Par Jean Quatremer.
Nicolas Sarkozy devrait annoncer, mercredi, à l'occasion d'un voyage officiel à Varsovie, l'ouverture totale des frontières françaises aux travailleurs des pays d'Europe de l'Est dès le second semestre 2008, et ce, sans attendre la fin de la période transitoire, le 1er mai 2011. Cette annonce sera sans nul doute appréciée dans la patrie du célèbre "plombier polonai" qui avait défrayé la chronique lors du référendum français sur la Constitution européenne, les tenants du "non" brandissant le spectre d'une arrivée massive de travailleurs sous-payés.Reste que le geste du Président de la République est sans risque : le déferlement redouté n'a pas eu lieu dans les États de la vieille Europe qui ont ouvert leurs frontières sans attendre, ce qui est le cas de tous les anciens États membres sauf l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Danemark et la France. Ce n'est pas vraiment une surprise : lorsque l'Espagne et le Portugal ont adhéré à l'Union, une longue période transitoire avait aussi été prévue...et finalement abandonnée en cours de chemin. Car, personne n'a envie de quitter son pays sauf nécessité : or les nouveaux États membres les plus pauvres connaissent tous un boom économique à la fois grâce à la libre circulation (des marchandises, des capitaux et des services) et aux fonds structurels (aides financières), ce qui offre suffisamment d'opportunités sur place.
Le système mis en place lors de l'adhésion des huit pays d'Europe de l'Est - plus Chypre et Malte -, le 1er mai 2004, comporte trois étapes. D'abord une période deux ans pendant laquelle les États pouvaient continuer à traiter les ressortissants des pays de l'Est comme des ressortissants non communautaires pour l'accès au marché du travail. Seules la Grande-Bretagne, l'Irlande et la Suède ont immédiatement levé toute restriction à la libre circulation. Ensuite, les États pouvaient prolonger la fermeture de leurs frontières pendant une seconde période de 3 ans, jusqu'au 30 avril 2009. La plupart des États membres ont alors décidé de ne pas le faire. L'Italie, par exemple, s'est aperçue que les quotas qu'elle avait fixés étaient loin d'être atteints. La France, elle, a ouvert partiellement ses portes en donnant libre accès à 150 professions depuis 2006. Or, là aussi, on n'a constaté aucun afflux (moins de 800 demandes sur les huit derniers mois de 2006). D'où la décision de Sarkozy d'en finir avec ce système humiliant pour les pays d'Europe de l'Est. Mais attention : cette ouverture ne concerne ni la Bulgarie, ni la Roumanie quiFr ont adhéré le 1er janvier 2007 et dont le régime transitoire n'est censé prendre fin que le 1er janvier 2014. Et avec le problème que rencontre l'Italie avec les Tsiganes roumains, il est douteux que la France lève ses contrôles rapidement...
L'Élysée a aussi dû prendre connaissance de la situation en Grande-Bretagne : alors que plus d'un million de ressortissants des pays de l'Est se sont installés outre-Manche depuis 2004, la moitié a déjà regagné son pays d'origine. Ce chiffre est issu d'une copieuse étude menée par un think tank britannique, l'Institute for Public Policy Research (IPPR) sur la base d'un échantillonnage, aucune statistique de sortie du territoire n'existant (on compte seulement les cartes de séjour...). Une estimation que corroborent les chiffres publiés par le Home office britannique qui montrent que le nombre de ressortissants des pays de l'Est s'installant au Royaume-Uni est à son plus bas niveau depuis 2005. Les demandes d'emploi ont ainsi chuté de 13 % pour le premier trimestre 2008 par rapport à la même période de 2007.
Pour l'IPPR, l'ouverture des frontières a donc plus fonctionné comme un « tourniquet qu'une vanne ». Autrement dit, les Européens n'émigrent que rarement, mais viennent pour travailler un temps, gagner de l'argent, apprendre une langue, avant de repartir chez eux. Cela semble donner raison à ceux qui s'opposent à la politique de fermeture des frontières menées par les pays européens : faute d'avoir la possibilité d'aller et de venir, les immigrants des pays tiers s'installent définitivement en Europe, ce qui pose de véritables problèmes d'intégration. Un chercheur comme Patrick Weil estime ainsi que l'on devrait accorder un visa permanent à tous les étudiants étrangers qui pourraient ainsi tenter leurs chances chez eux sans crainte de ne pouvoir revenir au lieu, pour une partie d'entre eux, de chercher à tout prix à rester dans le pays d'accueil.
Jean QUATREMER, comité éditorial de Relatio-europe, journaliste à Libération, animateur des "Coulisses de Bruxelles"
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