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2015 comme 2002 : mouvement de fond ou feu de paille ?

Publié le 12 janvier 2015 par Delanopolis
La chronique du lundi de Serge Federbusch pour FigaroVox 2015 comme 2002 : mouvement de fond ou feu de paille ? En 2002, face à la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle, des foules immenses ont défilé, une union nationale des démocrates auto-proclamés s’est spontanément levée pour faire barrage à la menace post-fasciste, à la bête immonde sortie du ventre fécond, etc. etc.

Quel résultat 13 ans plus tard ? Le Front national ne s’est jamais aussi bien porté au plan électoral et, peu à peu, les prétendues élites en viennent à considérer son accession au pouvoir comme plausible. En sera-t-il de même pour la mobilisation née des attaques terroristes de cette semaine ? Seront-elle plus nombreuses et meurtrières dans 10 ans, voire moins si l’on tient compte de l’accélération de l’histoire ?

Certes, la mobilisation de millions de braves citoyens effrayés et choqués par des meurtres abjects est louable et sincère. Mais on peut se demander si le ver n’est pas déjà dans le fruit.

D’abord, la récupération de cette indignation républicaine par des politiciens sans scrupule est évidente et irritante, pour rester dans l’euphémisme. François Hollande, en tête de cortège, ne faisait pas un pas sans son conseiller en com’, personnage essentiel de toute cette mise en scène. Des individus aussi recommandables que les représentants du Qatar et de Turquie, soutiens de Daech ou des salafistes, gambadaient dans les premières lignes. Les arrières-pensées étaient omniprésentes. Angela Merkel aura-t-elle davantage de scrupule à réclamer à la France la réduction réelle de son déficit public après avoir marché dans les rues de Paris aux côtés de Hollande ? Rien n’est moins sûr.

Toutes les questions refoulées au cours de ce grand moment de communion nationale vont rapidement remonter à la surface. Comment se fait-il qu’un des terroristes, Amedy Coulibaly, ait vu sa peine de prison écourtée alors qu’il était déjà récidiviste ? Que sa surveillance et celle de ces complices ait été abandonnée il y a quelques mois ? Que Charlie Hebdo ait été si peu protégé alors que Valls nous expliquait il y a quelques semaines que le risque d’attentat n’avait jamais été aussi fort ? Et que dire de Cazeneuve qui assurait il y a quelques jours que les crimes de Montrouge et de Charlie Hebdo n’avaient rien à voir ?

Après 2002, les problèmes dont la montée du Front national étaient le révélateur n’ont pas été traités. Ceux que les assassinats de ces derniers jours mettent à jour risquent de ne pas l’être davantage. Certaines voix réclament un «patriot act» à l’américaine. Certes. Si il sert avant tout à museler les critiques politiques internes sur tous les sujets qui fâchent sauf le terrorisme, à faire taire par exemple les opposants à l’aéroport de Notre-Dame des Landes, on réalisera que la récupération n’était vraiment rien d’autre que du cynisme. Et le front républicain se lézardera vite.

La fermeté est absolument nécessaire vis-à-vis du fondamentalisme musulman qui gangrène des quartiers entiers de nos villes et va bien au-delà de l’islamisme radical. Il faudra bien, par exemple, qu’on s’interroge sur le laxisme qui permet à des femmes voilées d’entrer à l’université. Mais la gauche bien-pensante ne l’acceptera pas et la gauche électoraliste la craindra.

A contrario, les pesanteurs et la peur des réformes qui bride la France, la dilatation excessive de la bureaucratie étatique sont à l’origine d’un chômage et d’une désespérance qui finissent par nourrir les extrémismes. Est-ce faire preuve d’angélisme que de penser qu’il y aurait moins de radicaux s’il y avait plus d’espoir d’ascension sociale ?

Tant que la France n’aura pas nettoyé ses écuries d’Augias, ramené l’ordre laïc et la sécurité dans tous ses quartiers et écoles, la productivité dans son appareil d’Etat, le dynamisme dans son économie et imposé une meilleure prise en compte des intérêts de son industrie par l’Europe, nos difficultés s’accroîtront.

Alors, tout comme le vote protestataire d’extrême-droite, la sédition islamiste ne pourra que croître et prospérer, l’une alimentant l’autre de plus en plus fortement. Ce que les crimes de cette dernière semaine nous montrent, c’est que le scénario à la Houellebecq d’une soumission est moins plausible que celui d’une classique guerre civile.


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