Les services à la personne en Europe
Les services à la personne se sont largement développés et professionnalisés en France, au début des années 1990. Afin de soutenir ce mouvement, dont la demande répondait à un véritable besoin des ménages, le gouvernement français a mis en place différents dispositifs financiers.
Plusieurs pays européens voisins en ont fait de même, dans les années qui ont suivi. Le soutien des services à la personne apparaît aujourd'hui comme une nécessité en Europe car ces métiers apportent des solutions à des problématiques concrètes, rencontrées par les populations. Au niveau de l'emploi, il devenait en effet essentiel de réglementer ces professions, afin de lutter contre le travail non-déclaré, mais aussi d'offrir de nouveaux débouchés à des personnes peu qualifiées.
Actuellement en Europe, les emplois non-déclarés dans les services à la personne constituent en effet de 15 % en Suède à 80 % des effectifs pour l'Allemagne, d'où la nécessité d'agir concrètement. D'un point de vue sociétal, le vieillissement de la population et le développement du travail des femmes ont fait émerger de nouveaux besoins : l'assistance à domicile des personnes âgées et la garde d'enfants notamment. Mais il ne s'agit là que de quelques exemples.
Gouvernance et organisation des services à la personne en Europe
Dans leur étude, Hélène Garner et Noël Leuthereau-Morel ont analysé la gouvernance et l'organisation des services à la personne dans six pays de l'Union européenne : l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique, l'Espagne, la Finlande et la Suède. Le but de cette étude était de comparer les différents types d'organisations, de mettre en évidence les pratique communes des gouvernements dans le domaine des service à la personne et d'analyser les moyens spécifiques mis en oeuvre par chacun.
Le premier constat des deux experts est la différence de catégorisation des services à la personne selon les pays. En effet, contrairement à la France, tous les services à la personne ne sont pas regroupés dans un même secteur. Ils sont dissociés dans trois catégories distinctes : les services d'aide aux personnes "dépendantes" (personnes âgées et / ou en situation de handicap), les prestations de garde d'enfants et les prestations dites "de confort" (ménage, repassage, blanchisserie...). Il semble que ce soient ces derniers services les plus sollicités (par les foyers les plus aisés) et les plus massivement soutenus par les pays étudiés. Ce segment d'offres se révèle en outre le mieux structuré de tous.
Hélène Garner et Noël Leuthereau-Morel se sont ensuite penchés sur les différentes aides financières mises en place par chaque gouvernement pour permettre aux ménages d'accéder plus facilement aux services à la personne. Mais en réalité, cette démarche a une double vocation : il s'agit également de professionnaliser les services à la personne et d'encourager les individus qui pratiquent ces métiers, à le faire de manière déclarée. En effet, ces aides des états incitent les ménages à avoir recours à de vraies entreprises et non à des personnes qui travaillent "au noir", car cela leur apporte une aide financière. Ainsi, les ménages qui font appel aux services à la personne peuvent bénéficier, selon les pays, de réductions fiscales (la réduction d'impôt est par exemple de 50 % en France), d'exonérations sociales (par exemple en Espagne), de crédits d'impôts ou d'allocations directes (par exemple en Suède et en Belgique). Les aides peuvent être versées, sous forme de chèque ou monétaire, par l'État ou les autorités locales. En comparaison avec ces pays, la France est celui qui propose les dispositifs les plus importants.
De plus en plus de structures privées
Le deuxième constat des deux experts concerne les structures qui proposent les services à la personne et leur évolution. En effet, de plus en plus de sociétés privées se spécialisent dans la vente de ce type de prestations, et de moins en moins d'organismes publics et d'associations s'en chargent. Certains ménages embauchent aussi des professionnels indépendants déclarés directement. Cet état des lieux mène à un troisième constat : la nécessité pour les gouvernements européens d'organiser et de contrôler ces structures commerciales d'un nouveau genre, de règlementer leurs métiers et de mettre en place des dispositifs pour octroyer aux ménages les aides financières liées aux services à la personne. Les deux experts notent également une différence importante de qualité de services entre ceux dispensés par les pouvoirs publics et associations à but non lucratif, et ceux commercialisés par les structures privées. Les secondes proposant des prestations de qualité bien inférieure.
Les aides financières
Dans leur rapport, Hélène Garner et Noël Leuthereau-Morel font un quatrième constat : dans chaque pays étudié, la mise en place de dispositifs d'aides financières a permis aux ménages de recourir plus facilement aux services à la personne, favorisant grandement leur développement. Et d'ailleurs, dans un premier leur quantité a été favorisé, pour répondre à une demande précise, au détriment de la qualité des services proposés. Car la qualité des prestations offertes s'est révélée mauvaise, comme l'explique le rapport. Selon les deux experts, cette multiplication de professionnels et de structures commerciales spécialisées s'est faite au détriment de la qualité des prestations fournies. Ils estiment que la raison principale à cela, ce sont les personnels mal qualifiés. En effet, les professionnels sont recrutés parmi des populations fragiles : travailleurs seniors, travailleurs immigrés, personnes éloignées de l'emploi... Le nombre d'individus de plus de 45 ans et provenant de pays étrangers (Polonais, Russes, Sud-Américains, Africains...) est en effet très important. (Les femmes sont également très représentées dans les services à la personne).
Les conditions de travail
L'émergence des métiers de services à la personne et la manière dont les structures prestataires sont organisées ne permettent pas, à l'heure actuelle, de pérenniser les emplois et d'offrir à chaque ménage des prestations totalement satisfaisantes. Car si les services sont de qualité médiocre dans ce secteur, c'est également le cas de l'emploi. Actuellement, seuls 10 % des professionnels sont embauchés en CDI. Les contrats à temps complet sont rares et les horaires sont bien souvent fractionnés. Les CDD proposés sont plutôt courts. Les conditions de travail sont très difficiles, en raison notamment de la nécessité de se déplacer de domicile en domicile, et les rémunérations sont basses. En ce qui concerne la création d'emplois dans ce secteur, elle varie selon les pays. En Espagne, elle aurait permis de créer 56 000 postes en équivalent temps plein.
Enfin, il y a peu de perspectives d'évolution dans ce secteur. Cet état de fait serait particulièrement manifeste dans les services à la personne "de confort". Le rapport conclut également que ce secteur n'offre pas d'emplois de qualité. En effet, la population embauchée dans ces métiers se révèle démunies face au système. D'ailleurs seuls 5 % à 10 % d'entre eux sont syndiqués en Suède, par exemple, contre 70 % pour tous les secteurs confondus.
Améliorer la qualité des prestations
Bien que davantage professionnalisés qu'auparavant, les métiers des services à la personne se devraient d'être d'avantage réglementés, pour assurer une qualité de prestations. Des critères, des normes devraient être définis par chaque gouvernement pour obliger ces professionnels à se former de manière plus précise et complète. Chaque état devrait pouvoir recommander des structures privées plus que d'autres pour orienter les ménages. Cela pourrait être possible grâce à une pré-sélection des organisme ou la mise à disposition de documents d'informations précises sur chaque structure. Pour ce faire, la Belgique a mis par exemple en place un contrôle annuel par un cabinet indépendant. Cela obligerait les populations en difficulté à acquérir de vraies compétences, par le biais de formations labellisées, et leur permettrait d'accéder durablement à l'emploi. Cela augmenterait en outre la qualité des prestations fournies et irait dans le sens d'une amélioration de l'emploi dans ce secteur.
Baisse des emplois non déclarés
En ce qui concerne la baisse des emplois non-déclarés dans les services à la personne, elle restera difficile à évaluer. Ces chiffres étant, par essence même, cachés et mal connus.
Toutefois, comme l'affirme le rapport : en Finlande, ces dispositifs auraient permis de faire chuter le "travail au noir" de 60 % à 25 % entre 2001 et 2004 ; celui-ci aurait diminué de 10 % en Suède.
Source : COMMISSARIAT GÉNÉRAL À LA STRATÉGIE ET À LA PROSPECTIVE
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