pays entier attendent d'un lieu où se souvenir de la période de violence. Cela d'autant plus que le sens accordé au Lugar de memoria de Lima a complètement changé puisque l'intention initiale de présenter la collection de photographies de la guerre interne exposée au Musée de la nation, et de reprendre les recommandations du Rapport final de la Commission de la vérité et la réconciliation, a disparu ou a été dénaturée. On met désormais en avant le seul aspect « d'espace culturel » dans lequel la période de violence est conçue comme faisant partie « du passé » qu'on ne veut ni voir ni affronter.

Denise Ledgard déclarait ainsi à la télévision, après l'inauguration, « qu'il ne fallait pas s'attarder sur le passé mais regarder vers le futur » et « qu'il n'y avait pas une vérité politique mais plusieurs vérités », remettant ainsi en question les acquis du Rapport final de la Commission de la vérité et la réconciliation. Cette situation lamentable conduit à se poser des questions sur le désordre conceptuel et matériel qui règne sur la mise en place du Lieu de mémoire de Lima, dont on ne sait même pas s'il dépendra toujours du ministère des Affaires étrangères, ou s'il passera sous le contrôle du ministère de la Culture. On ignore également s'il s'agit d'une affaire d'incompétence et de mauvais choix dans la nomination des responsables, ou si ce sont des raisons de politique politicienne qui expliquent le chaos actuel.

Des violences militaires contre des paysans à Huancavelica

Le 17 juillet, le Bureau du procureur de Huancayo a ouvert une enquête sur la bavure militaire du 23 mai contre une famille paysanne du village d'Uchuy Sihuis (Tintay Puncu, Huancavelica). Ce jour là, une colonne formée par l'armée, la force aérienne et la police nationale est entrée dans le village pour réaliser une « patrouille de contrôle territorial ». Selon les villageois, les militaires ouvrirent le feu dans la maison d'Abelardo Chávez, et en firent de même dans huit autres maisons ; à la fin de cette intervention sauvage, Olinda García, qui était enceinte, fut tuée, une autre femme gravement blessée et plusieurs hommes reçurent des coups. La version officielle affirme que les soldats sont entrés dans trois maisons du village où ils ont trouvé des grenades, des cartouches, des DVD et du matériel subversif. Trois « délinquants terroristes » auraient attaqué la colonne militaire, raison pour laquelle les soldats auraient dû ouvrir le feu http://www.larepublica.pe/05-06-2014/pobladores-de-uchuy-sihuis-piden-justicia-por-la-violencia-desatada.

Photo 12 : Funérailles de Olinda García, Uchuy Sihuis, Archives de La República

Abelardo Chávez, l'un des sept paysans qui ont porté plainte contre les militaires de la base anti-subversive de Huachocolpa, qui dépend de Huancayo, a déclaré en juillet que les militaires l'avaient enduit d'huile et menacé de le brûler s'il ne déclarait pas où se trouvait son « ordinateur portable ». Cinq autres paysans ont déclaré avoir été victimes de tortures ; ils furent attachés avec des fils de fer aux pieds et aux mains, « comme des animaux », et on leur fit manger de la boue, tandis qu'on les frappaient à coup de pied et de fusils. Des méthodes identiques à celles employées durant la guerre civile. Les militaires les accusaient d'être des « senderistes » de la bande des frères Quispe Palomino. Le ministre de Défense, Pedro Cateriano, a déclaré que le chef du Commandement spécial du VRAEM, le général Leonardo Longa, a été relevé de ses fonctions pour cette bavure. Cateriano a demandé au chef de Forces armées, le général Leonel Cabrera Pino, une enquête sur les faits pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. http://www.larepublica.pe/17-07-2014/me-rociaron-con-aceite-y-tenian-una-vela-encendida-querian-que-dijeramos-que-eramos-terroristas.

La violence continue chez les Ashaninka

Après avoir été le peuple amazonien le plus touché par la guerre civile et par l'idéologie totalitaire et sanguinaire du Sentier Lumineux, les Ashaninka continuent à affronter les agressions des colons métis qui tentent de s'emparer de leurs ressources naturelles. Le 1er septembre, quatre dirigeants ashaninka de la région d'Ucayali ont été tués par une bande de « narco-madereros », des exploitants de bois illégaux, qui pillent les territoires des indigènes et bénéficient du soutien des narcotrafiquants locaux. Edwin Chota, président de la communauté de Saweto (Masisea, Ucayali), et les membres de son comité de direction, Leoncio Quinticima, Jorge Ríos et Francisco Pinedo, étaient partis à Apiutxa, une communauté ashaninka du Brésil, afin de coordonner la défense de leurs territoires contre les narcotrafiquants et les voleurs de bois http://www.larepublica.pe/10-09-2014/acusan-a-narcomadereros-del-asesinato-de-dirigentes-indigenas, http://www.larepublica.pe/politica/editorial-13-09-2014.

Photo 13 : Edwin Chota, dirigeant ashaninka assassiné, Archives de La República

Les corps des quatre dirigeants ont été retrouvés par la police et le ministère public qui a constaté qu'ils avaient été tués par balle, puis découpés et éparpillés pour rendre leur identification difficile, voire impossible http://elcomercio.pe/peru/ucayali/ashaninkas-mas-restos-ashaninkas-asesinados-fueron-encontrados-ucayali-noticia-1758664 ?ref=nota_peru&ft;=mod]. Ces crimes odieux contre des indigènes amazoniens ont reçu toute l'attention indispensable de la part des autorités et des médias, les responsables ont été identifiés rapidement : il s'agit de Adeuzo Mapez et son fils Eurico, qui avaient déjà été dénoncés par Edwin Chota car ils étaient les bras armés de José Carlos Estrada Huayta, administrateur de l'entreprise Eco Forestal Ucayali Ecofu, et probable commanditaire des meurtres. Les criminels ont été capturés et le procureur d'Ucayali Percy Vidal a demandé neuf mois de prison préventive http://www.larepublica.pe/27-09-2014/prision-preventiva-para-talador-ilegal-investigado-por-crimen-de-ashaninkas. Les veuves des dirigeants assassinés demandent que les crimes ne restent pas impunis http://www.larepublica.pe/15-09-2014/viudas-de-ashaninkas-asesinados-piden-que-crimen-no-quede-impune.

Le ministre du Travail, Fredy Otarola, a annoncé le 3 octobre que le gouvernement attribuera les titres de propriété à la communauté de Saweto et va lancer trois projets de développement qui devront bénéficier aux six-cents Ashaninka de cette zone de frontière avec le Brésil où l'État péruvien est inexistant. De plus, un commissariat devrait être installé rapidement. http://elcomercio.pe/peru/ucayali/gobierno-evalua-dar-titulos-propiedad-ashaninkas-noticia-1761556.

Il faut noter qu'un autre leader indigène kakataibo craint pour sa vie ; il s'agit de Washington Bolívar Díaz, qui depuis une décennie dénonce les agissements des exploitants illégaux de bois, avec le soutien et le concours des autorités locales du district d'Aguaytía, province Padre Abad de la région d'Ucayali. Il a été reçu par le Defensor del Pueblo Eduardo Vega le 16 septembre, et a demandé son soutien pour l'obtention des titres de propriété de leurs communautés, qu'elles attendent depuis 25 ans http://www.larepublica.pe/17-09-2014/otro-lider-nativo-denuncia-que-madereros-ilegales-lo-han-amenazado-de-muerte.

Découvertes des sites d'inhumation ashaninka

Les 4 et 12 juin, l'Équipe d'anthropologie légale a effectué une seconde visite dans les fosses communes de Mapotoa et Yaynapango, où ont été découverts une centaine de corps en mai dernier, et dont j'ai proposé une présentation en juin dernier [voir La violence de masse chez les Ashaninka du Pérou, http://www.ameriquelatine.msh-paris.fr/spip.php ?article839.

En juin, les experts ont exhumé le corps de Maribel María Contreras, tuée au début des années 1990 par les senderistes, et ils ont transféré ses restes à Satipo. Les spécialistes ont enregistré 60 fiches ante mortem avec les témoignages des proches des victimes ; en prévision de découverte de nouvelles fosses communes, ils ont pris également 26 échantillons de sang des proches de 45 victimes pour l'analyse ADN http://www.larepublica.pe/16-06-2014/exhuman-restos-de-mujer-ashaninka-victima-de-sendero-luminoso. La présence de l'Équipe d'anthropologie légale a réactivé la demande au gouvernement des habitants de Mapotoa et Yaynapango d'installer une école pour la cinquantaine d'enfants qui y vivent. De fait, comme on l'a vu précédemment, le gouvernement a lancé un « Plan national de droits humains », mais il ne fait rien pour les zones les plus touchées par la violence senderiste de la forêt centrale, tout particulièrement les Ashaninka et les Nomatsiguenga qui ont été décimés pendant la guerre par la folie senderiste. On peut se demander s'il s'agit d'incompétence pure et simple des fonctionnaires, ou de l'abandon conscient des zones amazoniennes qui se répète sans discontinuité.

Photo 14 : Experts en médicine légale à Mapotoa, Archives de La República

Précisons enfin qu'un groupe d'Ashaninka composé de cinq adultes et de six enfants, qui se trouvait encore prisonnier dans un camp senderiste de la région du VRAEM a été récupéré par les forces de l'ordre le 20 septembre. Ils étaient tous originaires de la communauté de Puerto Ocopa (District de Río Tambo, Junín), et ils ont été reçus par leurs proches qui les ont reconnus malgré les trente années passées. Le ministre adjoint de la Défense, Iván Vega, se trouvait présent le jour des retrouvailles et il a déclaré que l'État continuerait à travailler pour libérer tous ceux qui sont encore retenus et soumis au travail forcé [La República du 21 septembre]. Cette libération prouve ainsi que, malgré la grande indifférence et le déni qui l'entourent, l'existence de prisonniers dans des camps communistes au Pérou est un fait avéré, et que certaines autorités au moins en sont conscientes.

Nouvelles de Los Cabitos, de Chungui et du sanctuaire de La Hoyada

Entre 2005 et 2009, ont été récupérés 109 restes humains dans des fosses communes situées dans la zone dite La Hoyada, à côté de la sinistre base militaire Los Cabitos (Huamanga, Ayacucho), où les victimes étaient torturées, tuées, parfois brûlées dans des fours, ou enterrées à la hâte dans des fosses communes. Ivan Vargas, expert en médicine légale, a déclaré que les restes se trouvaient dans deux fosses ; 27 corps présentent des traces de torture, plusieurs ont des orifices de balle dans la tête. Les habits retrouvés ont été exposés dans le Centre d'information pour la mémoire collective de la Defensoría del Pueblo, à Lima. Plusieurs proches des victimes ont identifié les habits. La procureur Carmen Luz Ibañez, chargée du dossier de Los Cabitos, était présente lors des identifications. De son côté, le coordonnateur des droits humains, Victor Cubas, déclara que l'on avait découvert jusqu'à présent quelque 1500 corps sur un total estimé à 15 000 disparus ; il considère cependant qu'on a besoin d'une politique spéciale, au-delà du cadre judiciaire, pour avancer dans l'identification des personnes disparues et dégager d'autres fosses communes non encore découvertes. Il s'agit d'un travail lent et ardu, comme le remarque le directeur de l'équipe péruvienne d'anthropologie légale, José Pablo Baraybar, qui rappelle qu'ils ont analysé plus de 500 échantillons d'environ 50 personnes trouvées à Los Cabitos, mais que trois d'entre elles seulement ont été identifiées, ce qui montre le degré de difficulté et les limitations du processus.

La congressiste Marisol Perez soutient cette position et elle a demandé au gouvernement de présenter un projet de loi qui serait élaboré en coordination avec les associations des victimes ; elle considère que jusqu'à présent « il manque une volonté politique » pour entreprendre cette action http://www.larepublica.pe/10-09-2014/buscan-identificar-a-50-personas-exhumadas-de-los-cabitos, http://www.larepublica.pe/13-09-2014/familiares-de-tres-desaparecidos-reconocen-prendas-exhumadas-en-fosas-junto-al-cuartel-los-cabitos.

Photo 15 : Restes humains trouvés à Los Cabitos, Archives de La República

A la mi-septembre, l'Équipe de médecine légale du ministère public a exhumé 21 corps de paysans tués par les sinchis [Police anti-subversive] le 14 juillet 1984 dans la région de Chungui (La Mar, Ayacucho) ; les corps des 9 autres victimes du massacre n'ont cependant pas encore été retrouvés. Parmi les restes, qui furent transférés à Huamanga, les experts ont pu identifier 10 enfants et une femme enceinte. Les restes se trouvaient à l'intérieur d'un champ de culture de la communauté de Paqcha, distribués dans deux grandes fosses rectangulaires distantes d'environ 80 mètres. Les proches des victimes accompagnaient les experts et les aideront à identifier les corps retrouvés à l'aide des habits http://www.larepublica.pe/15-09-2014/exhuman-21-cadaveres-de-quienes-fueron-victimas-de-los-sinchis-en-chungui. Rappelons que la région de Chungui et d'Oreja de Perro tomba aux mains des senderistes entre 1982 et 1987, et qu'au cours de cette période 1 381 personnes, sur un total estimé à 5 000, trouvèrent la mort, notamment dans les camps de la mort communistes créés selon le modèle maoïste en Chine. [Voir Villasante, sous presse, Les camps du Sentier Lumineux chez les Quechua et chez les Ashaninka durant la guerre civile au Pérou (1980-2000), Encyclopédie de la violence de masses, On Line].

Le 12 août, le ministre de la Justice et des droits humains, Daniel Figallo, a effectué la donation formelle des terrains de La Hoyada, à Ayacucho, qui servit de lieu d'enterrement pour les victimes des militaires durant la guerre civile. L'État devra y construire un sanctuaire de la mémoire où les proches des victimes pourront venir prier et apporter des offrandes florales à leurs parents. Le Defensor del Pueblo, Eduardo Vega et le Dr Salomón Lerner, ancien président de la Commission de vérité et réconciliation, ont assisté à la cérémonie http://www.larepublica.pe/12-08-2014/construiran-santuario-en-memoria-de-desaparecidos

Libération des dirigeants du MOVADEF/Sentier Lumineux

Au début du mois d'août, Alfredo Crespo, Carlos Gamero et quatre autres dirigeants du Mouvement pour l'amnistie et les droits fondamentaux (MOVADEF), association de façade du Sentier Lumineux, dirigé par Abimael Guzmán depuis sa prison, ont été libérés. Le pouvoir judiciaire a ordonné leur libération par manque de preuves du ministère public, alors qu'ils se trouvaient en prison préventive depuis le mois d'avril pour leurs liens avec l'organisation terroriste Sentier Lumineux. La décision a été âprement critiquée, y compris par le président Humala. De son côté, le procureur anti-terrorisme Julio Galindo a présenté un recours en nullité devant la salle pénale contre la décision judiciaire http://www.larepublica.pe/06-08-2014/cupula-del-movadef-sale-de-prision-pese-a-pruebas-de-la-fiscalia. Le chef de la division de terrorisme métropolitain de la DIRCOTE, Oscar Manuel Arriola, qui avait participé à la capture de Crespo, avocat de Guzmán, et d'une vingtaine de membres du MOVADEF, a déclaré qu'il envisageait que les juges qui ont ordonné cette libération aient pu recevoir des menaces. Il considère néanmoins que les preuves matérielles que son bureau, ainsi que le ministère public, ont fourni au pouvoir judiciaire sont accablantes et témoignent des liens directs entre Sentier Lumineux et MOVADEF dans trois domaines : crimes de terrorisme, affiliation à une organisation terroriste, et trafic de drogue pour financer le terrorisme. Il a ainsi été prouvé qu'Alfredo Crespo, Carlos Gamero, Walter Huamachumo, Olmer Apac, Fernando Olórtegui et Cindy Raymondi appartiennent à Sentier Lumineux et ont purgé des peines pour ce délit. Arriola considère enfin que le MOVADEF et le Sentier Lumineux sont une même organisation terroriste qui est en train de se reconstituer pour reprendre leur « lutte armée contre l'État péruvien » http://www.larepublica.pe/09-08-2014/movadef-no-es-el-brazo-politico-es-el-mismo-sendero-rojo-y-sangriento.

Devant la gravité des faits, le 8 août, le pouvoir judiciaire a décidé de renvoyer les juges qui ont libéré les membres du MOVADEF. Toutefois cette mesure a été condamnée par les magistrats car ils considèrent que ces changements ont des effets sur les procès en cours et mettent en danger leur indépendance pour résoudre les causes. En conséquence, les juges de la chambre pénale nationale ont demandé l'intervention de la Cour suprême pour prendre une décision sur la question. De son côté l'Institut de défense légale (IDL), a déclaré que la décision du Conseil exécutif du pouvoir judiciaire de renvoyer les juges du cas MOVADEF représente un danger pour l'indépendance interne et fait le jeu à MOVADEF dans ses réclamations devant les instances internationales sur le manque de garanties pour ses procès http://www.larepublica.pe/08-08-2014/pj-cambia-a-jueces-que-excarcelaron-a-cupula-del-movadef.

Photo 16 : Alfredo Crespo, avocat d'Abimael Guzmán et président du MOVADEF-PCP-SL (Archives de La República

Épilogue

Cette dernière période a été marquée par l'affaiblissement de l'économie du pays qui connaît désormais les effets de la crise mondiale, largement sous-estimée par le gouvernement d'Humala qui voulait faire croire que le Pérou resterait en dehors de celle-ci. Cela était faux, et il est également faux d'affirmer que la reprise économique est possible rapidement. Comme dans les autres pays sud-américains, et dans le reste du monde, le Pérou devra affronter une longue période de récession et d'appauvrissement des familles qui sortaient à peine de la situation de pauvreté. En conséquence, le mirage de voir le pays devenir un « pays émergent » s'effondre et la tendance au maintien du sous-développement se confirme pour les années à venir. Cette situation montre à l'évidence que les gouvernements de l'après-guerre (Toledo, García, Humala) n'ont pas su proposer des programmes de réforme structurelle dans les domaines de l'éducation, de l'infrastructure et de l'industrialisation.

Sur le plan politique, le gouvernement a également montré sa faiblesse institutionnelle dans la gestion des affaires du pays et il semble insensible aux scandales qui éclaboussent plusieurs ministres, notamment Daniel Urresti, ministre de l'Intérieur. Il faut dire que les affaires de corruption deviennent de plus en plus courantes, et ce à tous les niveaux du gouvernement et de la société. La recrudescence de la criminalité sous forme de contrats d'assassinats la rapproche de celle du Brésil, de la Colombie et du Mexique, et elle représente un nouveau palier dans la violence ordinaire que connaît le pays lors de cette phase d'après-guerre.

La violence a marqué également les élections régionales et municipales, à des niveaux jamais enregistrés auparavant. Cette situation pourrait être associée à la disparition des partis politiques, impliquant des affrontements directs entre des personnalités dont le rôle de « caudillos » n'échappe à personne. Dans les régions, mais aussi dans les villes, les groupes d'intérêt et leurs clientèles se redéfinissent à chaque nouvelle élection, c'est-à-dire tous les quatre ans, ce qui laisse la porte ouverte à des méthodes de pression, d'intimidation, voire à des attentats, comme on a vu récemment. Cela dit, les actes de vandalisme et de contestation violente des élections montrent aussi que les voies d'action politique violente se sont banalisées et qu'on ne craint plus ni la répression ni les séquelles.

Dans le contexte électoral, comment comprendre le triomphe d'un ex-maire de Lima qui a été accusé de corruption ? Le fait peut paraître surprenant, pour ne pas dire incompréhensible. Or, comme avance mon collègue anthropologue Guillermo Nelson (communication personnelle), Susana Villarán avait commencé son mandat avec plus d'idéologie que d'actions sur le terrain, alors que depuis plusieurs années les Liméniens avaient adopté le nouveau modèle inauguré par Andrade, poursuivi par Castañeda, de « maires exécutifs » qui opèrent en privilégiant la visibilité. De plus, dans le contexte de délitement de la morale politique, et de la morale tout court, les électeurs semblent se soucier très peu des qualités éthiques des candidats, et la majorité considère que les scandales qui éclaboussent Castañeda ne l'empêcheront pas d'« œuvrer » pour la ville. Dans ce triste contexte, le niveau éducatif très bas des Péruviens, derniers au classement de PISA, et les héritages néfastes de l'époque de la corruption généralisée de Fujimori, expliquent aussi le vote pour Castañeda. A cela s'ajoute enfin la composante de racisme à l'envers qui joue contre Susana Villarán, jugée « trop blanche », avec une image de « patronne condescendante ». On voit bien ainsi que le boom économique qu'a connu le pays, n'entre en correspondance ni avec le niveau éducatif, ni avec la culture politique des Liméniens et des Péruviens en général.

On soulignera enfin les avancées impressionnantes, dans le contexte d'indifférence face à la guerre civile, des équipes d'anthropologie légale dans la découverte et l'identification des victimes de cette guerre qui a fait probablement plus de 70,000 morts estimés par la Commission de vérité. Il s'agit d'un travail long et ardu, accompli avec très peu des moyens, mais avec un grand sérieux par les spécialistes. La justice avance aussi, même lentement, pour dévoiler le véritable visage de l'organisation terroriste MOVADEF, dont les liens politiques avec le sinistre Abimael Guzmán et son idéologie communiste de violence sont évidents.

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